Ils sont aussi variés que les appâts pour la pêche en eau
douce. Beaucoup de poissons de mer sont des carnassiers et dévorent les
poissons plus petits qu'eux. Ces poissons mangent des vers, des mollusques, de
petits crustacés, des algues, et les plus petits d'entre eux, ainsi que les
alevins, se nourrissent de plancton marin, dont l'abondance est très variable.
C'est d'ailleurs la présence du plancton marin,
c'est-à-dire des petits organismes animaux et végétaux flottant dans la masse
aquatique, qui donne à l'eau de mer, pour partie, sa coloration. Les pêcheurs
de mer, certaines nuits orageuses d'été, par calme plat, ont eu l'occasion
d'observer des phénomènes de phosphorescence dans l'eau ; ces lueurs
laiteuses phosphorescentes, parfois impressionnantes, accompagnent les objets
en mouvement dans l'eau (pied du pêcheur, poisson effrayé, filet en action) et
leur font un halo lumineux. Ces lueurs, le plus souvent, sont dues à des bancs
de plancton particulièrement abondants, dont les organismes sont dotés d'organes
lumineux, comme sur terre les vers luisants ; ces organes lumineux
phosphorescents sont fréquents, surtout chez certains mollusques céphalopodes
et certains petits crustacés. Ces phénomènes de phosphorescence s'observent
aussi sur des morceaux de poissons, de seiche ou de poulpe en décomposition, et
qui deviennent luminescents la nuit.
Mais ceci nous entraîne bien loin de nos appâts marins.
Parlons tout d'abord des vers.
Le meilleur des appâts marins de toutes nos côtes, de
Dunkerque à Hendaye, est constitué par l'arénicole des pêcheurs (Arenicola
marina). Il est en moyenne long de 10 à 20 centimètres, mais peut en
atteindre 30 ; adulte, il est de couleur noire ou vert foncé, et, plus
jeune, de couleur rose jaune. Le corps est gros, mou, cylindrique, muni de
poils et se termine par une queue plus mince, dure, annelée, le plus souvent
remplie de sable ; cette queue se détache ou peut s'amputer facilement ;
le corps, au contraire, est fragile et, à peine entaillé ou coupé par la
pioche, se vide en une sanie rouge jaune sale. On trouve l'arénicole à marée
basse dans les plages sableuses ou vaseuses, où il fait un trou de 30 à 40
centimètres près de l'orifice duquel se trouve de petits tortillons de sable
qui sont ses déjections ; ce ver, comme tous les vers, ingère la terre et
la vase, digère les nombreux animalcules, bactéries et algues microscopiques
qui s'y trouvent et rejette les parties minérales. Le pêcheur, à la marée basse
qui précède la pêche, se munit d'une pioche ou d'une fourche de jardinier à
quatre fers plats et remue consciencieusement le sable sur 20 à 30 centimètres
de profondeur. Le travail est pénible, surtout sous la grosse chaleur d'été,
car le ver s'enfonce alors profondément ; d'autre part, plus la saison
avance, plus les pêcheurs pourchassent l'arénicole et plus ce dernier devient
rare. On trouve l'arénicole sur toutes les côtes de France, depuis les plages
vaseuses du port de Boulogne jusque dans le fond des baies bretonnes et
vendéennes, dans le fond de la baie d'Arcachon ou dans le lac marin d'Hossegor.
La conservation des arénicoles est difficile et peut
rarement dépasser quarante-huit heures. Il faut éviter de les conserver dans
des boîtes métalliques et employer des caisses en bois ; si on ne doit les
utiliser que le lendemain ou le surlendemain, il est nécessaire de rejeter tous
les vers abîmés et de ne garder que les plus sains, que l'on place dans une
grosse toile de sac humide ; on les étale alors sur un sol cimenté, au
frais ; on peut les conserver plusieurs jours, à condition de les équeuter
et de les fendre en les pressant pour les vider ; on peut également les
saler en cet état, ils regonflent ensuite à l'eau de mer.
C'est un bon appât qui convient à peu près à tous les
poissons, notamment le maigre, l'ombrine ou verrue, le bar, la dorade, mais il
a l'inconvénient de mal résister aux attaques des crabes.
