Les jardins d'agrément sont encore à l'apogée de leur
splendeur. Les pelouses, un peu fatiguées par les grandes chaleurs de l'été,
ont, depuis quelque temps déjà, repris leur belle teinte d'émeraude, formant un
cadre magnifique aux corbeilles et aux plates-bandes, dont les tons sont
maintenant plus vifs que jamais ...
Cependant les nuits fraîchissent et la rosée qui perle au
bout du moindre brin d'herbe devient, chaque matin, plus abondante, et déjà,
certains jours, on croirait bien voir un peu de gelée blanche ...
Les feuilles des arbres commencent, elles aussi, à jaunir
et, une à une, quittent les branches pour venir joncher le sol d'un tapis d'or.
C'est l'automne ! Quelques jours encore et une gelée
plus forte viendra anéantir, sans espoir de retour, ces magnifiques plantes
exotiques qui, incontestablement, ont constitué, pendant toute la belle saison,
la plus jolie parure de nos jardins.
Il ne faut donc pas tarder pour mettre de côté celles de ces
plantes dont on aura besoin l'an prochain.
Déjà quelques pieds mères des plantes les plus délicates, Achyranthes,
Coleus, Alternantheras, mis en pots dès le mois de mai et ayant
passé l'été sur une vieille couche, ont été rentrés vers le 20 septembre dans
la serre tempérée.
Déjà, aussi, on a bouturé, vers la mi-septembre, sous châssis
et sur une couche tiède, quelques autres espèces dont l'enracinement est rapide :
Ageratums, Héliotropes, Abutilons, Salvias. Mises en
godets de 8 centimètres de diamètre dès que cet enracinement est suffisant,
elles serviront de pieds mères pour la multiplication du printemps dans la
serre.
Du 8 au 10 octobre, il faudra rentrer en serre les
géraniums bouturés vers la fin d'août. Lorsque ces boutures auront été faites
en pleine terre, on les aura, au préalable, mises en pots vers le 1er octobre,
à raison de deux, trois et même quatre boutures par pot de 8 ou 9 centimètres
de diamètre.
C'est également dans les premiers jours d'octobre qu'il faut
penser à déplanter les beaux exemplaires de Plumbago Capensis, d'Abutilon
Thompsoni, de Datura arborea, de Cassia floribunda, qui
formaient, pendant toute la belle saison, de jolies têtes de corbeilles au
jardin paysager, des groupes ravissants, des isolés, ou occupaient le milieu
des plates-bandes du jardin français.
Les feuilles en étant supprimées, ainsi que les parties
encore herbacées des rameaux, les racines ayant été aussi quelque peu
raccourcies, les plantes sont placées dans des pots plutôt un peu étroits.
On traite de même les forts géraniums élevés à haute tige ou
en touffe, ainsi que les fuchsias. Rempotés dans des conditions identiques, ces
derniers resteront tout l'hiver à l'état de repos à peu près absolu de
végétation, à condition que les arrosages soient très réduits, que la
température de la serre soit seulement de quelques degrés au-dessus de zéro et
que la lumière ne fasse pas trop défaut. Un des endroits les plus convenables,
à ces divers points de vue, est la serre adossée à un seul versant exposée au
midi. On pourra y placer les fuchsias sous les gradins dès leur rentrée. On les
arrosera une fois ou deux seulement pour en obtenir la reprise, puis, pendant
tout l'hiver, ils recevront seulement l'eau qui s'écoulera lorsqu'on arrosera
les plantes placées sur les gradins.
Vers la fin de la mauvaise saison, la quantité d'eau sera progressivement
augmentée, en même temps qu'on élèvera la température. La végétation reprendra
alors et, au bout de quelques jours, il deviendra possible de couper des
boutures que l'on fera enraciner dans la serre à multiplication, puis qu'on
mettra en pots pour les placer sur couche.
Dès la première gelée un peu forte, les tiges des dahlias et
celles des bégonias tubéreux seront détruites sans aucun espoir de retour. Il
faudra couper ces tiges, puis déplanter les souches de dahlias et les
tubercules de bégonias pour les placer dans un endroit sain où la température
ne puisse, en aucun cas, s'abaisser au-dessous de zéro. C'est dans l'orangerie
et dans la serre froide que ces conditions se trouvent le plus facilement
réunies, mais une cave saine convient également, à défaut des locaux
précédents. On peut, à cet effet, disposer un peu de terre sèche dans laquelle
on enterre les souches ou les tubercules qui, ainsi, ont moins tendance à se
rider.
Les Cannas sont des plantes vivaces non rustiques
qu'il est assez facile de conserver d'une année à l'autre. Dès que les gelées
sont à craindre, on en coupe les feuilles, laissant les tiges de toute leur
longueur, puis on déplante, avec précaution, les souches par une journée
ensoleillée, laissant un peu de terre aux racines. On les rentre dans la serre
froide ou la serre tempérée en les plaçant à proximité des tuyaux de chauffage.
On évitera, par la suite, de les mouiller, car la pourriture serait alors à
craindre. La division des touffes n'en sera opérée qu'en mars, au moment de la
mise en végétation sur couche tiède.
Dès les premiers jours d'octobre, on pourra encore bouturer,
sous châssis à froid, quelques bonnes plantes demi-rustiques. Les pentstemons,
les mufliers, les œillets sont dans ce cas. Quelque temps après,
vers la fin d'octobre, on bouturera de la même façon les calcéolaires et
la santoline, qui seront aussi très précieux pour les garnitures de
l'été prochain. Les coffres, dans lesquels sont piquées les boutures, sont
placés au pied d'un mur bien exposé au sud-est ou même au midi si l'on opère
dans le Nord. On rend la terre plus légère en y ajoutant un peu de terreau et
un peu de sable.
Dans un châssis de dimensions courantes, 1m,30
sur 1m,30, on peut ainsi faire de trois à quatre cents boutures.
Celles-ci s'enracineront au cours de l'hiver, et on prendra la précaution de
couvrir les châssis et de border les coffres de feuilles mortes si le temps
vient à se mettre au froid. En février-mars, penstémons, mufliers, oeillets et
santolines pourront être repiqués à l'air libre en pépinière et resteront ainsi
jusqu'au moment de la plantation, sans qu'il soit nécessaire de les abriter
beaucoup. Quant aux calcéolaires, un peu moins résistantes au froid que les
plantes précédentes, elles seront mises en pots dès février, puis laissées sous
châssis jusqu'au début d'avril. On enlèvera ensuite les châssis, continuant
cependant à les abriter à l'aide de claies ou de paillassons, la nuit, contre
un abaissement possible de température qui pourrait leur être gravement
préjudiciable.
Enfin il est également possible de garder, pendant l'hiver,
sous des châssis qu'on couvre de paillassons lorsque le temps se met au froid,
quelques espèces parmi lesquelles une plante fort intéressante pour la
formation des lignes dans les motifs de mosaïculture, l’Echeveria secunda glauca,
qui résiste parfaitement, à condition que la température reste, dans le coffre,
un peu au-dessus de zéro et que la terre reste tout à fait saine, ce qu'il est
facile de réaliser par un apport plus ou moins considérable de sable.
E. DELPLACE.
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