Comme tous les pêcheurs à la mouche, c'est avec une
impression désagréable que j'ai vu naître et se développer excessivement la
méthode de pêche à la mouche au flotteur lesté. Méthode qu'on appelle aussi
plus brièvement « le Buldo » du nom d'un flotteur spécial dont nous
parlerons.
Le pêcheur à la mouche, qui a dû faire un assez long
apprentissage du lancer de la mouche, est navré de voir avec quelle facilité la
méthode du lancer léger, appliqué à la mouche, donne des prises nombreuses et
faciles.
Comme pour toutes les pêches au tambour fixe,
l'apprentissage du lancer est à peu près nul. Je ne dis pas, loin de là, qu'il
n'y a plus de progrès à faire par la suite. En quelques minutes, n'importe qui,
souvent au premier essai, lance presque correctement et, quelquefois ...,
prend du poisson. Il n'en est pas de même, il s'en faut, et de beaucoup, de la
vraie pêche classique à la mouche. Le puriste, donc, prend cette méthode en
grippe : trop facile, trop simple, trop destructive, dit-il, et la rejette
de parti pris.
Mais ce n'est là qu'une première impression. Combien faut-il
de barbouilleurs, surtout de nos jours, en toutes parties du monde, pour faire
quelques rares artistes. Il en est du « Buldo » comme du pinceau ;
seuls les artistes en tirent toute la joie qu'il peut donner, parmi tant de
difficultés vaincues. Et, ma foi, tant pis si le poisson disparaît — c'est
peut-être inéluctable, puisque nous ne sommes pas raisonnables, et tant mieux
si cette méthode donne à tous la même joie. Il vaut mieux, certes, « Socrate
mécontent qu'un pourceau satisfait », mais que chacun trouve sa joie,
celle qu'il mérite, n'est pas si banal. Tel est le pouvoir du « Buldo »,
qui met démocratiquement toutes les joies de la pêche à la portée de tous, au
degré qu'ils méritent.
Je veux parler du flotteur lesté comme un fervent averti et
converti. Certes, je n'ai pas délaissé ma canne à mouche, et la canne à lancer
ne la remplacera jamais : c'est autre chose, qui vaut surtout par sa
difficulté, la maîtrise qu'elle exige, le long amour fidèle, persévérant et
obstiné, qu'elle demande.
D'ailleurs venu au « Buldo » bien après la mouche
classique, pour des raisons « indépendantes de ma volonté », je me
demande si celui-ci n'a pas profité de celle-là. Il est fort probable, en
effet, qu'il doit en être ainsi.
Mais, en définitive, c'est encore la mouche qui est le
principal en cette affaire et, comme toujours, quand il s'agit d'elle, il
s'agit d'abord de présentation. Nous définirons donc la pêche à la mouche au
flotteur lesté en disant que c'est une méthode particulière de présentation de
la mouche à l'aide d'armes spéciales : canne à lancer, moulinet à tambour
fixe et flotteur lesté.
Pêcher à la mouche au flotteur lesté, c'est prendre du
poisson en lui présentant à de grandes distances, généralement, une ou
plusieurs mouches sèches ou noyées à l'aide d'un flotteur suffisamment lourd
pour être lancé à ces distances.
Théoriquement la canne unique semble donc impossible. La
longueur du lancer dépendant du poids à lancer, de la puissance de la canne, du
poids et du diamètre du crin. Mais, pratiquement, une canne pouvant lancer un
poids de 3 à 5 grammes environ suffira en toutes circonstances. La puissance de
la canne devra donc être de 400 grammes environ. Selon les circonstances et le
degré sportif du pêcheur, il sera préférable de posséder deux équipements
correspondant à deux poids différents : de 3 à 5 grammes et de 4 à 8
grammes, lancer extra-léger et lancer léger. Je rappelle que la puissance de la
canne est égale au poids nécessaire pour lui faire prendre une courbe
tangentielle à la verticale, quand on fixe ce poids à son extrémité, la canne
étant préalablement fixée horizontalement par la poignée. Elle doit être égale
à cinquante fois le poids maximum que l'on veut lancer. Nous emploierons, avec elle,
des flotteurs de poids et de grosseurs différents selon la distance à obtenir,
le caractère de l'eau, du temps au point de vue visibilité (en ce qui concerne
le pêcheur). Nous préconisons de préférence au flotteur unique en celluloïd
transparent, de poids variable, des flotteurs lestés en liège de poids fixe.
P. CARRÈRE.
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