Il n'est pas très indiqué de traiter un sujet que l'on ne
connaît guère ... Les « soucoupes volantes » en font partie !
Elles ont cependant fait couler une quantité énorme d'encre, sous la plume
alerte d'innombrables confrères. « On » en voit partout. L'Amérique
n'en a même plus l'exclusivité ... L'Europe centrale, à son tour, est
hantée par les mystérieux et hallucinants engins et, paraît-il ... une « escadrille
de soucoupes » a effectué un vol de reconnaissance sur Rome, leurs
pilotes, si pilotes il y avait, semblant attacher un intérêt tout particulier à
observer la plus fameuse basilique de la Ville sainte.
Les journalistes professionnels d'aéronautique, eux,
sont restés muets comme des carpes, pas un de ces derniers n'ayant eu la bonne
fortune de pouvoir admirer les sensationnelles évolutions d'une de ces fameuses
soucoupes et aucun tuyau confidentiel ne leur étant parvenu.
Je vous avoue que, pour ma part, depuis trois ans que l'on
en parle, malgré la curiosité instinctive qu'éveille en moi le ronronnement
aérien d'un moteur, je n'ai pu en déceler la moindre trace dans le ciel ...
ni évidemment sur la piste d'un aérodrome.
Il faut donc bien me résoudre à vous en parler en traitant
des hypothèses émises par d'éminents savants.
Des maquettes de soucoupes volantes existaient en 1925.
— À vrai dire, le sujet n'est pas tellement nouveau, et
certaines recherches dans les archives du laboratoire Eiffel, à Paris, ont
permis de constater que, dès 1925, certains chercheurs avaient déjà eu l'idée
de réaliser des « soucoupes volantes ».
Des maquettes furent même essayées en soufflerie en 1926 et
en 1928 par un inventeur, M. Dreux-Huzard, inventeur dont on a d'ailleurs
complètement perdu la trace.
Ce dernier voulait mettre en valeur et appliquer les
avantages du disque qu'utilisent les sportifs des compétitions athlétiques.
Il avait conçu un appareil à « aile ronde », sorte
de soucoupe dotée d'une vitesse de rotation qui devait lui assurer, comme au
disque des sportifs, une trajectoire stable et allongée.
Il semble que cet inventeur se heurta, alors, à des
difficultés insurmontables, sans qu'on puisse toutefois en préciser la nature
et les causes, puisqu'il abandonna ses travaux.
Des « soucoupes volantes » peuvent-elles voler
aujourd'hui ?
— Il est très intéressant de connaître l'opinion
qu'avait sur ce sujet un des plus brillants techniciens américains : le Dr
Klemin, dont on regrette la mort récente. Il avait consacré une de ses
dernières études aux « soucoupes volantes ». La conclusion en est
formelle. À son avis, ces dernières s'apparentent au « serpent de mer ».
Elles n'existent pas, du moins sous la forme et aux dimensions qu'on leur
prête.
Deux sortes de machines volantes actuelles peuvent cependant
s'apparenter aux engins lenticulaires ou circulaires (soucoupes). Dans la
première catégorie, les sans-queue à aile ronde ou semi-ronde de la marine
américaine, ce qui a permis à certains journalistes américains d'écrire que
l' U. S. Navy avait expérimenté secrètement des soucoupes. Ces
appareils, s'ils bénéficient de très hautes vitesses, font preuve, en revanche,
d'une certaine instabilité, qui les a fait rejeter pour le moment.
Dans la seconde catégorie, que l'on assimile aux « soucoupes
volantes », on peut ranger quelques espèces d'avions convertibles (1), notamment
ceux comportant des pales escamotables dans l'épaisseur d'un disque mis en
rotation par une transmission mécanique ou des tuyères à réaction. Avec ses
pales à incidence variable, il est, théoriquement, possible d'obtenir soit la
montée verticale, soit le vol stationnaire au point fixe.
Telle était l'opinion, résumée, du technicien américain.
