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Astronomie

Nains et géants du ciel

Par une nuit pure, à l'œil nu, étoiles et planètes confondues ne sont visibles que sous l'aspect de points brillants clignotants, semés dans l'espace ultraglacé (— 273°). Tout grossissement optique appliqué à l'étude des planètes nos voisines permet l'observation de disques sensibles, permettant la prise de croquis et l'établissement de cartes. Au contraire, même à travers le plus puissant télescope connu, les étoiles, se parant de mille feux colorés, animées de pulsations, souvent dédoublées, restent des piqûres d'aiguille sur le voile obscur du ciel.

Vingt-deux étoiles frappent nos yeux au premier abord, celles dites de première magnitude ou grandeur, généralement dotées de noms arabes : Arcturus, Véga, Rigel, Algol, Régulis, Capella, etc.

Tous les astres (6.000 à l'œil nu, des milliards dénombrés au télescope, avec l'aide de la plaque sensible) s'alignent en figures plus ou moins géométriques, en constellations, où l'imagination de nos lointains ancêtres a cru retrouver les héros de la Fable, des allégories, des animaux ; le zodiaque, bande étroite de la sphère céleste empruntée par les planètes, la Lune, le Soleil, doit son nom aux constellations qui le composent : Bélier, Taureau, Capricorne, Poissons, Lion, Scorion, Sagittaire, etc.

Ces astérismes restent pour nos générations immuables et servent à compartimenter la carte du ciel. Ce n'est qu'au bout de quelques dizaines de millénaires que se modifie cette distribution étoilée, et c'est ainsi que l'étoile polaire des Pharaons n'est pas celle que les marins recherchent aujourd'hui pour se guider. Les cartes modernes obtenues par photographie fixent avec précision la position d'astres invisibles. Si une jumelle donne les étoiles de 8° magnitude, un grand télescope d'Amérique la 19°, la plaque sensible enregistre, elle, des astres de 21° magnitude, soit 1 million de fois moins brillants que les toutes dernières visibles à l'œil nu.

Bien que fixes pour nos regards éphémères, les étoiles sont animées de vitesses rapides, dizaines et centaines de kilomètres par seconde, mais leur éloignement est si fantastique que les astronomes, las d'aligner des zéros et des milliards,ont dû créer une unité de distance : l’année-lumière, trajet parcouru en un an par un rayon lumineux, à la vitesse de 300.000 kilomètres-seconde. La plus proche étoile est à 40.000 milliards de kilomètres de nous ! C'est aussi à peu près la distance qui sépare les étoiles les unes des autres ; l'espace est donc fort vide, bien que, par exemple, dans la voie Lactée, les astres paraissent se toucher ; effet de perspective dû à notre position dans l'anneau extérieur de la nébuleuse allongée.

D'autres univers, par millions, visibles comme de pâles flocons spiralés, gravitent à des centaines de millions d'années-lumière.

Au sein de notre nébuleuse (diamètre 100.000 années), les astres qui la composent sont à tous les stades de la vie stellaire : corps morts, obscurs, glacés ; astres en dégénérescence, jeunes soleils immenses, chauds et gazeux. Notre soleil âgé, jauni, contracté, d'éclat variable (couvert de taches tous les onze ans), n'est plus qu'à 7.000° ; certaines étoiles refroidies, très rouges (Aldebaran du Taureau), ressemblent à des braises en voie d'extinction ; d'autres, bleues (Véga de la lyre), atteignent 30.000°.

Si la plupart des astres ressemblent à notre Soleil, au point de vue grosseur, par contre deux groupes étonnent par leurs dimensions : les géantes et les naines.

Le diamètre d'Antarès, rouge cœur du Scorpion, visible en été, bas sur l'horizon, est égal à 480 fois celui du Soleil, celui de B du Cocher, 3.000 fois (1).

Inversement, sont catalogués des petits soleils pas plus gros ou plus petits que la Terre.

La densité moyenne du Soleil se rapproche de celle de l'eau, comme de celles de la grande majorité des autres étoiles, mais, si la branche des géantes s'impose par sa légèreté, ces astres n'étant que des gaz raréfiés et chauds, la densité des naines blanches nous fait rêver !

Célèbre parmi ces naines est le Compagnon de Sirius, la reine des étoiles, qui réglait les moissons des Égyptiens antiques. Découvert en 1861 par un opticien américain qui essayait une lunette de 60 centimètres, grande pour l'époque, le Compagnon de Sirius, quatre fois comme la Terre seulement, a une densité de 47.000. C'est-à-dire qu'un litre de sa matière pèse 47 tonnes.

