uand paraîtront ces lignes, un certain nombre de
vignobles privilégiés auront fait ou feront la vendange ; pour les
premiers le moût aura été mis en fermentation dans la cuve. Lorsqu'un vin ayant
été soutiré au printemps laisse après dégustation un mauvais goût, il a été ou
mal vinifié, ou mis dans des futailles douteuses ou encore entreposé dans un
local dont la température est trop élevée.
Nous ne répéterons jamais assez ces vérités que les
exploitants de la petite et moyenne propriété ignorent trop souvent.
Il est juste aussi d'écrire au sujet de la tenue des vins
que, depuis un siècle, l'encépagement a changé, que des maladies alors
inconnues ont fait leur apparition et qu'on n'apporte plus à la vigne et au
vin, dans la polyculture, tous les soins à leur entretien et leur préparation
qu'apportaient, eux, les vieux vignerons, lesquels ne connaissaient pas tous
les traitements actuellement indispensables.
Au printemps dernier, un poste radio régional a émis une
causerie faite par quelqu'un connaissant à fond la vinification. Il s'adressait
à des exploitants dont la plupart cultivaient des plants fins et leur disait,
en substance, qu'une partie de la récolte 1949 avait été bien vinifiée, mais
que l'autre partie l'avait bien moins été, donnant des détails techniques sur
les causes.
Il faut d'abord, en premier lieu, veiller à la propreté des
locaux ; sols, murs, plafonds devront être débarrassés de leur poussière
et de leurs araignées. Enduire les murs, portes et plafonds périodiquement avec
du lait de chaux.
Si le local où se fait la fermentation peut avoir une
température assez élevée (moyenne : 25° C.), par contre, le chai doit
être frais, enterré de préférence, sinon protégé par des murs très épais, ne
laissant filtrer aucun rais de soleil.
L'aération de ce chai se fera par des ouvertures placées au
nord, et il sera muni de murets formant chicane. En aucun cas, sa température
ne devra dépasser 13° C. Il ne contiendra que la futaille, à l'exclusion de
tout autre matériel ou denrées. Les fermetures des portes seront étanches,
et on ne devra pénétrer dans ce local que pour soigner le vin.
Ensuite, soignons la futaille. Les fûts seront en bon état,
bien cerclés, non moisis extérieurement ; les douves ne
présenteront ni fissure ni cassure. On conservera dans un récipient bien fermé
les bondes et les joints de rechange ; il sera bon de placer au fond de ce
récipient du soufre en fleur surmonté d'une planchette percée de trous, sur
laquelle reposeront bandes et joints.
Après chaque vidange, le fût sera lavé à grande eau, méché
copieusement, bien obturé.
Après le premier soutirage, il sera lavé d'abord à l'eau
chaude en introduisant une chaîne de grosseur moyenne et de 1m,50 de
longueur environ; puis ce même fût sera lavé à l'eau froide.
Chaque fût sera ainsi nettoyé à la chaîne au moins une fois
par an.
Les fûts moisis ou ayant contenu du vin malade seront
traités chacun d'une façon spéciale.
Voyons maintenant ce qu'il y a lieu de faire au sujet de la
vendange.
Il ne faut cueillir que des raisins bien mûrs, ciseler tous
les grains malades, rejeter les grappes atteintes par le mildiou, l'oïdium, les
différents rots ou la cochylis ; pour les rots, un ciselage sera souvent
suffisant. Ne pas introduire dans la cuve des grappes souillées de terre.
La vendange, égrappée ou non, foulée ou non, va fermenter ;
c'est là qu'il faudra bien opérer pour avoir un vin de bon goût.
Rappelons que le vent projette sur les différentes parties
de la vigne, dont la rafle et la peau du raisin ou pruine, non seulement les
spores de toutes les maladies de la vigne, mais celles de toutes les maladies
des végétaux et un bon nombre de bacilles des maladies humaines ou animales,
ensuite différentes levures appelées sauvages, dont les levures apiculée et
allongée. Mais il se trouve aussi la levure elliptique, la seule intéressante,
et qui devra assurer la transformation du sucre en alcool.
On comprendra facilement que, si la fermentation s'amorce
mal, spores, bactéries et levures sauvages vont plus ou moins se développer, et
on obtiendra un petit vin de mauvais goût.
Il y a plus d'un demi-siècle que l'on a trouvé le moyen
l'éliminer ou plutôt de mettre en sommeil : spores, bactéries et levures
sauvages au moyen de l'acide sulfureux, seul antiseptique autorisé par la loi.
Chose remarquable, la levure elliptique résiste bien à
l'action de l'antiseptique, et le sulfitage du moût aura pour résultat
d'assurer la prolification de cette seule levure.
Pour que la fermentation marche bien, la dose d'acide
sulfureux (sous forme d'anhydride) est comprise entre 7gr,5 et 12gr,5
pour la vinification en rouge et selon l'état de la vendange, et de 10 à 25
grammes pour la vinification en blanc.
On voit que ces chiffres sont assez élastiques ; en cas
de doute, on prendra la moyenne arithmétique.
La pratique a constaté que l'emploi de l'acide sulfureux
liquide était beaucoup plus efficace que celui de cet acide combiné, par
exemple le métabisulfite de potassium, lequel contient 57,6 p. 100
d'anhydride sulfureux.
L'acide sulfureux livré en bouteilles d'acier devra être
introduit mesuré à l'aide d'un appareil appelé « sulfitomètre ».
Une bonne méthode consiste à ensemencer le moût après
sulfitage avec des levures sélectionnées.
L'excès de gaz sulfureux est évacué par un ou plusieurs
soutirages.
Des appareils très pratiques permettent, du reste, de doser
dans le moût ou le vin la teneur en anhydride sulfureux.
Supposons maintenant que toutes les opérations ci-dessus
aient été faites avec soin, que la vendange soit normale et saine.
La levure elliptique (ou sélectionnée) se met de suite au
travail, le moût « bout », et nous devrons avoir en fin d'opération
les chiffres ci-dessous, que nous empruntons aux travaux du professeur Lindet.
Pour 1 kilogramme de sucre de raisin :
Acide carbonique |
466gr,7 |
Alcool |
484gr,6 |
Glycérine |
32gr,3 |
Acide succinique |
6gr,1 |
Divers |
10gr,3 |
Rappelons que le « mustimètre » permet de
déterminer dans le moût la quantité de sucre de raisin (ou glucose) qu'il
contient.
La glycérine, produit secondaire de la fermentation,
communique au vin le goût de « moelleux », tandis que le tanin lui
donne une saveur astringente.
Nous espérons que ces modestes conseils permettront de mieux
comprendre ce qui se passe dans les phénomènes complexes de la vinification et
de produire dans les contrées de polyculture du vin meilleur, franc de goût.
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
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