On serait tenté de présenter ce petit sloop comme un
bateau à tout faire. Mais ce serait présomptueux, car nous savons que cela ne
peut exister en matière de construction navale. Disons plus simplement que ce
dériveur représente une honnête moyenne, un bateau essentiellement pratique
conçu pour la promenade et la pêche plus que pour la vitesse et la régate, et
dont le tableau arrière s'accommodera fort bien d'un moteur hors-bord de 2 à 3
CV. Certains amateurs le trouveront sans doute un peu lourd, son poids étant de
650 kilogrammes ; mais il s'agit là d'un bateau robuste et sûr, conçu pour
la mer et offrant une bonne marge de sécurité avec les caractéristiques
suivantes :
Longueur totale |
.......... |
4m,525 |
Largeur hors bordée |
.......... |
1m,800 |
Franc-bord minimum |
.......... |
0m,440 |
Tirant d'eau dérive haute |
.......... |
0m,400 |
Tirant d'eau dérive basse |
.......... |
0m,940 |
Déplacement |
.......... |
650 kg. |
Surface de la grand' voile |
.......... |
9m2 |
Surface du foc |
.......... |
3m2,25 |
Surface de voilure totale |
.......... |
12m2,25 |
Gréement à corne classique, simple et économique, avec
bandes de ris à la grand' voile et au foc. Celui-ci est draillé sur l'étai et
borné. Ainsi le virement de bord peut se faire par action sur la barre sans
toucher aux écoutes. Le mât est court. Il dépasse à peine 4 mètres, ce qui
évite, quand on pêche au mouillage, ce balancement fatigant que donne la haute
mâture marconi.
Comme dans la plupart des plans que nous avons vus
précédemment, la coque est à angles vifs, et le souci de faire simple a guidé
l'architecte en prévision d'une clientèle de non professionnels. Les plans sont
très détaillés et ils sont accompagnés d'une notice explicative suffisamment
claire pour comprendre le processus de la construction.
Le premier travail à faire consiste à tracer en vraie
grandeur les parties du bateau nécessaires pour établir ultérieurement nos
gabarits. On prépare ensuite le chantier et on passe à la confection des pièces
majeures. Ces pièces terminées, on va s'occuper des gabarits, des serres, etc.
Le gros oeuvre terminé, on pose les lisses et on vérifie l'ensemble avant la
mise en place des bordés, le bateau étant démonté et retourné la quille en
l'air. On commence par border les fonds, puis on redresse le bateau pour border
les côtés. Nous avons déjà vu les détails de ce travail et nous n'insisterons
pas.
Nous serons, par contre, plus explicite en ce qui concerne
l'entoilage du pont, qui intéresse tous les constructeurs et tous les petits
bateaux, car c'est le seul moyen, à défaut des ponts en contre-plaqué,
d'obtenir une étanchéité parfaite. Le pont étant fini au rabot, on passe de la
peinture épaisse. Certains préfèrent passer une couche épaisse de céruse et de
vernis gras ayant une consistance de crème pâteuse. On utilise de la toile à
voile. Il est toujours préférable, si on peut l'obtenir d'une largeur
suffisante, d'entoiler le pont d'une seule pièce. Dans le cas contraire,
prendre deux lés de toile cousus solidement ensemble, cette couture se
confondant avec notre axe longitudinal. La toile sera humectée à l'eau douce et
présentée tendue sur le pont suivant l'axe longitudinal et tenue par quelques
semences en cuivre, puis nous la tendrons extérieurement et la maintiendrons
par des semences ; aucun pli ne doit se former, et, quand la surface sera
bien lisse, nous clouerons définitivement notre toile sur le champ du bordé de
pont, les semences étant espacées au plus de 3 centimètres, et nous donnerons
une couche de peinture ordinaire en appuyant en force avec le pinceau pour que
la toile colle bien sur le pont. Il n'y a plus qu'à attendre que la peinture
soit bien sèche avant de continuer le travail.
Nous poserons ensuite les couvre-joints extérieurs et
couperons la toile dépassant, puis ouvrirons le cockpit en coupant la toile à 3
centimètres en dedans de l'hiloire, poserons les taquets d'angle et les quarts
de rond, la toile se relevant contre l’hiloire, et couperons ce qui dépassera.
Pendant que notre bateau se montera, nous aurons donné la
dérive et la caisse à faire à un chaudronnier. Leur confection est des plus
simple et ne mérite aucune mention spéciale. Nous poserons ensuite le plancher,
les banquettes, et passerons à la pose des ferrures. Il nous reste à
confectionner le gouvernail, la mèche et le safran. Nous devons alors poncer
entièrement notre coque et, au besoin, calfater légèrement les râblures et
l'angle de bouchain au coton fin. Il nous restera à peindre, ce qui n'offre
rien de spécial. Rappelons seulement que deux couches de peinture valent mieux
qu'une seule épaisse, et qu'il faut qu'une couche soit bien sèche avant d'en
passer une autre.
La mâture sera faite en pin du Nord ou, mieux, en spruce.
Elle sera huilée et vernie à trois couches. La voilure sera donnée à faire à un
bon voilier. Elle sera en coton n°5 à laizes de 23 ou 27 de large,
perpendiculaires aux ralingues de chute arrière. La grand' voile sera munie de
trois lattes. Nous ferons bien de tanner notre voilure pour nous permettre de
la ferler, même mouillée. Le gréement dormant est aisé à faire ; n'importe
quel matelot nous y aidera. Il y a un étai et deux haubans se capelant en tête
de mât. L'étai se maille sur la latte d'étrave avec une manille, les haubans se
terminent par une cosse, et leur ridage est tenu par quelques tours de manille
de 4 à 5 millimètres. Reste l'armement ; il sera sage de toujours, avoir à
bord celui indiqué au plan. L'ancre devra avoir une verge assez longue et des
pattes larges. La chaîne pourra être remplacée par un bout en manille de 14. Le
lestage sera fait en vieilles gueuses de fonte ou de plomb, environ 150
kilogrammes, logées de chaque côté du puits entre celui-ci et les élongis, et calées.
Notre bateau est terminé; une dernière inspection, et nous
pourrons le mettre à flot. Alors nous pourrons hisser nos voiles et, pour peu
qu'une petite brise se lève, nous oublierons vite les heures de travail passées
à sa construction.
A. PIERRE.
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