Une de nos lectrices nous fait part de la perte qu'elle a
éprouvée d'une magnifique chienne caniche noire à laquelle elle tenait
beaucoup, à en juger par les soins assidus dont elle l'entourait. À noter que
la chienne n'avait jamais été fécondée.
D'après les renseignements fournis, la maladie débuta par
des grosseurs aux mamelles qui se propagèrent successivement aux membres
postérieurs, au poitrail, au cou et à la tête. Aux mamelles, ces tumeurs
formaient deux gros bourrelets allongés suivant la forme de la glande, chauds
et douloureux ; celles des autres régions étaient dures au toucher, de
forme ovale et du volume d'un œuf de poule.
D'après l'exposé qui précède, on se rend aisément compte que
l'extension progressive des tumeurs des mamelles à d'autres régions est
caractéristique de leur nature cancéreuse, et que tout traitement devait
rester infructueux et toute intervention chirurgicale inutile du moment où elle
n'avait pas eu lieu dès l'apparition des tumeurs mammaires. Aussi, nous
écrit-on, l'état général devint fiévreux, la soif vive, l'amaigrissement
considérable, et la mort vint mettre un terme aux souffrances de la chienne
après quatre-vingts jours de maladie.
Les tumeurs des mamelles de la chienne sont fréquemment
observées durant la seconde moitié de la vie normale, aussi bien sur les
chiennes non livrées à la reproduction que sur les autres, ainsi que chez la
chatte. On classe ces tumeurs en bénignes, en malignes et en mixtes,
ces dernières tenant, par la nature des éléments qui les composent, des deux
précédentes.
Les tumeurs bénignes ont une évolution lente, ne sont
pas douloureuses, ne provoquent pas de fièvre, et beaucoup demeurent
stationnaires lorsqu'elles ont acquis un certain volume. Les tumeurs malignes,
au contraire, se propagent aux ganglions lymphatiques voisins, causent des
souffrances, retentissent sur la nutrition et se généralisent plus ou moins
rapidement. On les désigne, suivant leur constitution histologique, sous les
noms de sarcome, de carcinome ; elles sont de nature
cancéreuse. Or on sait que le cancer chez l'homme est, au moment où j'écris
(juin 1950), l'objet d'études approfondies, car on ignore la cause réelle qui
le produit : microbe, virus filtrant, etc. Il en est de même pour le
cancer mammaire des chiennes et chattes. Quoi qu'il en soit, dès que les
tumeurs cancéreuses atteignent les viscères, elles sont fatalement mortelles ;
aucun traitement ne saurait en arrêter la marche. Toutefois, si l'on désire
conserver encore la chienne pendant quelque temps, convient-il de soutenir son
organisme par une bonne alimentation et d'augmenter sa résistance à
l'envahissement des éléments morbigènes par l'administration quotidienne de
petites doses de liqueur de Fowler.
En médecine humaine, on est généralement d'accord pour
reconnaître que les cancers sont constitués par des groupes de cellules qui,
par leurs proliférations, créent des tuméfactions plus ou moins considérables.
Celles-ci, par leur bourgeonnement, ont tendance à envahir les tissus voisins.
Ces tuméfactions fabriquent des substances agissant à la manière de poisons sur
l'organisme dans lequel elles évoluent, avec tendance destructive, envahissante
et infectante. Ce qui caractérise le cancer, c'est que les éléments constituant
les foyers morbides ne sont autres que des cellules issues des tissus
eux-mêmes. Enfin, si l'on examine les cellules cancéreuses, on ne trouve aucun
microbe visible au microscope, ni virus filtrant ou ultramicrobe impossible à
déceler par les moyens à notre disposition, ainsi que cela se produit dans les
maladies infectieuses.
De tous les traitements employés contre le cancer en
médecine humaine, nous ne ferons que signaler, en dehors d'une intervention
chirurgicale précoce et complète, l'emploi des rayons X et du radium qui, porté
au sein de la tumeur, agit en désorganisant les cellules cancéreuses et en
provoquant leur destruction. Aussi souhaitons-nous l'application de cette
médication en médecine vétérinaire, pour le plus grand bien des chiennes et
chattes atteintes de cancer.
Traitement.
— Le seul traitement rationnel des tumeurs, en général,
est l'ablation précoce et totale. On la pratique fréquemment chez la chienne.
Quand les tumeurs sont nettement délimitées, c'est-à-dire quand leur tissu
propre ne se confond pas avec les tissus voisins, l'opération est facile, et,
avec de l'antisepsie, on arrive à une cicatrisation rapide. Mais, quand les
tumeurs sont enveloppées d'une zone d'infiltration ou bien lorsqu'elles ont
poussé des ramifications, des traînées dans les régions qui les entourent,
l'opération exige de larges extirpations sous peine de récidive immédiate ou
prochaine.
Chez la chatte, il conviendra de pratiquer l'anesthésie
générale. Raser et désinfecter la région opératoire, disséquer la peau et la
tumeur, pincer ou ligaturer au catgut les vaisseaux donnant du sang ;
explorer les ganglions avoisinants et les extirper s'ils paraissent atteints.
Suturer la peau à la soie et recouvrir d'un pansement ouaté maintenu en place
par un bandage de corps, renouvelé au bout de quarante-huit heures.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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