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Petite maison méridionale

Cette maison est de la même famille que la « maison dans le Midi » publiée dans Le Chasseur Français de septembre 1949. Mais elle est plus petite, donc moins coûteuse, tout en apportant confort et agrément à une famille pas trop nombreuse. Elle a été prévue pour un ménage d'instituteurs pour qui viendra bientôt l'heure de la retraite et qui, de temps en temps, pourront y recevoir leurs enfants ou quelques amis. Au rez-de-chaussée surélevé, je n'ai point prévu de vestibule, afin de réduire la surface bâtie et, par suite, la dépense. On entre directement dans la grande salle, précédée d'une vaste loggia, comme on le fait habituellement à la campagne. Mais les pièces ont été groupées de la façon la plus rationnelle, afin de donner le maximum de commodité dans une place restreinte, tout en évitant les pas inutiles. La salle de bains s'encastre entre les deux chambres. L'une des chambres peut habituellement servir de studio et, communiquant largement avec la salle, agrandir la réception. La cuisine est assez grande pour qu'on y puisse manger. L'escalier du comble part à la fois de la grande salle et de la cuisine. Le lavabo-vestiaire et le w.-c. sont à proximité de la grande salle, de la cuisine et des chambres. Dans la partie centrale du grand grenier, côté arrière, s'encastre sous le toit une chambre mansardée supplémentaire. Le grand sous-sol peut encore comporter une ou deux chambres de secours.

Distribution.

— Nous gravissons le grand perron latéral, flanqué de redans en maçonnerie sur lesquels reposent de grandes jarres fleuries en terre cuite, et nous arrivons sous la vaste loggia qui précède la grande salle.

Cette loggia (12 m2 environ) forme un avant-corps porté par quatre gros pilastres en pierre demi-dure du pays avec chapiteaux en ionique simplifié ornés de motifs sculptés tirés de la flore et de la faune locales (roses, vigne, fruits, oiseaux, papillons).

De la loggia, nous passons dans la grande salle (25 m2 environ). Cette salle ouvre sur la loggia par une grande porte pliante à quatre vantaux qui permet, par beau temps, de prolonger et d'agrandir la salle vers l'extérieur. Au fond de la salle, entre les deux portes de communication avec la cuisine et le petit dégagement, nous apercevons la grande cheminée, encadrée par deux placards-dessertes en menuiserie qui forment avec elle un bloc décoratif imposant. À gauche, entre les deux belles fenêtres latérales qui donnent vue et lumière directe, se place le grand buffet régional. À droite, une porte pliante à trois vantaux donne large communication avec le studio, qui peut éventuellement servir de chambre, mais qui, en temps normal, agrandit la réception. Grande salle, loggia, studio forment un vaste et agréable ensemble. De chaque côté de la porte de communication avec le studio se placent l'horloge ancienne et le poste de radio.

Le studio (13 m2 environ) s'éclaire par deux grandes fenêtres d'angle donnant vues et éclairages divers, tout en laissant de grands panneaux pour les meubles. Un grand divan-lit à deux places, avec table de chevet, une grande armoire-bibliothèque, une grande table-bureau sous les deux fenêtres s'y placent aisément.

La chambre (12 m2 environ) s'éclaire par une grande fenêtre en façade postérieure. Nous y trouvons : un grand lit avec table de chevet, une très grande armoire, une commode ou armoire, une table.

La salle de bains (4 m2 environ) est située entre la chambre et le studio-chambre. Elle prend jour par deux fenêtres en façade latérale. Le lavabo, le bidet, la baignoire s'y placent normalement.

La cuisine (12 m2 environ) s'éclaire en façade postérieure par une batterie de trois fenêtres sous lesquelles s'alignent la cuisinière à bois, la cuisinière électrique, l'évier avec double égouttoir. À droite s'étale un grand placard entre les tuyaux de fumée et la porte. Sur le côté gauche, nous trouvons un buffet et le frigidaire. Sur la quatrième paroi pourrait encore se placer un meuble. Au centre se place une table carrée où quatre personnes peuvent manger à l'aise.

La cuisine communique directement avec la salle à manger par deux portes situées en face l'une de l'autre, au pied de l'escalier encloisonné qui monte au grenier. Près de la porte, qui donne accès de la cuisine au petit dégagement desservant toutes les pièces, se trouvent la descente de cave et le lavabo-vestiaire qui commande le w.-c., ainsi bien isolé.

L'escalier nous conduit au comble sur un palier central qui distribue chambre mansardée derrière avec greniers latéraux, grand grenier devant. La descente de cave nous conduit au sous-sol, où nous trouvons : garage, atelier, chaufferie, buanderie, caves.

Construction.

