Après les vers et les mollusques avec coquilles, les
mollusques sans coquilles fournissent de nombreux appâts pour les gros
poissons. Le meilleur est la petite seiche ou sépiole (sepiola rondeletti),
connue sur la côte Basque et Landaise sous le nom de chipiron ; c'est
l'appât favori des pêcheurs de la barre de l'Adour et des Landes pour la pêche
au surf-casting ou au chassepot ; on la découpe en lanières de 5 à 10
centimètres de long que l'on enfile 2 ou 3 fois sur l'hameçon, Cet appât tient
fort bien et n'est pas attaqué par les crabes.
La seiche (sepia officinialis) est très voisine
de la sépiole, mais de taille un peu plus grande ; on n'utilise guère la
tête et les tentacules ; le corps est fendu dans le sens de la longueur,
l'os central est extirpé et la feuille blanche obtenue est, comme pour la
sépiole, découpée en lamelles de quelques centimètres de longueur et de 1 à 2
centimètres de large.
Le calmar ou encornet (loligo forbesi) est un peu
plus grand que les précédents, mais de même forme et est employé comme eux.
Le pêcheur ne pourra capturer lui-même ces trois mollusques,
il lui faudra les acheter au marché. Leur pêche est très amusante et se fait, à
Saint-Jean-de-Luz, à quelque distance des côtes, à l'aide d'un engin très
curieux appelé « turlutte ». Cette pêche est assez pratiquée, car les
seiches, sépioles et encornets ont l'avantage d'être comestibles et fournissent
un plat à la sauce noire appelé chipiron, très apprécié sur la côte basque. Ces
trois mollusques sont excellents pour la pêche du maigre, de la verrue du bar
et des petits squales. Ils ont, outre de bien tenir à l'hameçon, l'avantage de
pouvoir être mis à saler ; on place les feuilles de chair blanche obtenues
après extraction de la tête et des tentacules, entre deux minces couches de sel :
c'est un appât qui peut être conservé ainsi une bonne quinzaine de jours.
Quant à la pieuvre ou poulpe (octopus vulgaris), elle
se trouve sur toutes nos côtes rocheuses et est très appréciée des gros
poissons (requins, raies et congres). La pieuvre, se nourrissant de crustacés,
peut être trouvée dans les épaves et les creux de rochers à marée basse. Le
pêcheur doit, pour la saisir, l'arracher de force au rocher, évidemment quand
elle n'est pas de grosse taille ; le moyen le plus pratique pour la tuer
est de retourner à la main la poche volumineuse qui se trouve près du bec. Ce
sont les tentacules que l'on utilisera en enlevant la peau et en découpant la
chair en lanières.
Les crustacés fournissent également une part importante
d'appâts. Il y a de nombreux crabes sur nos côtes, depuis le crabe coureur
jusqu'au crabe tourteau. Il ne faut pas évidemment employer les crabes avec
leur carapace dure, mais rechercher les crabes mous, c'est-à-dire ceux qui
viennent de muer. On peut les employer entiers ou découpés en morceaux.
Ils sont très pêchants, mais ont le défaut de mal tenir à
l'hameçon.
La crevette grise et la crevette rose ne sont guère
utilisées en eaux marines, car elles tiennent également mal à l'hameçon, mais
sont d'excellents appâts pour la pêche dans les estuaires, notamment de la
truite de mer.
Le meilleur des crustacés est le Bernard l'Ermite (Eupagurus
Bernhardus) qui, n'ayant pas de coquille, s'introduit en parasite dans le
coquillage dont il a tué le légitime propriétaire. Les chalutiers en ramènent
un assez grand nombre dans leurs coups de filets ; aussi n'est-ce que dans
les ports de pêche que l'on peut s'en procurer auprès des marins. Il faut
naturellement briser sa coquille pour l'attacher à l'hameçon et on n'utilisera
que sa chair en rejetant notamment ses pinces.
Un mot sur la puce de mer ou thalictre. Ce petit crustacé,
long de 1 centimètre à peine, est très semblable au gammarus de nos eaux douces ;
il se trouve en quantités prodigieuses tout le long de nos plages sableuses, où
il se nourrit de débris animaux et végétaux que la vague y rejette ; il
arrive même à attaquer et à digérer la laine des chaussettes des pêcheurs. Cet
appât est recherché du muge et du bar tacheté, mais tient mal à l'hameçon ;
on ne peut guère l'utiliser que dans les eaux saumâtres.
Certains poissons peuvent également servir d'appât ; les
plus connus sont l'équille et le lançon.
L'équille est un petit poisson très allongé qui vit dans les
sables humides, où il s'enfonce très rapidement si on le laisse échapper. On le
trouve à marée basse sur les plages sableuses. C'est un excellent appât pour
les gros poissons et notamment le maigre et les squales.
Le lançon est très voisin de l'équille, mais plus grand,
très allongé comme lui et ayant un peu l’allure d'une petite anguille.
Enfin pour la pêche du congre, comme pour celle des squales,
on peut, avec succès, utiliser des sardines entières, des harengs et des
maquereaux coupés en morceaux que l'on attache sur un très gros hameçon monté
sur fil d'acier.
Les poissons d'eau douce peuvent également servir d'appât ;
c'est surtout le cas de l'anguille ; dépouillée de sa peau, découpée en
tronçons de quelques centimètres, chaque tronçon étant ensuite fendu au rasoir
en plusieurs parties, c'est un excellent appât pour le turbot, surtout en fin
septembre et octobre, où il approche des côtes.
Quant aux leurres artificiels, ils ne peuvent être utilisés
en mer que dans certains cas particuliers ; les anguilles en caoutchouc,
sorte de tube de 10 à 15 centimètres de longueur et colorié de couleurs
diverses, sont très utilisées pour être lancées à partir d'une jetée ;
elles servent à la pêche du gros poisson, notamment de la truite de mer et
surtout du maigre ; l'anguille de caoutchouc est notamment très utilisée à
la barre de l'Adour.
Les cuillères peuvent être employées pour la pêche au
maquereau si elles sont de petites tailles. La grande cuillère ondulante est
employée pour la pêche au thon. Dans les deux cas, il faut évidemment pêcher à
la traîne en bateau. J'ai toutefois vu utiliser la petite cuillère quelquefois,
et notamment à Boulogne, pour la capture des petites truites de mer qui
s'approchent des jetées. Les petites cuillères peuvent donner parfois
d'excellents résultats pour la pêche des voraces tels que le bar, le maquereau et
le lieu.
Un cas particulier est donné pour la pêche du muge dans les
estuaires et surtout dans les rivières, où l'on utilise alors une petite
cuillère à palette où l'hameçon triple est remplacé par un hameçon long et
mince où l'on enfile un néréide. Le muge y est, certaines journées, très
sensible et l'emploi de cet engin permet de faire, certains jours, des pêches
sensationnelles.
On voit par ce petit aperçu que le pêcheur en mer dispose de
nombreux appâts. Naturellement, chaque région a ses appâts indigènes, et tel
appât est recherché de préférence par tel poisson ; aussi, je ne puis mieux
faire, pour conseiller l'estivant, que lui préconiser de venir avec une bonne
canne, un bon moulinet et du nylon, de préférence de 50 ou 60 centièmes et
d'acheter sur place, après s'être renseigné auprès des pêcheurs locaux, ses
plombs, ses clipots, ses hameçons et ses appâts. La question des appâts et des
modes de pêche locaux est aussi importante, sinon plus, qu'en rivière.
Pierre LARTIGUE.
(1) Voir Le Chasseur Français de juillet 1950.
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