On donne le nom d'ulcère à une solution de continuité
des téguments accompagnée de perte de substance, à surface fongueuse ou
suppurante, entretenue par des causes locales ou générales et sans tendance à
la cicatrisation.
La différence entre les plaies et les ulcérations est
souvent difficile à établir, car une plaie primitive peut se transformer
secondairement en ulcère sous l'influence de causes externes
(frottements, irritations, corps étrangers restés dans la plaie, etc.) ou de maladies
spécifiques telles que la tuberculose, tumeurs diverses, etc.
Les ulcères peuvent siéger sur toutes les parties du corps,
mais ils affectent plus spécialement la peau et les muqueuses. En ce qui
concerne le chat, nous examinerons successivement l'ulcère des lèvres et celui
de la cornée.
Ulcère labial.
— Cet ulcère, encore appelé improprement cancroïde
des lèvres, siège, le plus souvent, à la lèvre supérieure, tantôt sur la
ligne médiane, tantôt sur l'une des faces latérales. Presque toujours il débute
au bord libre de la lèvre, qu'il creuse peu à peu. Dans les premiers temps, on
voit une petite plaie concave, régulière, plutôt sèche, avec une étroite zone
d'induration des tissus voisins. Par son extension graduelle, cet ulcère
entraîne une perte de substance demi-circulaire pouvant mesurer un à deux
centimètres de largeur sur un demi-centimètre de hauteur, perte de substance
qui laisse voir les dents et la gencive. Quand la lésion siège sur la ligne
médiane, à la longue le nez peut être affecté.
Tantôt l'ulcère s'arrête, rétrocède et guérit, ne laissant à
la lèvre touchée qu'une échancrure à peine visible ; tantôt, tenace et
envahissant, il creuse lentement et sans arrêt les tissus et paraît provoquer
des douleurs assez vives qui entraînent l'amaigrissement du malade, quelquefois
la mort.
Cet ulcère est parfois de nature tuberculeuse. Aussi
croyons-nous devoir insister sur les dangers que des chats atteints de
semblables lésions des lèvres, du nez ou de la face, font courir à leurs
propriétaires, plus spécialement aux enfants, avec lesquels ils jouent
fréquemment. On reste effrayé quand l'on pense à la masse de bacilles
tuberculeux que ces chats répandent journellement dans le milieu extérieur.
Comme signe caractéristique, le chat tuberculeux est ou devient d'une maigreur
extrême, accompagnée d'engorgement des ganglions du cou ; enfin, la
moindre trace de pus recueilli à la surface des ulcères montre, à l'examen
microscopique, un nombre colossal de bacilles tuberculeux.
L'ulcère labial résulte ordinairement d'une blessure faite
au cours d'une bataille entre chats : l'attaqué se met sur le dos,
disposant ainsi de l'usage des griffes des quatre pattes pendant que
l'adversaire ne peut que mordre ; aussi est-ce celui-ci qui est blessé à
la tête, aux lèvres et parfois aux yeux, dont l'un peut-être blessé, voire
crevé.
La plaie initiale de la lèvre, au lieu de tendre vers la
cicatrisation, est constamment irritée par les lèchements de la langue qui,
chez tous les félins, est mince et très mobile, et dont les deux tiers
antérieurs se trouvent tapissés de papilles filiformes, à sommet dirigé en
arrière, revêtues d'un épais étui corné la rendant dure et râpeuse ; du
reste, c'est de cette façon que le chat peut s'inoculer cet ulcère sur d'autres
parties du corps, de préférence sur les régions où la peau est fine (ventre et
face interne des cuisses).
Traitement.
— On devra isoler le malade et le soutenir par une
nourriture alibile, surtout la viande, le poisson bouilli et dépourvu de ses
arêtes, l'huile de foie de morue donnée une cuillerée à café chaque matin, etc.
On badigeonnera l'ulcère deux à trois fois par jour avec
l'un des antiseptiques suivants : glycérine iodée au dixième, eau
phéniquée à 2 p. 100, solution aqueuse de bleu de méthylène à 1 p. 100.
En cas d'échec, recourir aux soins d'un de mes confrères, qui pourra cautériser
délicatement l'ulcère au crayon de nitrate d'argent. Il devra même, dans
certains cas, procéder, au bistouri, à l'ablation du tissu anormal constitué
par l'ulcère. La plaie opératoire pourra alors se cicatriser normalement.
Ulcère de la cornée.
— À la suite de bataille entre chats, on constate
fréquemment des blessures de l'œil, notamment de la cornée, constituant la
kératite. Celle-ci revêt différentes formes, depuis la simple infiltration
superficielle jusqu'à l'ulcération et même la perforation de la cornée.
La kératite simple se présente au début comme un petit
louche, et parfois le trouble s'étend rapidement à tout l'organe, lui donnant
l'aspect caractéristique ,d'« œil de porcelaine » ; même dans ce
dernier cas, le pronostic grave n'est de rigueur qu'en présence d'un état
général mauvais du blessé. Seules les complications en sont redoutables :
abcès cornéen, ulcère.
Le traitement de la kératite simple prescrit d'abord de
tenir le malade dans un local obscur et, s'il veut le supporter, de lui
recouvrir l'œil d'un bandage protecteur. On atténuera les phénomènes
inflammatoires par des lotions avec de l'eau boriquée à 2 p. 100, chaude,
en ayant soin, au préalable, d'entr'ouvrir les paupières, ou par l'application
de compresses trempées dans la solution boriquée et renouvelées toutes les deux
ou trois heures.
Quand, à la suite de la blessure, il se produit un ulcère
cornéen, il faut le traiter par des lotions avec une solution boratée chaude
(20 grammes de borate de soude pour un litre d'eau bouillie) répétées toutes
les deux heures. Le soir, pour la nuit, faire une instillation au
compte-gouttes, les paupières étant maintenues écartées, avec le collyre au
collargol :
Collargol |
1 gramme. |
Eau distillée |
20 centimètres cubes. |
En cas d'échec, recourir aux instillations avec l'eau
oxygénée dédoublée ou diluée au tiers, ou en touchant légèrement l'ulcère
chaque jour avec un crayon de nitrate d'argent ou de sulfate de cuivre.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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