— Les murs sont en maçonnerie de pierre demi-dure du pays, de 0m,50 d'épaisseur. C'est, en général, la solution la plus économique quand on a la pierre sur place. J'avais déjà constaté, en Lorraine, qu'un mur en briques de 22 était plus coûteux qu'un mur de 50 en pierre, j'ai fait

récemment la même remarque dans plusieurs localités du Centre et du Sud de la France. Au contraire, dans le Nord, où la pierre manque et où l'on trouve partout d'excellente brique, il y a un gros avantage à utiliser cette dernière, car la terre cuite, à épaisseur égale, est beaucoup plus isolante du froid et de la chaleur que la pierre.

Les murs de refend sont en briques ou cairons, ou, au contraire, en béton coffré, si l'on a le gravier et le ciment à bon compte sur place, comme le cas s'est présenté dans les constructions dont je viens de parler.

Les planchers sont en béton armé, soit sur hourdis creux en terre cuite, solution à préférer à cause du meilleur isolement acoustique, soit à nervures apparentes, solution plus économique.

Les murs-pignons et les murs de refend montant jusqu'au toit, la charpente à deux pentes est très facile à établir, soit en bois, soit en béton armé, mais cette deuxième solution est infiniment préférable, à cause de l'incendie, de la pourriture et surtout des termites, qui ravagent actuellement de nombreuses constructions dans le Midi. Sur cette charpente viendra reposer la couverture traditionnelle en tuiles canal. Mais comment la poser ?

Dans une construction que j'édifie actuellement dans le Centre-Sud, j'avais d'abord prévu la tuile canal posée à bain soufflant de mortier sur la dalle en béton armé. Certains entrepreneurs ont fait remarquer que les réparations seraient difficiles et qu'il vaudrait mieux adopter le système du pays, en crochetant simplement les tuiles entre elles pour leur permettre de résister au vent. Mais, à ma dernière visite du chantier, l'entrepreneur de maçonnerie béton armé couverture a remis la chose en question : « Monsieur l'architecte, je crois que votre première idée était bonne. La tuile canal que nous allons employer étant de toute première qualité, il serait préférable de la poser à bain soufflant de mortier de ciment. Ainsi rien ne pourrait bouger, et le travail serait fait peut-être pour cent ans, sans nécessiter de réparations. »

Toutes les pièces du rez-de-chaussée surélevé pourront être carrelées en carreaux de grès cérame posés au ciment sur la dalle en béton armé. Cependant, les chambres pourront recevoir un parquet, soit sur lambourdes, soit sur bitume. Il est aussi possible de prévoir en tout ou en partie du tapis de caoutchouc ou du linoléum de qualité et d'épaisseur spéciale, ainsi que cela se pratique couramment en Suisse.

Les menuiseries seront en pin ou en chêne, et les volets seront obligatoirement en bois, soit larges contrevents plaquant sur la façade, soit volets pliants se rabattant contre les tableaux. Il fut un temps où beaucoup de gens, par routine, demandaient la persienne en fer. Or, dans une pièce protégée par des persiennes en fer, c'est-à-dire par une mince épaisseur de tôle, on cuit l'été, on gèle l'hiver. Quelques constructeurs fabriquent aujourd'hui des persiennes mixtes isolantes, soit en lames de bois traversées par des ferrures d'acier, soit en cadre fer avec panneaux bois, et j'ai depuis longtemps utilisé les premières. Mais j'ai pris le parti, ces temps derniers, de faire exécuter mes volets pliants par le menuisier et le forgeron du pays, en lames de bois épaisses, raidies, et rendues indéformables par de solides ferrures placées suivant « ma combine ». Cela ne coûte pas plus cher et c'est bien mieux qu'un matériel venant de loin et grevé de frais de transport.

Aspect extérieur.

— Très simple dans sa forme générale, plan carré, toit à deux pentes, cette maison est « illustrée » par l'avant-corps formant portique-loggia. Ce portique est inspiré des portiques classiques, mais avec des dimensions plus réduites, des proportions plus lourdes, des détails simplifiés. Les pilastres massifs semblent écrasés par le haut « fronton » sans moulures, simplement couronné par la dentelle des génoises en tuiles canal. Ainsi la maison, malgré son confort, sa distribution et sa luminosité modernes, s'apparente aux vieilles maisons paysannes de la région. Elle vient se ranger, s'encastrer dans le paysage millénaire. Les couleurs doivent être sobres et harmonieuses : crépis très clairs, tuiles rose pâle, simplement rehaussées par les fleurs des jarres et des jardinières, le tout sur fond de verdure, où se retrouvent peut-être le cyprès et le pin parasol.

Gérard TISSOIRE,

Architecte.

Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 621