L'ensachage des fruits à pépins est, depuis longtemps déjà,
pratiqué de façon courante dans les cultures commerciales de pommiers et de
poiriers faites en vue de l'obtention du fruit de luxe à vendre à la pièce.
Cette opération consiste, tout simplement, à abriter le
fruit encore jeune dans une enveloppe de papier qui le protège, à la fois,
contre les insectes, les spores de certains champignons, la grêle, les attaques
des loirs et celles des petits oiseaux.
Parmi les insectes qui s'attaquent aux fruits, celui qui
fait le plus de dégâts est, certainement, la Pyrale ou Carpocapse des
pommes et des poires, cause de la chute prématurée d'un grand nombre
de fruits avant maturité. La pratique de l'ensachage limite les dégâts faits
par cet insecte, dont la deuxième génération ne peut venir pondre, en juillet,
sur les fruits alors enfermés dans les sacs. Les attaques de la mouche des
fruits (Ceratitis capitata) sont également très amoindries.
Parmi les champignons, celui qui occasionne la tavelure est
très redoutable. Malheureusement, les pommes et les poires sont très souvent
contaminées par ce parasite bien avant leur mise en sacs, et il est encore
assez courant de voir des fruits ensachés atteints de tavelure. Mais on peut, cependant,
tenir pour certain que l'ensachage diminue, dans de fortes proportions, la
gravité des attaques et supprime radicalement les attaques tardives sur les
fruits.
D'ailleurs, l'avantage de l'ensachage est si évident que
personne ne le conteste plus et que cette pratique, adoptée par tous les
arboriculteurs professionnels, va de nouveau prendre de l'extension dès que les
conditions seront redevenues normales.
En dehors du rôle de préservation que possèdent les sacs,
ils ont, en effet, également l'avantage de donner à la peau du fruit une plus
grande finesse. Tant que celui-ci se trouve enfermé dans le sac, son épiderme
reste d'un vert tendre, mais, dès qu'on enlève le sac, au commencement de
l'automne, le fruit se colore, souvent très richement, du côté de l'insolation.
Il acquiert ainsi une plus grande beauté, et sa valeur marchande s'en trouve
considérablement augmentée.
Les sacs employés pour l'ensachage des poires et des pommes
doivent être en papier assez mince et, de préférence, un peu glacé. Ainsi l'eau
de pluie ne les mouille que difficilement, et ils sont moins sujets à se
déchirer, par exemple, sous l'action d'un coup de vent violent survenant après
la pluie.
Certains amateurs se servent de sacs de papier parcheminé,
percés de trous, d'un prix de revient assez élevé. Les arboriculteurs
professionnels utilisent, eux, des sacs faits avec un papier analogue à celui
des indicateurs Chaix des chemins de fer, c'est-à-dire suffisamment résistant à
l'action des intempéries pour durer au moins toute une saison. Ceux-ci sont
très largement suffisants et d'un prix de revient plus abordable.
Il existe des sacs de différentes dimensions, que l'on
choisit selon le volume que prendront les fruits. La taille la plus courante,
convenable pour les fruits de grosseur moyenne tels que poires Doyenné
d'hiver et Passe-Crassane, pommes Reinette du Canada, Grand-Alexandre,
Calville blanche, est de 14 centimètres de largeur sur 22 centimètres de
longueur. Pour les très gros fruits d'apparat, comme la Belle Angevine,
on a des sacs plus grands, de 20 centimètres de largeur sur 30 de longueur,
tandis que, pour les très petits fruits, comme la pomme d'Api, on
utilise simplement de petits cornets, que l'on fait sur place.
Les fruits sont ensachés aussitôt que possible et, en général,
dès qu'ils ont atteint la dimension d'une petite noix. C'est dans le courant de
juin qu'on procède à cette opération. Il n'y a aucun intérêt à le faire plus
tôt, car alors on est exposé à ensacher des fruits renfermant des larves de la Cécidomyie
noire, fruits calebassés, qui sont encore appelés à tomber. Il est
également indispensable de pratiquer, avant d'ensacher, l'éclaircissage des
fruits et, pour cela, de pouvoir être à peu près certain que tous les fruits
conservés tiendront.
Avant de placer les sacs, on les incise parfois, sur un des
côtés, plus ou moins profondément, suivant qu'il s'agit d'ensacher des poires
ou des pommes. S'il s'agit de poires, l'incision va jusqu'au tiers de la
longueur du sac ; s'il s'agit de pommes, elle va jusqu'à la moitié. Le
fruit est alors introduit dans le sac, le pédoncule restant en dehors et
glissant jusqu'au bas de la fente.
La fixation du sac se fait d'ailleurs de diverses façons.
Tantôt on plisse la partie supérieure du sac et on la maintient fermée avec un
caoutchouc. Tantôt encore on l'attache à la ramification fruitière qui porte le
fruit à l'aide d'un fil de plomb ou d'un brin de raphia. Ce dernier procédé est
surtout employé pour les poires, dans lesquelles le pédoncule est plus long et
se prête bien à ce mode de fixation. Les dangers de chute, sous l'effet des
intempéries, sont également plus grands pour les poires que pour les pommes.
Avant guerre, les professionnels avaient adopté un autre
mode de fixation comportant simplement l'introduction du fruit dans le sac,
dont l'orifice, préalablement plissé, était maintenu fermé par un anneau de
caoutchouc qu'on écartait pour introduire le fruit.
De toute façon, lorsque les sacs ont été préparés en
atelier, la pose s'en fait avec rapidité. Un ouvrier habitué à ce travail peut
arriver à en poser de 80 à 100 à l'heure.
Lorsqu'on opère sur des arbres en espalier, à une exposition
très chaude, il peut arriver, si l'on ne prend aucune précaution
supplémentaire, que les fruits soient brûlés dans les sacs. Pour éviter semblable
inconvénient, on pratique, dans le fond du sac, deux ouvertures, en enlevant,
par exemple, les deux angles de ce fond. De cette façon, l'air circule et les
risques de brûlure sont écartés.
Du 15 septembre au commencement d'octobre, on retire
les sacs. Cette opération se fait, d'ailleurs, progressivement. C'est ainsi que
l'on commence par déchirer assez fortement les angles du sac, puis, peu de
temps après, on le déchire davantage et en long. Quelques jours plus tard
encore, par temps couvert, ou le soir de préférence, on l'enlève complètement.
Sous l'action de la lumière, les fruits se colorent alors
très vivement. Ce sont surtout les fruits d'hiver, pour lesquels, d'ailleurs,
l'ensachage est plus généralement pratiqué, qui gagnent beaucoup en apparence,
après l'enlèvement des sacs, à condition, toutefois, que celui-ci ne soit pas
effectué de trop bonne heure, car alors le soleil, encore assez vif, durcirait
l'épiderme et serait ainsi plus nuisible qu'utile.
E. DELPLACE.
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