Pourquoi le poisson qui gobe sur une éclosion ne prend-il
pas la mouche noyée alors que la même mouche présentée en sèche, en amont, est
prise ?
La réponse est difficile et digne d'un Gascon !
Certains, et non des moins réputés, disent qu'il y a là une question de
présentation. Je ne le crois pas. Je dirai : dans ce cas, le poisson ne
gobe que l'insecte adulte en surface ; il refuse toute autre chose, même
la larve du même insecte qui monte pour éclore, parce que c'est le plat du
moment. Il ne gobe que cet insecte et n'a de ventre que pour lui. La mouche
noyée est pour lui, à ce moment, un aliment dont il ne se nourrit pas. Mais ne
me demandez pas pourquoi.
À propos d'autres larves ou des larves du même insecte qu'il
gobe présentement en surface, il lui arrive, à un autre moment, de les prendre
entre deux eaux. On dit alors qu'il est tailing. Il refuse, alors, la
mouche sèche : pourquoi ? Pour la même raison, qu'il faut admettre
sans explication, que ce n'est pas le plat du moment. C'est ainsi que nous,
nous mangeons parfois la salade au commencement du repas et parfois à la fin.
On a dit que, le poisson étant tailing, il ne voyait pas la mouche à
cause de sa situation : je ne le crois pas non plus.
Le théoricien se dit : puisqu'il y a éclosion, il y a
des larves qui montent du fond vers la surface, c'est le moment d'appliquer le
principe de la mouche noyée et de faire de savants relâchers : c'est vrai
et c'est faux. C'est vrai quand le poisson est tailing, c'est faux quand
il gobe en surface. Telle est la réponse de l'expérience.
Le poisson nous montre, en ce cas bien typique, qu'il n'y a
rien d'absolu. Ce qui est vrai aujourd'hui ne l'est plus demain ; ce qui
est vrai ici ne l'est pas à côté. D'ailleurs, le poisson n'a-t-il pas, comme
nous, besoin de varier son menu pour raison de santé ? Connaissons-nous la
valeur nutritive comparée des deux états du même insecte et les besoins
biologiques du poisson qui, peut-être, le poussent, l'obligent même à ces
différences, qui nous paraissent fantaisistes dans le choix de la nourriture ?
Pure supposition de ma part, mais, en tout cas, le fait est général et concerne
toute nourriture. Il est tellement vrai que posséder la mouche du moment est
avoir le secret de la réussite complète.
Il y a cependant des exceptions nombreuses, heureusement
pour les pêcheurs, et ils sont nombreux, qui n'ont pas, volontairement ou non,
la mouche exacte. Mais c'est bien plutôt le « désespoir du pêcheur »
qui les attend le plus souvent, dans le cas considéré.
En bien d'autres circonstances, les mouches dites de
fantaisie, d'ensemble, donnent de bons résultats. Il arrive même que
quelques-unes sont aussi bonnes en noyée qu'en sèche. La Wicklam' fancy,
par exemple, sur une éclosion de petits éphémères.
Alors ! À quoi bon se casser la tête ...
P. CARRÈRE.
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