Généralités.
— Dès 1805, le ragondin était l'objet d'importation
sous forme de fourrures appelées Racconda. Geoffroy Saint-Hilaire l'aurait
ainsi découvert dans un magasin de fourrures (Joan). En 1868, Brehm dans sa Vie
des animaux en parle. Il fut signalé, en janvier 1872, dans la Chasse
Illustrée, par A. de Marand. Puis on tenta de l'acclimater en 1877 (Chasse
Illustrée, 12-19 mai 1877, H. de La Blanchère). On l'exhibait dans les
baraques foraines comme énorme « rat d'égout » (A. Hugues, L'Éleveur,
22 août 1937). Dans le nouveau monde, son pays d'origine, il fut décrit au
Chili en 1782 par Molina sous le nom de Coypu, signalé au Paraguay en 1801,
puis en Argentine sous le nom de Nutria-Castor des Marais — puis Castor du
Chili — Castor de la Plata-Myopotame, puis enfin en Patagonie qui passe
pour posséder les plus beaux.
Il fut de nouveau importé en France après la guerre de 1918
comme animal à fourrure ; il l'était également en Allemagne, Autriche,
Suisse, Pologne, Russie, Angleterre, Suède et Norvège. En France, on cota 200
éleveurs (Ternier, Chasseur Français) avant la guerre de 1939.
Élevé d'abord en parquets (Jouan), puis en semi-liberté (Dr
Maurice), il s'implanta facilement et déborda les élevages malgré les
grillages. Il fut alors classé comme nuisible en 1937.
L'animal.
— C'est un rongeur amphibie de forte taille. Il atteint
50 à 60 centimètres et même 1 mètre du nez à la racine de la queue, celle-ci
étant de longueur (30 à 40 cm.) très voisine de celle du corps et à section
ronde, écailleuse et garnie de poils raides. Il pèse de 6 à 7kg,500
adulte. Ses pattes postérieures sont palmées. La tête est grosse et plate,
ornée d'un museau gris clair à grandes moustaches. Les oreilles rondes,
courtes, collées au crâne et peu visibles, le cou épais, le corps massif telle
est la silhouette de l'animal. Les incisives à croissance continue sont
orangées, grandes et fortes. La fourrure présente une longue jarre brun doré
brillante, couvrant une bourre douce châtain foncé. La nuance générale varie
entre le marron clair et le marron foncé. Les mâles sont à égalité d'âge adulte
plus gros et plus trapus que les femelles.
Reproduction.
— La femelle offre la particularité de présenter ses
mamelles au nombre de 8 ou 10 de part et d'autres à 4 ou 5 centimètres de la
ligne dorsale. Elle fait deux portées par an sans époque fixe. La gestation est
d'environ cent trente jours. Certains parlent de 5 portées tous les deux ans,
la première mise-bas ayant lieu entre huit et quatorze mois. La femelle peut
reproduire à quatre mois. Le ragondin peut manger quelques heures après la
naissance. Adulte il vit en couple, puis en famille ayant son canton propre et
le défendant contre l'invasion de semblables étrangers à la famille.
Nid et terrier.
— La femelle peut faire un nid sur un tas de joncs
rabattus et augmenté de débris végétaux, mais dès les petits âgés de quelques
heures, elle emmène sa progéniture au terrier. Celui-ci est creusé dans une
berge à pic. Il mesure 15 à 20 centimètres et plus d'ouverture (diamètre) et
aboutit à une chambre de 50 à 60 centimètres, après une galerie sinueuse
d'environ 4 mètres. Cette chambre est le gîte ou nid, tapissé d'herbes sèches,
où le couple se repose. L'entrée est en général à moitié envahie par l'eau et
la galerie remontant aboutit à la chambre parfaitement sèche.
Habitudes.
— Le ragondin est un rongeur aquatique, vivant
uniquement sur les bords de l'eau dont il ne s'écarte que peu. Les bords d’étangs,
ou de rivières à large ceinture de joncs ou roseaux sont son domaine de choix.
Il préfère les eaux calmes où il nage et plonge admirablement. Il sait se
couler silencieusement dans l'eau et glisser le long des joncs où il n'attend
pas le chasseur, pas plus que l'arrêt du chien. Il est plus nocturne et
crépusculaire que diurne, cependant il aime à s'ensoleiller. De nuit, il se
promène dans les prés à quelques centaines de mètres de l'eau. Il grimpe
suffisamment pour franchir les grillages sans bavolet et sait admirablement
profiter d'une brèche, s'il y en a une. Il creuse plus en captivité qu'en
liberté. De jour, si il sort, il ne quitte guère les joncs. L'eau et l'ombre
lui sont indispensables. Poursuivi à terre, il court aussi vite qu'un lapin,
mais par bonds, et fonce vers l'eau, où il plonge pour gagner son terrier au
plus vite. Il peut rester trois à quatre minutes dans l'eau. Il est remuant et
au moral il est sociable, intelligent et rustique. Le mâle est, paraît-il,
jaloux.
Nourriture.
