Accueil  > Années 1950  > N°642 Août 1950  > Page 493 Tous droits réservés

Causerie vétérinaire

Ulcères du chat

On donne le nom d'ulcère à une solution de continuité des téguments accompagnée de perte de substance, à surface fongueuse ou suppurante, entretenue par des causes locales ou générales et sans tendance à la cicatrisation.

La différence entre les plaies et les ulcérations est souvent difficile à établir, car une plaie primitive peut se transformer secondairement en ulcère sous l'influence de causes externes (frottements, irritations, corps étrangers restés dans la plaie, etc.) ou de maladies spécifiques telles que la tuberculose, tumeurs diverses, etc.

Les ulcères peuvent siéger sur toutes les parties du corps, mais ils affectent plus spécialement la peau et les muqueuses. En ce qui concerne le chat, nous examinerons successivement l'ulcère des lèvres et celui de la cornée.

Ulcère labial.

— Cet ulcère, encore appelé improprement cancroïde des lèvres, siège, le plus souvent, à la lèvre supérieure, tantôt sur la ligne médiane, tantôt sur l'une des faces latérales. Presque toujours il débute au bord libre de la lèvre, qu'il creuse peu à peu. Dans les premiers temps, on voit une petite plaie concave, régulière, plutôt sèche, avec une étroite zone d'induration des tissus voisins. Par son extension graduelle, cet ulcère entraîne une perte de substance demi-circulaire pouvant mesurer un à deux centimètres de largeur sur un demi-centimètre de hauteur, perte de substance qui laisse voir les dents et la gencive. Quand la lésion siège sur la ligne médiane, à la longue le nez peut être affecté.

Tantôt l'ulcère s'arrête, rétrocède et guérit, ne laissant à la lèvre touchée qu'une échancrure à peine visible ; tantôt, tenace et envahissant, il creuse lentement et sans arrêt les tissus et paraît provoquer des douleurs assez vives qui entraînent l'amaigrissement du malade, quelquefois la mort.

Cet ulcère est parfois de nature tuberculeuse. Aussi croyons-nous devoir insister sur les dangers que des chats atteints de semblables lésions des lèvres, du nez ou de la face, font courir à leurs propriétaires, plus spécialement aux enfants, avec lesquels ils jouent fréquemment. On reste effrayé quand l'on pense à la masse de bacilles tuberculeux que ces chats répandent journellement dans le milieu extérieur. Comme signe caractéristique, le chat tuberculeux est ou devient d'une maigreur extrême, accompagnée d'engorgement des ganglions du cou ; enfin, la moindre trace de pus recueilli à la surface des ulcères montre, à l'examen microscopique, un nombre colossal de bacilles tuberculeux.

L'ulcère labial résulte ordinairement d'une blessure faite au cours d'une bataille entre chats : l'attaqué se met sur le dos, disposant ainsi de l'usage des griffes des quatre pattes pendant que l'adversaire ne peut que mordre ; aussi est-ce celui-ci qui est blessé à la tête, aux lèvres et parfois aux yeux, dont l'un peut-être blessé, voire crevé.

La plaie initiale de la lèvre, au lieu de tendre vers la cicatrisation, est constamment irritée par les lèchements de la langue qui, chez tous les félins, est mince et très mobile, et dont les deux tiers antérieurs se trouvent tapissés de papilles filiformes, à sommet dirigé en arrière, revêtues d'un épais étui corné la rendant dure et râpeuse ; du reste, c'est de cette façon que le chat peut s'inoculer cet ulcère sur d'autres parties du corps, de préférence sur les régions où la peau est fine (ventre et face interne des cuisses).

Traitement.

— On devra isoler le malade et le soutenir par une nourriture alibile, surtout la viande, le poisson bouilli et dépourvu de ses arêtes, l'huile de foie de morue donnée une cuillerée à café chaque matin, etc.

On badigeonnera l'ulcère deux à trois fois par jour avec l'un des antiseptiques suivants : glycérine iodée au dixième, eau phéniquée à 2 p. 100, solution aqueuse de bleu de méthylène à 1 p. 100. En cas d'échec, recourir aux soins d'un de mes confrères, qui pourra cautériser délicatement l'ulcère au crayon de nitrate d'argent. Il devra même, dans certains cas, procéder, au bistouri, à l'ablation du tissu anormal constitué par l'ulcère. La plaie opératoire pourra alors se cicatriser normalement.

Ulcère de la cornée.

— À la suite de bataille entre chats, on constate fréquemment des blessures de l'œil, notamment de la cornée, constituant la kératite. Celle-ci revêt différentes formes, depuis la simple infiltration superficielle jusqu'à l'ulcération et même la perforation de la cornée.

La kératite simple se présente au début comme un petit louche, et parfois le trouble s'étend rapidement à tout l'organe, lui donnant l'aspect caractéristique ,d'« œil de porcelaine » ; même dans ce dernier cas, le pronostic grave n'est de rigueur qu'en présence d'un état général mauvais du blessé. Seules les complications en sont redoutables : abcès cornéen, ulcère.

Le traitement de la kératite simple prescrit d'abord de tenir le malade dans un local obscur et, s'il veut le supporter, de lui recouvrir l'œil d'un bandage protecteur. On atténuera les phénomènes inflammatoires par des lotions avec de l'eau boriquée à 2 p. 100, chaude, en ayant soin, au préalable, d'entr'ouvrir les paupières, ou par l'application de compresses trempées dans la solution boriquée et renouvelées toutes les deux ou trois heures.

Quand, à la suite de la blessure, il se produit un ulcère cornéen, il faut le traiter par des lotions avec une solution boratée chaude (20 grammes de borate de soude pour un litre d'eau bouillie) répétées toutes les deux heures. Le soir, pour la nuit, faire une instillation au compte-gouttes, les paupières étant maintenues écartées, avec le collyre au collargol :

Collargol 1 gramme.
Eau distillée 20 centimètres cubes.

En cas d'échec, recourir aux instillations avec l'eau oxygénée dédoublée ou diluée au tiers, ou en touchant légèrement l'ulcère chaque jour avec un crayon de nitrate d'argent ou de sulfate de cuivre.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°642 Août 1950 Page 493