Dans notre causerie de mai, nous faisions part à nos
lecteurs des essais de l'hélicoptère à réaction « Ariel ». Ces essais
se poursuivirent avec beaucoup de succès ; il est possible de dire que sa
mise au point en est aujourd'hui pratiquement terminée et que ce prototype va
donner naissance à des dérivés beaucoup plus perfectionnés.
Un nouvel engin de locomotion aérienne vient donc de voir le
jour ; examinons ses caractéristiques principales et ce qu'il nous apporte
de nouveau.
Avantages de la propulsion par réaction.
— L'application de la propulsion par réaction aux
hélicoptères faisait et fait encore actuellement l'objet de nombreuses
recherches dans le monde entier. Ainsi, quelques hélicoptères expérimentaux à
réaction avaient réussi quelques timides vols, le premier en Autriche, à la fin
de la guerre; les autres aux États-Unis, au cours des deux dernières années.
L'« Ariel », appareil français 100 p. 100,
étudié et réalisé par les ingénieurs de la S. N. C. A. S. O.,
nous apporte quelque chose de beaucoup plus concret, et sa conception n'a
absolument rien de commun avec tout ce qui a été fait à ce jour à l'étranger.
Le premier avantage de la propulsion par réaction de l'hélicoptère
« Ariel » est de permettre d'actionner les pales du rotor sans aucune
transmission mécanique, celles-ci étant uniquement entraînées par la réaction
des gaz éjectés à leur extrémité.
Simplification mécanique.
Cette astucieuse conception se traduit par une énorme
simplification mécanique, donc par une diminution sensible du prix de revient
et d'entretien de l'appareil. Les organes supprimés comprennent les divers
embrayages, les roues libres et les engrenages qui travaillaient dans des
conditions très dures et exigeaient des matériaux et un usinage de très haute
qualité et nécessitant, d'autre part, des révisions onéreuses et fréquentes.
Ces organes représentaient aussi un poids mort très important.
Un second avantage est de permettre à un hélicoptère à
un seul rotor de voler sans dispositif compensateur de couple. L'on sait que
cet organe est habituellement constitué par une hélice tournant sur axe
horizontal et située vers la queue de la machine. Elle absorbait en pure perte
10 p. 100 de la puissance et était une source d'ennuis dans les manœuvres
au sol.
Un inconvénient cependant ...
L'inconvénient majeur de ce genre de propulsion est une
consommation accrue de combustible comparativement à l'hélicoptère mécanique.
Cependant il semble qu'au point de vue prix de revient cet inconvénient soit
compensé surtout, pour les gros tonnages et petites distances, par une
augmentation de la charge utile et par la diminution des frais d'amortissement
et d'entretien.
Le fonctionnement de l'appareil.
— L'hélicoptère à réaction « Ariel » est
équipé d'un moteur à pistons. Ce dernier mis en route actionne un compresseur
d'air installé à l'intérieur du fuselage ; l'air sortant du compresseur
est envoyé à travers le moyeu ; durant son trajet à travers les pales
cette pression s'intensifie considérablement sous l'effet de la force
centrifuge ; l'air se trouve ainsi pulvérisé sous une très haute pression
par les injecteurs des chambres de combustion.
Après allumage au moyen d'une bougie, les gaz de combustion
sont éjectés dans les tuyères faisant suite aux chambres de combustion et
produisent alors l'effet propulsif qui entraîne le rotor tripale.
Avantages du système français.
— Cette solution est beaucoup plus avantageuse pour la
consommation que celle basée sur l'emploi de statoréacteurs, qui est
actuellement en cours de développement aux États-Unis.
Elle présente également un deuxième avantage très important :
la résistance de l'air sur les réacteurs de très faible encombrement placés en
bout de pale est pratiquement négligeable. Une panne ne diminue donc aucunement
les qualités d'autorotation de la voiture tournante, et l'appareil peut ainsi
atterrir en toute sécurité. Au contraire, la grande résistance offerte à l'air
par les statoréacteurs pose à certains constructeurs partisans de cette
conception un problème d'autorotation qui est loin d'être résolu.
Caractéristiques de l'appareil et des versions futures.
— Le poids total de l'hélicoptère « Ariel »
est de 850 kilogrammes. Son moteur développe 150 CV, i1 actionne un compresseur
« Turboméca ».
Il présente en vol une bonne maniabilité et une excellente
stabilité grâce à son rotor de 10m,80 de diamètre.
Il est, en particulier, totalement exempt des légères
vibrations qui caractérisent les hélicoptères à propulsion mécanique, même ceux
qui sont actuellement utilisés commercialement.
Un autre appareil est actuellement en cours de mise au
point. Biplace équipé d'un groupe moto-compresseur monobloc de 200 CV. La
vitesse escomptée est de 170 kilomètres heure maximum, avec autonomie portée à
250 kilomètres et une charge utile de 200 kilogrammes, au poids total de 1.125
kilogrammes, et 725 kilogrammes à vide.
Un troisième appareil est en cours de fabrication et il
comportera une innovation assez sensationnelle, puisque le moteur à piston
actionnant le compresseur actuel sera remplacé par une turbine à gaz en prise
directe axée le compresseur. Ce qui conduira à une simplification maximum avec
un poids et un encombrement encore considérablement réduits. Le poids total à
vide sera de 520 kilogrammes et le poids en vol 1.075 kilogrammes, ce qui
représentera une charge utile de 51 p. 100 par rapport au poids total.
C'est un coefficient de charge encore jamais atteint par un hélicoptère.
Des perfectionnements ne manqueront pas d'être apportés à
ces appareils au fur et à mesure de leur mise au point. Les pales, qui sont
actuellement de construction mixte, bois et métal, avec assemblages collés
autour d'un longeron intérieur creux en duralumin, seront remplacées par des
pales métalliques. Un régulateur automatique du régime du rotor est aussi
prévu, ainsi que divers dispositifs améliorant la consommation.
L'étude d'un appareil de gros tonnage, principalement
destiné au transport de grosses charges, est actuellement en cours, ce qui
semble bien souligner l'intérêt que suscite l'hélicoptère à réaction, dont la formule
est sans nul doute une formule d'avenir.
Maurice DESSAGNE.
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