— Le ragondin est un végétarien dont le menu à l'état
sauvage consiste en plantes aquatiques : phragmites, massettes, faux iris,
joncs, roseaux, etc. ... Il coupe les massettes ou typhas au ras de l'eau,
suce le suc, puis abandonne la plus grande partie de la plante. Il coupe ou
déracine aussi les grands joncs au fond de l'eau, en mange la moelle et lâche
la tige, qui offre à sa base une partie blanche. Par manque de nourriture, il
ronge les saules marsault, les bouleaux et les aulnes (vergnes). C'est un gros
faucardeur. M. de Poncin l'accusa de manger des poissons qu'il entamerait par
la région caudale ; cette opinion fut démentie par d'autres observateurs.
Il ne s'attaque pas au gibier d'eau, mais il lui enlève les couverts qui lui
sont indispensables, par son faucardement, d'où abandon des étangs ou non-fixation
de la sauvagine. De plus, il l'effraie dans ses évolutions nocturnes. La
destruction des roseaux, massettes et jonc est de plus un préjudice dans les
régions où ces végétaux sont exploités et vendus comme litière. Les allées et
venues dans ces couverts effraient non seulement le gibier d'eau, mais
compromettent aussi les couvées par écrasement ou suppression du camouflage des
nids. Dans les marais exploités par la chasse à la hutte, il effraie les
appelants, ce qui empêche les oiseaux sauvages de se poser (Ternier, Chasseur
Français). Enfin il creuse les rives des ruisseaux ou des fossés et
particulièrement près des bondes. Vis-à-vis des poissons, il couperait aussi
les potamots (herbe aquatique), portant ainsi préjudice aux frayères.
J'ajouterai que, si le faucardage est utile, s'il est exécuté correctement, il
met le poisson à la merci des braconniers en supprimant ses refuges.
Traces.
— Elles sont constituées par :
1° Les herbes aquatiques coupées, les joncs ou iris
déracinés sur de larges plages sont un indice de sa présence. Les places sur
les rives où les herbes sont rongées ou écrasées pour servir de places de
réunion (2 à 15 m.) en sont un autre.
2° Les coulées très foulées (15 à 20 m. de large) servant
d'abordage ou de descente où l'on trouve parfois quelques fientes.
3° Les terriers.
4° Les fientes brunâtres en forme de bananes de 3 à 5
centimètres de long pour 1 centimètre de diamètre et striées en long (le plus
souvent jetées dans l'eau).
5° Les empreintes sur la vase, les pattes avant offrent des
doigts libres munis d'ongles acérés et longs ; les pattes arrières
présentent 5 doigts palmés.
6° Ses cris variant du grognement du porcelet au bêlement de
la chèvre (Dr Maurice).
Capture.
— Il ne s'agit ici que de l'animal à l'état sauvage,
par suite d'évasion d'un centre d'élevage en France (1).
1° Au fusil,
— En battue les résultats sont nuls (de Poncins), par
suite de l'étendue de la ceinture des joncs, d'une part, et, d'autre part, des
mœurs nocturnes de ce rongeur. A l'affût les résultats sont minimes.
Mortellement atteint, il coule au fond de l'eau. L'affût a lieu au crépuscule
ou à l'aube.
2° Avec des chiens dressés spécialement.
— Mode non pratiqué en France, où le nombre de
ragondins et ses concentrations ne justifient pas de tels chiens.
3° Aux pièges.
— Peu méfiant, le ragondin donne bien aux pièges, mais
ne peut se détruire (au sens intégral du mot) dans les grandes surfaces
couvertes de végétation aquatique, bordées de rives embroussaillées, à moins
d'avoir un réseau de sentiers entretenus permettant une surveillance parfaite
des rives et un bateau pour pouvoir les fouiller.
On le piégera en coulée en sortie de terrier, en descente ou
en montée de rives. On placera le piège sous 10 centimètres d'eau comme pour la
loutre. On a ainsi plus de chances de capturer par une patte arrière, ce qui
rend difficile l'amputation, et plus rapide la noyade.
On pourra également tenter quelques jardinets appâtés de
carottes ou de pommes. Le piège à employer sera de 16 à 18 centimètres de
diamètre, ressort en dessous ou dans le tour, mâchoires à dents, palette
distante des mâchoires de 3 centimètres de tous côtés. Si on monte des
jardinets, ceux-ci seront placés près des rives, et le piège lesté d'une pierre
de 4 kilos au bout d'une chaîne de 1 mètre permettant à l'animal de sauter à l'eau
pour qu'il se noie le plus tôt possible. L'emploi de nasses à entrée de 18
centimètres en capturera quelques exemplaires dans les coulées aquatiques, et à
condition que le goulet d'entrée dépasse la surface de l'eau.
Fourrure.
— L'animal se dépouille comme le lapin, en poche. On
peut aussi le dépouiller en nappe, mais, dans ce cas, on le fend sur le dos de
préférence, la peau ventrale étant plus jolie. C'est en hiver que la fourrure
est la plus belle. Les peaux des mâles sont plus épaisses que celles des
femelles (cas général). La fourrure est vendue sous le nom de Ragondin ou
travaillée et vendue comme imitation de loutre ou de castor.
A. CHAIGNEAU.
(1) Cas plus rare qu'avec le rat musqué.
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