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Le maintien de la fertilité

La fertilité d'un sol est conditionnée par l'ensemble de ses propriétés physiques, chimiques et biologiques, et se maintient dans la mesure où celles-ci ne sont pas altérées.

Le sol doit assurer à la plante un milieu favorable à la germination de ses graines et au développement de ses racines. Il doit être profond, perméable sans excès et facile à travailler. L'idéal est représenté par la terre franche où les proportions de sable, d'argile, de calcaire et d'humus se trouvent harmonieusement dosées. Mais il n'en est pas toujours ainsi, tant s'en faut, et, le plus souvent, on a des sols à tendance siliceuse, calcaire, argileuse ou humifère plus ou moins marquée, défauts qu’on s'efforce de masquer par voie d'amendements.

Parmi ceux-ci, le sable n'est guère utilisable en raison de son poids et des frais de transport considérables qui le grèvent et c'est regrettable, mais la craie broyée, volontiers confondue avec la marne, et la chaux rendent d'appréciables services.

Les chaulages s'imposent dans les terres lourdes et dans toutes celles où le pH, inférieur à 7, indique une prédominance acide. Ils ont été fort négligés depuis 1940 et, même auparavant, ils auraient pu être entrepris et généralisés plus largement qu'ils ne l'étaient. Il n'y a plus de raison maintenant pour les différer et tarder davantage à améliorer par ce moyen la contexture du sol.

Un autre élément essentiel est l'apport d'humus, et déjà on s'inquiète en maints endroits de la réduction des apports de fumier, conséquence de la motorisation et de la diffusion de la moissonneuse-batteuse. Cette réduction doit être compensée à tout prix, et les gadoues, elles-mêmes, tendant à disparaître par incinération, ce sont les engrais verts qui sont appelés à remplir ce rôle. L'humus est indispensable à la bonne constitution du sol et même à sa conservation par le liant qu'il donne aux particules terreuses.

Sans lui, l'érosion devient vite un danger mortel et la terre est emportée par les eaux et par le vent. Le danger, en France, ne paraît pas encore aussi grave qu'il ne l'est en Amérique, mais, étant donnés la densité de notre population et l'accroissement démographique actuel, la perte de quelques millions, ou seulement de quelques centaines de milliers d'hectares, serait beaucoup plus grave ici que là-bas.

Le maintien des propriétés chimiques n'est pas moins important et la verse qui a, cette année, atteint les céréales et plus spécialement le blé a rappelé de façon brutale la nécessité impérieuse de veiller à assurer l'équilibre des fumures. La sécheresse de 1949 n'avait pas permis aux plantes sarclées, betteraves et pommes de terre, de se développer normalement et donc d'assimiler la masse considérable d'aliments azotés mise à leur disposition. Conservée par le sol, celle-ci a profité à la céréale (blé notamment) qui a suivi et qui s'est développée avec une puissance remarquable jusqu'au moment où les orages de juin ont provoqué la verse que redoutaient dès la fin du printemps ceux qui se souvenaient des leçons du passé.

Trop d'azote, a-t-on dit. Peut-être ! Déséquilibre des fumures surtout, car on peut penser que les réserves d'acide phosphorique et de potasse qui existaient dans les terres avant 1940 avaient été consommées au cours des années de pénurie d'engrais que nous avons connues et qu'elles n'avaient pas été reconstituées.

Milieu vivant où l'activité microbienne est essentielle à la formation de l'azote nitrique et même à la vie des plantes, des légumineuses notamment, le sol doit rester constamment aéré et sain et ceci est vrai, non seulement des champs destinés aux cultures diverses, mais aussi des prairies trop souvent négligées et qui ne donnent que le quart parfois de ce qu'elles seraient capables de produire si elles étaient entretenues comme elles devraient l'être.

Un gros effort est fait de ce côté actuellement ; il faut souhaiter qu'il se généralise rapidement et que l'exploitation rationnelle des prairies naturelles ne reste pas l'apanage de quelques herbagers.

Contrairement à une opinion trop souvent répétée, la fertilité des terres ne diminue pas sous l'action de leur culture, mais elle va au contraire croissant, à condition cependant que cette culture soit faite, comme disaient les anciens baux, « en bon père de famille ».

Il faut pour cela veiller à conserver le sol et donc à le protéger de l'érosion, lui maintenir ses qualités physiques, conserver ou accroître ses réserves en éléments fertilisants et notamment en acide phosphorique et en potasse, ce qui est d'autant plus facile que ces deux éléments sont fortement retenus par le pouvoir absorbant du sol et, enfin, assurer sa santé biologique, conséquence d'une bonne aération et d'un pH suffisamment élevé, pour permettre la prolifération des bactéries favorables à la végétation des plantes que nous cultivons. Ces conditions réunies, non seulement la productivité ne diminuera pas, mais les rendements continueront à croître comme ils l'ont fait magnifiquement depuis le début du siècle.

R. GRANDMOTTET,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 614