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La production des chapons

Une vieille méthode à ne pas abandonner.

Un chapon est toujours un plat de choix dont la qualité n'est pas à discuter. Mais pourquoi, actuellement, en trouve-t-on si difficilement sur le marché, quoique certaines provinces en envoient encore quelques-uns aux Halles ? Il semble qu'un certain discrédit ait été jeté sur cette spécialisation tout à fait particulière de l'aviculture française, spécialisation souvent qualifiée de désuète, archaïque, révolue, que sais-je encore ? Et, pourtant, si l'on regarde ce qui se fait dans certains pays où l'aviculture est la plus modernisée du monde (et nous pensons aux États-Unis), on s'aperçoit que le chaponnage y occupe une place estimée, et que le département de l'Agriculture de l'État, encouragé par les éleveurs qu'il soutient, s'y intéresse activement.

Mais, là encore, au lieu de supprimer une méthode, il faut la moderniser, la perfectionner, l'adapter, surtout dans un pays comme le nôtre, où les basses-cours de petite et de moyenne importance sont les plus nombreuses ; dans un pays où l'élevage en batterie n'est pas l'apanage de tout éleveur ; dans un pays où nombre de gens recherchent la qualité dans toute sa perfection.

Nous ne voulons pas nous étendre ici sur les avantages multiples des chapons. Nous voulons simplement vous entretenir aujourd'hui du chaponnage, afin que votre attention soit attirée par cette méthode de production de volailles de première qualité.

Tout d'abord, on ne peut transformer n'importe quel coquelet en excellent chapon. Il faut savoir choisir des sujets robustes, bien charpentés, d'une race orientée vers la production de la chair. Un coquelet Leghorn ne fera jamais qu'un mauvais chapon. Les races de Plymouth-Rock, les Rhode-Island, les Wyandotte, les coquelets de La Flèche produisent, au contraire, les meilleurs chapons.

Le chaponnage, ou castration des sujets mâles en vue d'obtenir un fort volume et une chair plus savoureuse, doit se pratiquer sur des bêtes âgées de deux à trois mois. Quand les sujets sont plus âgés, l'opération est plus délicate et les suites peuvent en être plus dangereuses.

Autrefois, les paysannes se servaient de leurs doigts pour enlever les testicules des futurs chapons. Cela n'est pas très hygiénique et, en outre, requiert une très grande habitude qui n'est pas donnée à tout le monde. Il est beaucoup plus propre et beaucoup plus facile de se servir de quelques instruments. En voici la liste : un forceps pour enlever les testicules, un scalpel pour faire l'incision préalable, un écarteur pour maintenir l'incision ouverte et opérer plus commodément, un crochet spécial pour déchirer la membrane qui recouvre les intestins, une pince pour enlever les éléments étrangers qui auraient pu s'introduire dans le corps du sujet pendant l'opération.

Avant la castration, on fait jeûner les coquelets pendant au moins vingt-quatre heures. Et, pour pratiquer l'opération, on étend le sujet sur le côté, en pleine lumière, pour y voir très clair, ce qui est indispensable ; on lui lie les pattes et les ailes ; il est d'ailleurs très utile de se faire aider par une tierce personne. On enlève les plumes qui recouvrent la dernière et l'avant-dernière côte, afin que la peau soit mise à nu en cet endroit. On pratique en effet l'incision entre ces deux côtes, incision longue d'environ quatre centimètres et maintenue ouverte à l'aide de l'écarteur.

On aperçoit ainsi les intestins, recouverts par une fine membrane que l'on déchire à l'aide du petit crochet ci-dessus indiqué. Contre la colonne vertébrale se trouvent les deux testicules que l'on dégage avec la pince de la masse des intestins. On introduit alors le forceps (il en existe plusieurs modèles) et on saisit le testicule qui se trouve du côté de l'incision. C'est à ce moment que l'opération devient la plus délicate, car il faut arracher le testicule sans endommager l'artère rénale qui le touche, sinon le sujet mourrait sur-le-champ. Il faut donc retirer le testicule avec précaution, doucement et sans à-coup ; bientôt le testicule peut être ramené à l'extérieur, sans que la vie de l'animal soit mise en danger.

Quand l'un des testicules est enlevé, les personnes très habiles et très expertes retirent le second sans pratiquer une seconde incision sur le côté opposé du sujet ; mais les débutants auront souvent avantage à pratiquer une seconde incision, l'opération étant moins difficile à effectuer.

On recoud les incisions avec du catgut si possible, et l'on isole pendant quelques jours les sujets opérés. Pour éviter tout ennui, il est préférable de les nourrir avec des pâtées très humides. Au bout d'une semaine, ils sont capables de reprendre une vie normale — si l'on peut s'exprimer ainsi — dans la basse-cour, jusqu'à ce que, vers l'âge de huit à dix mois, ils soient sacrifiés après avoir subi un engraissement approprié.

Un bon conseil pour réussir le chaponnage : « faites-vous la main » sur des volailles mortes ...

Pratiquez donc le chaponnage et vous obtiendrez des sujets d'une présentation unique, soit pour votre consommation familiale, soit pour la vente à une clientèle de choix qui vous paiera un bon prix de tels produits de qualité.

E. DE JEANAY-CHALENS.

Le Chasseur Français N°640 Juin 1950 Page 363