La vigne, « cet arbre aimé », comme certains l'ont
écrit, est un arbuste qui se caractérise par sa grande vigueur, celle-ci lui
permettant de résister avantageusement à la sécheresse.
Nous savons que les vignes, cultivées ou non, appartiennent
à la grande famille des Ampélidées. Comme toute famille botanique
comprend des genres, la vigne appartient au genre Vitis. Toutes celles
qui donnent du raisin comestible, ou susceptible de faire du vin, ont été
qualifiées de Vinifera.
Les genres sont eux-mêmes composés d'espèces, et ces
dernières de variétés. La plante se transformant avec la nature du sol, celle
du climat et les accidents morphologiques, on comprendra aisément que les
spécialistes de la question aient dénombré plus de deux mille variétés de Vitis
vinifera couvrant la surface du globe.
Les vignes non cultivées, ou sauvages, comprennent neuf
genres ; quelques-unes, importées de l'Amérique du Nord, nous ont fourni
la base de nos principaux porte-greffes, tels que les Rupestris, Riparia,
Berlandieri.
Certaines vignes américaines, vivant à l'état sauvage, ont
une végétation tellement développée que certaines arrivent à couvrir avec un
seul pied une surface d'un hectare. Ce fait a été constaté par ceux qui sont
allés sur place étudier les vignes américaines après la crise phylloxérique.
Sans avoir la même vigueur, nos Vitis européens,
abandonnés, arrivent à couvrir arbres et buissons.
D'où la nécessité de la taille. Cette dernière n'est, du
reste, pas spéciale à la vigne ; elle intéresse une grande partie des arbres
fruitiers.
On distingue deux tailles : celle qui se pratique de la
chute des feuilles au départ de la végétation est dénommée taille sèche,
et celle qui se pratique pendant la végétation porte le nom de taille en
vert. Nous avons étudié cette dernière dans le n°627 de mai 1949 du Chasseur
Français.
La taille sèche, objet de la présente étude, assure la
régularité des récoltes et améliore la qualité du raisin de table.
Le choix de la taille est influencé par le climat ;
celui-ci peut être froid, tempéré ou chaud. Par la fertilité du sol,
dans les sols riches aux plants plus espacés, la taille sera moins sévère que
dans les sols pauvres.
Le cépage influe également d'une façon notable son
système de taille, selon que les sarments sont érigés, buissonnants ou
traînants.
Enfin un nouveau facteur : les maladies (la pourriture
grise notamment) peuvent influencer la taille ; certains cépages devront
être taillés de façon à donner une bonne aération au feuillage.
Tout le monde sait que les pousses fructifères sont issues
des sarments d'un an poussés sur le bois de deux ans. Ceci est également vrai
pour les arbres fruitiers.
Les sarments venus sur les bois plus anciens sont, suivant
les cépages, peu ou pas fructifères, et sont appelés gourmands; on les supprime
sur presque la totalité des plants.
On a aussi constaté que les yeux, ou bourgeons, sont
d'autant plus fructifères qu'ils sont plus éloignés de la base, ou, ce qui
revient au même, qu'ils sont plus près de la taille.
La taille à un ou deux yeux est dite taille courte ;
dans celle-ci n'est pas compté l'œil de base, ou bourrillon. Selon les régions,
elle porte les noms de cot, courson, porteur, corne.
Lorsqu'on laisse plus de trois yeux, la taille est dite taille
longue ; ces longs bois sont aussi dénommés branche fructifère,
courgée, baguette, archet, aste, pleyon, pisse-vin, etc. ...
L'ensemble de ces deux tailles exécutées sur un même cep
prend le nom de taille mixte.
Nous ne décrirons pas les divers systèmes de taille, car ce
n'est pas l'objet de cette étude. Nous conseillons ceux que cela peut
intéresser de s'adresser aux ouvrages spécialisés sur cette question.
Ces tailles diffèrent non seulement avec les régions
viticoles, mais avec les cantons, les cépages, les crus et quelquefois d'un
vignoble à l'autre.
Nous nous étendrons seulement sur les principes de la taille
mixte, qui semble vouloir se répandre dans plusieurs régions.
Dans une taille mixte, on distingue :
a. Les branches fruitières ;
b. Les tailles courtes de remplacement.
Les premières donnent la récolte et sont supprimées à la
taille sèche.
Les secondes forment avec les sarments les plus vigoureux
les branches fruitières, et ceux taillés courts le bois de remplacement.
Ces considérations nous amènent tout naturellement à parler
de la taille Guyot.
Ce dernier a établi son système après avoir étudié tous les
vignobles français, et il a admis comme conclusion que la taille la plus simple
et la plus rationnelle comprenait un courson et un long bois, taille qui peut
se faire dès la troisième année, avec des sarments qui se sont normalement
développés.
Ce principe étant admis, il faut reconnaître que la vigueur
des souches indiquera la taille double ou simple.
Expliquons-nous. Dans une souche vigoureuse, on exécutera la
taille mixte sur les deux bras, alors que, dans une autre moins bien
développée, on ne la fera que sur un seul bras.
Enfin, sur les plants chétifs ou en dépérissement, on la
supprimera en totalité.
De même, il est logique de laisser sur le long bois un
nombre d'yeux qui sera déterminé par la vigueur du cep et la nature du cépage.
Pour l'exécution de la taille, on se sert presque partout du
sécateur. Cet instrument, fort apprécié, a pour la vigne un petit inconvénient.
L'étroitesse de son talon produit un écrasement partiel de l'écorce, qui peut
être une porte ouverte aux germes des maladies cryptogamiques, il est
préférable de lui substituer un instrument à deux lames tranchantes, type
cisaille.
Certains préconisent de faire la coupe en sifflet aux deux
tiers supérieurs du mérithalle ; d'autres préfèrent une coupe transversale
à un millimètre au-dessus du nœud, de façon que la cloison de ce nœud fasse
l'effet d'un écran infranchissable aux germes des maladies.
Nous avons essayé ce dernier système, qui donne de bons
résultats, mais n'embellit pas la taille.
Un autre système consiste à badigeonner la plaie de taille,
aussitôt celle-ci exécutée, avec une solution de sulfate de fer à 40 p. 100.
Ce produit cicatrise la plaie et empêche la germinaison d'un germe d'un
champignon qui se développe dans la moelle et peut détruire tous les yeux du
courson ou du long bois, ne laissant que le bourrillon.
Nous avons nous-mêmes constaté cette destruction et y avons
remédié par l'emploi du traitement ci-dessus.
Nous ne saurions trop répéter que le travail de la vigne et
la production du vin sont pleines d'aléas ; aussi faut-il chercher à
mettre tous les atouts du bon côté.
Les groupements professionnels demandent que l'on produise
des vins de qualité, pour la vente, bien entendu. Ceux qui ne répondront pas à
cette condition serviront soit à la consommation familiale, soit à la
distillation, ce qui n'est pas le but final du vignoble.
V. ARNOULD,
Ingénieur-agronome.
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