La néréide (Nereis pelagica) est un ver long
de 5 à 10 centimètres et que ses soies nombreuses font parfois nommer « millepattes ».
On le trouve sous les pierres qui couvrent certains endroits vaseux ou sableux.
La néréide se conserve dans des algues humides pendant deux
ou trois jours. C'est un appât fragile mais excellent, notamment pour le muge
ou mulet, qui en est friand.
Il me faut enfin, en tant que pêcheur habitué aux côtes des
Landes, signaler le petit ver de sable multicolore (le plus souvent rouge, mais
également bleu ou blanc), cylindrique, long de 2 centimètres et qu'on trouve en
abondance en fouillant les bancs de sable à marée basse ; c'est un annélide
qui porte le nom scientifique d'Ophelia bicornis. Il est très fragile et
on ne peut guère l'utiliser que sur des hameçons minces et de petite taille,
sur lesquels on le pique en faisant bâiller les barbes de sa bouche par une
légère pression.
C'est un excellent appât pour le bar moucheté (dit picat),
et surtout pour la sole. Il est, certaines années, très abondant sur les bancs
de sable découverts à marée basse par quelques centimètres de profondeur où,
d'un simple mouvement de pied, on peut le déterrer.
Les mollusques donnent également quelques excellents appâts.
La moule est très attractive, mais tient très mal à
l'hameçon ; elle sert surtout à fabriquer des pâtées pour attirer le
poisson.
Le couteau (Solen ensis) est un coquillage en
forme de manche de couteau de 10 à 15 centimètres de long sur 1cm, 5
à 2 centimètres de large, de couleur blanche et de consistance dure. On ne le
trouve que dans quelques endroits de nos côtes. Il tient fort bien à l'hameçon,
peut se saler et est apprécié du maigre, de la lombrine, des squales et des
raies.
Toujours sur la côte des Landes, on trouve à marée basse,
sur les bancs de sable, sous une profondeur d'eau de 10 centimètres à 1 mètre,
des petits coquillages blancs dits lagagnons ou chirles, qui ont
la forme générale des moules dont le coquillage serait blanc. Le nom
scientifique est Donax vitatus. C'est un appât de tout premier ordre
tenant convenablement à l'hameçon, résistant bien aux crabes et très apprécié
de tous les poissons et même des plus gros maigres et des plus grosses « verrues » ;
on en met en général deux ou trois à l'hameçon. Il a l'avantage de se conserver
fort bien pendant plusieurs jours. Sa récolte est très amusante ; pendant
la belle saison, le pêcheur promène sur les bancs de sable, le plus au large
possible, un râteau courbe portant un grillage à mailles fines ; les dents
du râteau pénètrent de quelques centimètres sous la surface du sable et, après
quelques mètres de parcours, le râteau levé laisse filtrer le sable et retient
quelques lagagnons. La recherche de cet appât peut être confiée aux enfants,
que cette recherche amuse fort. Le lagagnon a, en outre, l'intérêt d'être
comestible et de goût excellent.
Dans les plages de la Manche et du Nord de l'Atlantique, le lagagnon
est remplacé par la coque (Cardium fasciafum) que l'on peut
trouver dans les sables vaseux à marée basse et qu'on recueille comme le lagagnon.
C'est un bon appât pour le lieu et le tacaud.
Signalons enfin un petit mollusque univalve connu sous le
nom de bigorneau ; il est abondant sur les rochers à marée basse ; il
n'est guère recherché que par les petits poissons.
Pour mémoire, il nous faut parler du buccin, qui a la formé
d'un très gros escargot blanc et qui est ramené par les chalutiers. Il vit dans
les fonds marins de 40 à 80 centimètres. Il faut évidemment casser sa coquille
pour l'appâter et il fournit une esche très dure, tenant bien à l'hameçon, pour
la raie à dard, appelée « terre » ou mylobate, et les squales. Il
n'est guère apprécié par les autres poissons et je ne le signale que parce
qu'il est l'appât préféré des morues.
Nous examinerons la prochaine fois les mollusques sans
coquille et les crustacés qui présentent une valeur attractive sur les
poissons.
LARTIGUE.
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