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La mouche des fruits

Aux nombreux parasites qui s'attaquent à nos fruits métropolitains, il faut, depuis déjà un certain nombre d'années dans le Midi, depuis seulement deux ou trois ans dans le Centre et la région parisienne, en ajouter un, particulièrement redoutable, la mouche des fruits.

La mouche des fruits (Ceratitis capitata) provoque des attaques qui diffèrent assez nettement de celles occasionnées par les autres parasites des fruits se développant dans ceux-ci en été et en automne, comme le carpocapse des poires et des pommes et la tordeuse orientale du pêcher. Au lieu d'être solitaires, comme le sont le plus souvent les chenilles de ces deux derniers papillons, les larves de la mouche des fruits sont des asticots très mobiles qui peuvent être nombreux dans un même fruit, dont ils transforment rapidement l'intérieur en une sorte de bouillie de couleur brune.

Origine et biologie de l'Insecte.

— Le Ceratitis capitata est, semble-t-il, originaire de la côte occidentale d'Afrique, d'où il s'est répandu, avec les agrumes, dans tous les pays où il lui est possible de vivre, c'est-à-dire dans la région comprise entre les 45es degrés de latitude nord et sud.

L'insecte adulte est une mouche de 4 à 5 millimètres de long, de couleur jaune, blanc et noir, qui porte sur les ailes des bandes orangées très particulières. Aussitôt après l'accouplement, qui s'effectue très peu de temps après leur apparition, les femelles se mettent à pondre sur les fruits des œufs qu'elles déposent par groupes de 4 à 6 à quelques millimètres de profondeur dans la pulpe du fruit. La piqûre de ponte est presque invisible. Chaque femelle peut pondre de 300 à 400 œufs et revenir plusieurs fois sur le même fruit. Lorsque la température s'abaisse au-dessous de 18°, la ponte s'arrête pour reprendre aussitôt que les conditions climatiques redeviennent favorables.

Les œufs éclosent plus ou moins rapidement et les larves s'enfoncent dans le fruit, pénétrant jusqu'aux pépins ou jusqu'au noyau. Lorsque leur développement est complet, elles sortent du fruit, se laissent tomber sur le sol et s'enterrent à faible profondeur pour se transformer d'abord en nymphes, puis, peu de temps après, en nouveaux adultes. Il peut ainsi y avoir plusieurs générations dans le cours de l'été si celui-ci est très chaud et assez sec. La durée d'une génération peut d'ailleurs varier notablement de vingt à quarante jours, suivant les conditions de température.

De nombreux fruits peuvent être parasités. Citons, parmi ceux qui nous intéressent, les agrumes, les pêches, les abricots, les poires et les pommes. Tous sont attaqués, peu de temps avant la récolte, lorsqu'ils sont dans des conditions susceptibles de favoriser le développement des larves.

À vrai dire, il ne s'agit pas d'un parasite tout à fait nouveau. Dans la vallée du Rhône, sur le littoral méditerranéen, et même dans la vallée de la Garonne, on le rencontre depuis trois quarts de siècle. Dans la vallée de la Loire et la région parisienne, il existe aussi, mais les dégâts qu'il fait restent limités parce que les conditions climatiques permettent rarement la contamination des fruits d'hiver (poires Passe-Crassane par exemple) ou des pêches tardives.

Le fait s'est cependant produit, dans de nombreux vergers, en 1949 où, dans la région parisienne, la moyenne de température a été voisine de 20° de fin juillet à fin septembre, permettant le développement normal d'au moins deux générations et probablement même une ponte tardive sur les poires d'hiver qui, rentrées au fruitier saines en apparence, n'en ont pas moins été perdues par suite de l'éclosion à l'intérieur de nombreuses larves.

Moyens de préservation.

— Il est possible que les conditions particulièrement favorables à l'évolution de l'insecte ne se reproduisent pas en 1950, mais le contraire est également du domaine des possibilités. Il est donc dans l'intérêt des arboriculteurs comme dans celui des amateurs de prendre quelques précautions qui, si elles ne sont pas à même de conjurer le danger, sont susceptibles de limiter considérablement les attaques.

Ces précautions sont les suivantes :

    1° Destruction, soit par le feu, soit par un enfouissement très profond, des fruits d'automne et d'hiver contaminés, dans le but d'empêcher les larves qu'ils contiennent de donner des mouches en juin-juillet suivant.

    2° Ramassage minutieux des abricots, pêches, poires précoces parasités (pêches surtout) et destruction de ces fruits recelant des larves capables de se métamorphoser rapidement en mouches et de fournir une seconde génération plus nombreuse et, partant, plus redoutable que la première.

    3° Mise en sacs des poires et pommes d'hiver de luxe. Cette opération est à même d'assurer contre le Ceratitis une protection sinon parfaite, du moins très satisfaisante.

    4° Entreposage frigorifique des fruits tardifs dont on craint la contamination, et ceci dès la récolte. On a en effet observé qu'un séjour de trois à quatre semaines à une température comprise entre 1 et 4° C arrêtait totalement l'éclosion des œufs et le développement des larves.

Indépendamment de ces précautions, on peut également fonder des espoirs sur la lutte à l'aide des nouveaux insecticides de synthèse. On n'en est jusqu'ici qu'à la période des essais, mais ceux-ci sont, d'ores et déjà, très encourageants.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°641 Juillet 1950 Page 421