Opinions de savants français.
— Voici maintenant l'opinion du grand spécialiste de
l'astronautique M. Ananoff. Il ne met pas en doute d'une façon systématique
l'existence des « soucoupes volantes », mais il en exclut
formellement leur origine martienne, comme certains l'ont suggéré.
Ses études lui permettent de dire qu'il serait absolument
impossible à un habitant de Mars de s'affranchir de la pesanteur lors de
l'atterrissage sur notre planète. En effet, pour les Martiens, toutes les
données seraient triplées à son approche, comparativement à l'atmosphère
régnant sur Mars. Il leur faudrait une musculature énorme ... Ils
étoufferaient.
M. Ananoff semble douter aussi que les Martiens puissent
disposer de métaux spéciaux permettant de construire la tuyère atomique idéale
pour propulser les « soucoupes ».
Avec les soucoupes, conclut-il, nous sortons ou nous
sortirons de l'ère aérodynamique pour entrer dans celle de l'astronautique ...
Jusqu'à présent, on cherchait à pénétrer l'atmosphère, désormais, on planera
dessus.
M. Desgrandschamps, professeur à l'École nationale
supérieure de l'aéronautique, estime, lui, que nous ne tarderons pas à être
fixés sur la nature exacte des trop fameuses soucoupes. À son avis, il en
existerait deux modèles :
1° Les petites soucoupes, qui ne seraient que des sondes
propulsées par fusées et vraisemblablement télécommandées ; elles
auraient un diamètre de 1m,80 seulement.
2° Les grosses soucoupes volantes, d'une trentaine de mètres
de diamètre, comportant deux habitacles en matière transparente. Dans le
prolongement de ces habitacles, deux fuselages se terminent par deux tuyères à
réaction. Un doute subsiste pour lui quant à la nature du carburant ou de
l'élément fournissant la poussée propulsive.
Maquettes de soucoupes volantes.
— Comme on le voit, les avis sont très partagés sur
l'existence et les caractéristiques des soucoupes volantes, mais, si elles
n'existent pas encore, il est fort probable qu'elles seront, sans trop tarder,
une réalité. En effet, la psychose de leur existence a créé une émulation parmi
les chercheurs et les ingénieurs. Différentes études et projets sont en cours
de réalisation dans le monde entier.
Une maquette a d'ailleurs effectué des essais en Amérique.
C'est la « soucoupe volante » du Dr Kay. Nous en
présentons un croquis schématique. Celle-ci comporte une aile circulaire dotée
de huit ailettes encastrées qui peuvent prendre une incidence plus ou moins grande
et tournent avec le disque.
Un corps central lenticulaire porte la carène du moteur et
une gouverne verticale antivrille. Cette gouverne est dans le champ du souffle
de l'hélice.
Cette maquette actuelle pèse 5kg,500, et son
diamètre est de 1m,50. Elle est construite en magnésium et en
duralumin.
Les premiers résultats des essais ont été plutôt médiocres.
L'appareil ne révèle pas des qualités ascensionnelles extraordinaires, bien au
contraire, et ses qualités de stabilité sont loin d'être démontrées. Une autre
maquette a vu le jour en Amérique, le « Brollycopter ». Elle comporte
deux cônes pointus tournant en sens inverse parallèlement sur le même axe. L'un
et l'autre de ses disques sont munis d'ailettes orientables. Les essais de cet
appareil n'ont pas encore été effectués.
Il convient donc d'attendre les améliorations qui ne
tarderont pas à être apportées à ces maquettes. D'autres verront le jour
prochainement. Mais il ne faut pas oublier que l'on sort complètement des
formules classiques en matière de conception aéronautique et aérodynamique. Les
mises au point des « soucoupes volantes » seront longues et
nécessiteront des concours financiers qui font très souvent défaut aux
inventeurs.
Maurice DESSAGNE.
(1) Voir Le Chasseur Français de mai : « Les
avions convertibles ».
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