Faisant suite à notre précédente causerie, nous examinerons
maintenant quelles sont les qualités à rechercher en ce qui concerne les
munitions destinées aux armes de chasse.
La pénétration, le groupement et le minimum de recul
semblent être les caractéristiques particulièrement recherchées dans la
fabrication des cartouches ; nous pouvons affirmer tout de suite que la
munition la plus recommandable ne sera jamais que le résultat d'un compromis
entre ces divers desiderata ; encore faut-il expliquer pourquoi.
La pénétration, qualité principale, est liée à la puissance
destructrice disponible au moment du choc, donc à la vitesse restante, et non
pas à la vitesse initiale comme le pensent beaucoup de chasseurs. Il convient
de se souvenir, en effet, qu'un excès de vitesse initiale tend à déformer les
plombs, qui offrent ensuite plus de résistance à leur pénétration dans l'air et
possèdent finalement, en arrivant au but, une moindre vitesse restante.
Nous ne chercherons donc pas à obtenir une pénétration
maximum en augmentant la charge de poudre, mais bien en conservant une
judicieuse proportionnalité entre le poids des constituants et surtout par une
étude très poussée du bourrage intermédiaire, lequel devra être à la fois très
obturateur, afin de ne rien perdre de la puissance de l'explosif, et légèrement
élastique, en vue de permettre à la masse du plomb de prendre le départ sans
trop de brusquerie, tout en assurant une bonne combustion de la poudre.
L'emploi du plomb durci, relativement moins déformable,
donne une meilleure pénétration ; ceci est dû à ce que ce genre de plomb
conserve mieux sa vitesse et non pas à une faculté propre de dilacération des
tissus.
L'étude de la poudre T, seule variété pratiquement en usage
actuellement, a conduit à adopter pour chaque calibre des charges standard
donnant une vitesse initiale d'environ 375 mètres, lesquelles assurent, avec
l'emploi de bons bourrages, une pénétration optima lorsque l'on emploie des
armes bien faites ; nous entendons par là celles dont les dimensions des canons
ne sont ni trop grandes, ni trop petites.
En ce qui concerne le groupement, il y a lieu d'envisager
deux choses fort différentes : la densité moyenne du coup et la régularité
de la répartition. Disons tout de suite que, si cette dernière est toujours
souhaitable, elle n'offre vraiment d'importance que dans des cas où le résultat
du tir ne dépend que d'une courte série, dans le tir aux pigeons par exemple.
Inversement, pour le commun des chasseurs et dans l'ensemble
d'une saison de chasse, le coup creux n'a pas d'importance, car les plombs qui
ne sont pas « dans le creux » sont ailleurs, en surabondance par
rapport à la moyenne, et fournissent à l'occasion la possibilité de tuer un peu
plus loin. Ceci est d'autant plus exact que le terrain de chasse, à l'inverse
de la planche de tir, offre la possibilité de coups très variables en portée et
en genre de corrections.
Seule la densité moyenne est vraiment intéressante ; si
nous voulons utiliser au maximum les qualités d'un forage et en obtenir la
dispersion minima, nous devrons exiger de la cartouche des qualités spéciales
dans l'obtention desquelles les bourrages interviennent tous deux : le
bourrage intermédiaire par son étanchéité empêchant les fuites périphériques
des gaz de la combustion et le bourrage de fermeture par sa légèreté qui évite
à ladite charge de s'éparpiller dès la sortie du canon.
La régularité de grosseur et la forme sphérique des grains
de la charge sont également des facteurs favorables au minimum de dispersion.
Nous noterons pour mémoire que, dans beaucoup de cas (tir au
bois du lapin et de la bécasse), il s'agit d'obtenir non pas le minimum de
dispersion, mais bien au contraire d’arriver à obtenir un coup assez répandu permettant
de compenser les erreurs d'une visée sommaire. À défaut d'un forage
cylindrique, nous obtiendrons ce résultat par l'emploi de bourres sèches sur la
poudre et d'un bourrage assez épais sur le plomb. Nous pourrons également
employer les artifices dispersants. Dans ce cas particulier, la qualité à
rechercher est une large dispersion, la pénétration sera toujours suffisante.
Mais, si nous revenons à la cartouche normale, nous pouvons
nous demander quelle en est la qualité principale : un bon groupement ou
une bonne pénétration ? À notre avis, s'il est question de sacrifier
quelque chose, ce sera plutôt le groupement, car il faut bien admettre que le
fusil n'est pas destiné à distribuer harmonieusement des grains de plomb dans
une cible, mais bien à en faire pénétrer le plus loin possible dans la peau du
gibier. Au voisinage des charges standard, si nous avons des raisons
particulières de chercher mieux, ce sera du côté de la pénétration très
certainement.
Nous ferons toutefois exception pour le cas du tireur sur
but immobile, de peu d'étendue et à distance repérée, où la multiplicité des
atteintes peut parfois compenser un défaut de puissance. Mais, dès que
l'objectif est d'une certaine surface, la munition normale reprend ses
avantages.
En ce qui concerne le recul, nous n'avons plus qu'à affirmer
que son importance ne dépend que du poids de l'arme et de celui des matières
projetées (gaz de la poudre, bourres et plomb). Les lois de la mécanique
impriment à l'arme une vitesse inexorable, liée aux masses en présence et à la
quantité d'explosif utilisée. C'est la vitesse de l'arme qui donne un recul
acceptable ou non.
Dans une même arme, lorsqu'une munition semble plus douce à
l'épaule qu'une autre, on peut être certain qu'il y a réduction de la vitesse
initiale ou réduction de la charge. Certaines bourres très élastiques donnent
peu de recul, mais c'est le plus souvent aux dépens d'une réduction de vitesse ;
on arriverait au même résultat en diminuant légèrement la charge de poudre.
En résumé, le chasseur, qui ne tient pas à entreprendre des
études balistiques compliquées, aura toujours avantage à employer une arme
normale dont le groupement conviendra à son adresse et à son terrain de chasse.
Il devra y employer autant que possible les munitions standard de calibre ;
il pourra se dire, en outre, que les petits calibres surchargés et les gros
calibres sous-alimentés en munitions ne constituent que d'intéressants
paradoxes balistiques, sans plus.
Pour en terminer avec les qualités des munitions, nous
ajouterons que nous ne considérons pas comme négligeable la qualité même de la
douille, qui devra toujours comporter un carton résistant, peu sensible à
l'humidité, et un solide culot, de préférence en laiton. En choisissant dans ce
genre de fabrication, on évitera beaucoup de petits ennuis.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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