En diverses régions de France, dans l'Est notamment, la
fenaison est habituellement effectuée avec des précautions minutieuses afin que
le fourrage ne subisse aucune dépréciation, ni en quantité ni en qualité. Pour
les regains, on pousse parfois le souci jusqu'à les soigner à la main au lieu
d'utiliser les machines, sinon même jusqu'à les couper à la faux.
Cette attitude est dictée par l'importance de cet aliment
dans la ration hivernale, dont il est un élément essentiel. Mouillé en cours de
fenaison, le foin perd de son aspect, de sa valeur marchande et de sa valeur
alimentaire. Le pourcentage de dépréciation est variable évidemment avec
l'importance des ondées subies et peut atteindre 50, 60 p. 100 et
davantage ; mieux vaut alors une bonne paille que ce mauvais foin.
Dans les régions où les aliments verts restent abondants
tout l'hiver, là aussi où on n'attache pas grande importance à l'amaigrissement
des animaux au cours de la mauvaise saison, on prend beaucoup moins de soins et
on entasse après le minimum de manutentions un foin généralement médiocre et
fort peu nutritif.
Outre qu'il est toujours regrettable de ne pas tirer le
profit maximum d'une denrée, ce qui constitue une perte sèche, les animaux
auxquels on impose ce régime sont appelés à en souffrir. Il ne faudrait pas
croire qu'on remplace un kilo de bon foin par deux de mauvais. L'appareil
digestif des animaux est fait pour digérer une quantité déterminée d'aliments
et, ce chiffre atteint, il y a inconvénient à forcer la dose sous prétexte de
compenser par là l'insuffisance de qualité ; les bêtes rebutent dessus et
maigrissent. C'est ce qui rend difficile l'amélioration des troupeaux des
régions à sol pauvre par l'introduction de géniteurs d'élite, auxquels il ne
suffit pas de donner à manger à volonté, mais auxquels il faut des aliments
riches pour rester en pleine santé et conserver leurs attributs.
Rappelons qu'une fois qu'il a été retourné le foin ne doit
plus connaître ni pluie ni rosée, ce qui n'est d'ailleurs pas toujours facile à
réaliser pour peu que l'année soit pluvieuse. Tant que l'andain n'a pas été
touché, il n'y a que demi-mal, ce qui permet sans inconvénient sérieux de
faucher en fin de journée.
Le séchage doit se faire à l'air libre et non résulter de l’échauffement
des tas. Ceux-ci doivent être étendus le matin afin de permettre de faner une
fois et si possible deux au cours de la journée. Le soir, on les reforme,
chaque fois plus imposants.
Le séchage est plus ou moins rapide et le nombre de jours de
travail nécessaire pour arriver au but varie avec la saison et le degré de
végétation de l'herbe qui sèche d'autant plus vite qu'elle est plus mûre. En
retardant les travaux, on bénéficie de cet avantage et aussi de ce que le sol
plus sec et plus chaud aide à la dessiccation. Le travail va plus vite et on
risque moins la pluie. Dans le cas le plus favorable, on arrive à faucher un
jour et à rentrer le lendemain soir, mais, en règle générale, il faut compter
plusieurs jours de soins assidus, trois en moyenne.
Quels que soient les avantages d'une fenaison tardive, il ne
faut pas oublier cependant que l'herbe est à son maximum de qualité au moment
de la floraison. Il y a, dans une prairie, des essences diverses de maturité
plus ou moins précoce, aussi le moment favorable à la coupe est-il moins précis
que dans le cas d'une luzerne. On choisira le moment où le plus grand nombre de
plantes atteignent ce stade de la floraison. Passé ce moment, les essences les
plus précoces seront déjà à graine, dures et jaunies, ayant perdu la plus
grande partie de leur valeur alimentaire. L'aspect lui-même sera moins
plaisant, ce qui est important pour le foin destiné au commerce.
En années pluvieuses, où les ondées se succèdent à
intervalles rapprochés, il est difficile de faire sécher le foin
convenablement. Il faut alors recourir à l'usage du sel dénaturé, qu'on mêle au
fourrage à raison de 2 kilos, 2kg,5 ou 3 kilos pour 100 kilos de
fourrage. Celui-ci est disposé en couches de 30 à 40 centimètres d'épaisseur;
qu'on saupoudre de sel. Le tas chauffe, mais le sel empêche les fermentations
nuisibles, et le fourrage conserve un aspect normal et ses qualités nutritives.
Il ne faut, toutefois, pas dépasser cette dose de sel, car on s'exposerait à
provoquer chez les animaux des troubles intestinaux.
En faible quantité, le sel est recommandable dans les
rations, notamment dans celles des vaches laitières ; aussi, lorsqu'on a
le moindre doute sur la siccité du fourrage rentré, peut-on lui ajouter 0,5 à 1
p. 100 de sel dénaturé pour en assurer la conservation.
Le salage ne convient, bien entendu, qu'au foin destiné à la
consommation intérieure, car il n'est pas dans les usages commerciaux.
Donner aux animaux des aliments concentrés est souvent une
nécessité et une source de profit ; c'est aussi une dépense importante ;
en leur fournissant du très bon foin, on peut la réduire de façon appréciable
tout en obtenant des animaux le maximum de production.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
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