Les conditions économiques présentes et celles que l'avenir
réserve à la culture fruitière mettent l'arboriculteur dans l'obligation de
tendre tous ses efforts vers la diminution du prix de revient pour compenser
l'abaissement du prix de vente, solution unique pour la maintenir
rémunératrice.
Une culture fruitière ne sera économique que si les
conditions suivantes sont observées lors de sa création.
1° Adapter l'essence fruitière au milieu.
— Chaque essence fruitière a ses exigences au point de
vue de la chaleur, des radiations solaires, de l'état hygrométrique de l'air et
de la composition physique et chimique du sol. En situant les espèces et
variétés fruitières dans le milieu qui leur convient, les arbres présenteront
une végétation normale assurant à la culture une bonne longévité, des récoltes
régulières, une excellente résistance aux invasions de parasites.
2° Multiplier judicieusement les espèces et variétés à
cultiver sur des sujets adaptés au climat et au sol.
— Questions d'une importance capitale, d'où peut
dépendre la réussite, le rendement de l'avenir de la plantation. Utiliser un
porte-greffe dans un sol qui ne lui convient pas, c'est le mettre dans
l'incapacité de fournir au greffon les éléments dont il a besoin, d'où
nutrition défectueuse. Un arbre placé dans ces conditions verra sa vigueur
diminuée, et sa vie sera limitée.
Le sujet doit avoir de l'affinité avec les variétés à
cultiver ; la formation de gros bourrelets au point de greffage et les
décollements qui surviennent dans les premiers âges ou pendant le cours de la
vie de l'arbre seront évités. Cette affinité permet d'obtenir, en outre, une
réussite plus élevée au greffage.
Les greffons ne seront coupés que sur les individus qui
donnent chaque année des fruits bien caractérisés et sains. Cette sélection
créera une race acclimatée au milieu, à production constante, présentant une
bonne résistance aux parasites.
3° Alimenter rationnellement les cultures fruitières.
— L'arbre fruitier forme sa charpente et fructifie, à
la même place, de nombreuses années. Pour trouver les éléments dont il a
besoin, les racines exploitent l'espace restreint qui lui est réservé, étendue
vite épuisée surtout dans les plantations denses.
L'arbre mal alimenté perd chaque année de sa vigueur
primitive ; sa végétation devient languissante. Dans ces conditions,
l'arbre est incapable de donner des récoltes saines et abondantes.
Le praticien interviendra :
1° par des apports annuels d'une fumure organique
complétée par des engrais minéraux potassiques et phosphatés.
2° En lui aidant à traverser les périodes qui exigent uns
suralimentation (nouaison, formation du noyau, grossissement du fruit), en
incorporant à ces périodes des engrais assimilables ; 100 kilogrammes de
nitrate de potasse à l'hectare.
Les engrais épandus en temps opportun auront pour résultat
de mettre à la disposition des racines une alimentation riche qui apportera à
l'arbre la nourriture nécessaire lui permettant de nouer ses fruits et
d'augmenter la récolte par la grosseur de son fruit.
3° En créant une culture fruitière sur un sol n'ayant
jamais porté des arbres et arbustes. — Ignorer ce principe, c'est
vouloir établir une plantation à durée limitée ; le pourridié, les
dépérissements partiels ou totaux viendront le rappeler.
L'arboriculteur doit diviser son terrain, afin d'établir une
rotation et avoir toujours à sa disposition des parcelles cultivées en plantes
agricoles pour établir de nouvelles plantations.
4° En donnant aux arbres une forme. — Cette
forme doit remplir les conditions suivantes : être hygiénique,
disposant ses branches charpentières de manière à permettre la pénétration
de la lumière et de l'air dans toutes ses parties. Dans le but de favoriser
la nouaison des fleurs, le grossissement et la coloration des fruits, du sommet
à la base des branches charpentières. Elle devra être constituée de charpentières
simples prenant à égales distances, avoir des directions symétriques, ce qui
favorisera la répartition régulière de la sève. Les branches charpentières
seront pourvues du plus grand nombre de coursonnes à l'unité de surface occupée
par l'arbre. Les coursonnes étant le support des fruits, plus elles seront
nombreuses, plus la forme sera susceptible de porter une grosse récolte.
La dimension de la forme doit varier selon le porte-greffe,
le terrain, la variété et le climat.
— Une variété faible et productive se conduira en
petites formes. En terre riche fraîche, les formes à grandes dimensions
seront adoptées ; la forme sera en rapport avec le port naturel de
l'essence, elle se conduira en pyramides ; la forme en vase ou gobelet
sera réservée aux essences à port naturel évasé.
Les formes se rapportent à deux groupes : 1° le groupe
étalé ou en surface ; 2° le groupe en volume.
Le groupe étalé se différencie par leurs branches se
dirigeant toutes sur le même plan ; dans ces conditions, l'arbre voit son
épaisseur diminuer au minimum, ce qui facilite la pénétration de la lumière et
de l'air dans toutes ses parties. La nouaison des fruits, leur coloration sont
favorisées ; les invasions des parasites sont diminuées et les
traitements, les tailles sont facilités. Les façons culturales sont
simplifiées, et le terrain non remué est réduit au minimum.
Ce groupe trouve sa position dans toutes les terres riches
fraîches, où les arbres ont une végétation foliacée, et dans les milieux où les
maladies cryptogamiques sont à redouter.
Taille appliquée à la formation des arbres.
— Pour les variétés fructifères à faible végétation, on
peut recommander le cordon oblique double à direction opposée ou croisillons,
losanges, etc. La distance nécessaire entre chaque arbre ou scion est de
80 centimètres, sur des lignes orientées nord-sud, espacées entre elles de 2
mètres.
Formation. — Tailler le scion à 30 centimètres
au-dessus du sol, sur 2 yeux opposés dirigés dans le sens des lignes. Pendant
l'été, s'il y a lieu, le rameau le plus vigoureux sera pincé au niveau du plus
faible.
Taille de la deuxième année. — Les deux rameaux
étant d'égales dimensions, les tailler au tiers de leur longueur sur un œil en-dessous.
En été, ébourgeonner les pousses situées au-dessus et au-dessous de la branche,
et pincer à 4 feuilles les rameaux latéraux.
Taille d'hiver de troisième année. — Les rameaux
latéraux sont taillés à 3 yeux pour constituer les coursonnes. Les prolongements
sont arrêtés au tiers de leur longueur sur un œil en dessous. En été, les
rameaux naissants sur les coursonnes sont pinces à 5 feuilles.
Tailles des années suivantes. — Chaque année, le
cordon est allongé dans les mêmes conditions jusqu'à ce qu'il ait atteint sa
hauteur. À ce moment, les branches charpentières sont arrêtées sur un œil à
bois, qui constituera par sa croissance le prolongement, lequel sera rabattu
chaque année sur l'œil à bois le plus inférieur.
E. DÉAUX.
|