Tentons d'expliquer ce resserrement de la matière : l'atome, système solaire réduit, est formé d'un noyau positif (diamètre 100 milliardièmes de millimètre) où la matière est très condensée, entouré à de grandes distances d'électrons, légères particules électrisées négativement, et gravitant à divers niveaux concentriquement au noyau.

L'hydrogène, premier de la liste des éléments, n'a qu'un seul satellite au noyau, le fer en a 26 ; l'uranium, un des derniers, 92 (nombres atomiques).

Les couches supérieures d'électrons s'agitent dans les réactions chimiques, dans les phénomènes lumineux et électriques ; le noyau est radioactif. Sous l'influence de hautes températures, ou pressions, les électrons s'échappent du noyau (ionisation), et le dépouillement répété du centre de ses satellites réduit le volume de l'atome en d'énormes proportions ; la densité s'accroît d'autant.

Au sein des naines blanches, la matière maintes fois ionisée n'est plus que noyaux serrés les uns contre les autres, et nous observons ainsi une étoile dite de Kuiper, dont un litre de substance atteint le poids de 36.000 tonnes !

Cet état dégénéré de la matière doit être à l'origine des novae (improprement étoiles nouvelles), qui paraissent brusquement et deviennent visibles à l'œil nu, parfois en plein jour. Le feu de paille éteint, l'astre retourne au néant, car la photographie a permis de noter qu'à la place des novae existaient auparavant de faibles étoiles.

Une telle explosion décida Hipparque à établir le premier catalogue d'étoiles, en 134 av. J.-C. ; en 1572, durant dix-huit mois, une nova que le jour n'éclipsait pas frappa de terreur l'humanité, qui crut retrouver en elle l'étoile des Mages ; le célèbre Tycho-Brahé l'a décrite longuement.

Tous les ans, nous observons avec nos instruments une quinzaine de novae ; la dernière, tout juste visible à l'œil nu, a été découverte à Meudon, le 23 janvier dernier, dans le Lézard.

Cet embrasement ne peut provenir d'un choc, car, nous l'avons vu, l'espace est très peu peuplé ; mais une pénétration d'étoile en nuage obscur (ces énigmes du ciel), une contraction brusque du milieu de l'astre peuvent amener l'éclatement de la surface de l'étoile, par libération d'énergie.

Les novae provenant d'astres blancs et chauds, notre Soleil semble hors de danger, et il ne lui prendra pas fantaisie, un jour, de nous rôtir dans une flambée de quelques millions de degrés.

On pense que les soleils sont gazeux à la surface, que les gaz ionisés vers le centre, soumis à d'immenses pressions et chaleurs, prendraient la forme solide. L'analyse au spectroscope a permis de reconnaître l'unité de la matière dans l'Univers : tous les corps connus sur terre ont été retrouvés dans le soleil et les étoiles ; et même l'hélium fut repéré dans le soleil dès 1868 par Janssen avant de l'être, en 1895, dans un minerai de Norvège.

Ceci ne peut surprendre, la Terre n'étant qu'un léger fragment solaire détaché voici trois milliards d'années (la présence d'uranium dans les roches, où il se transforme en plomb en 7.600 millions d'années, fait non observé d'ailleurs, permet d'établir qu'un minerai du Manitoba remonte à 2 milliards d'années ; à ce moment, la Terre avait donc une croûte).

Et les étoiles durent 10 millions de milliards d'années ... Ainsi, admirateurs du ciel, emportés en ligne droite par un globe immense, vibrant de 14 mouvements, à la suite du soleil, à 20 kilomètres seconde, vers un point quelconque du firmament, nous ne voyons que le passé, le ciel existant voici quatre ans, tel qu'il était il y a 1.000,20.000, 600.000 ans, etc.

Quand on songe que la vie de l'homme ne dépasse guère 50 boucles terrestres, qu'on ne retrouve ses restes que dans les couches géologiques à peine vieilles de 50.000 ans ; que l'Histoire devient Légende après quelques millénaires, il n'y a aucune place pour l'orgueil, malgré Anatole France qui, dans son Jardin d’Épicure, disait : « Ce qui est admirable, ce n'est pas que le champ des étoiles soit si vaste ! c'est que l'homme l'ait mesuré ! »

R. MIETTE.

(1) Rappelons que le soleil est en diamètre 109 fois plus gros que la terre, soit 1.391.000 kilomètres.

Le Chasseur Français N°643 Septembre 1950 Page 573