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Droit des enfants naturels

à la succession de leurs père et mère.

Ils doivent être reconnus.

— Pour que les enfants naturels puissent prétendre à la succession de leurs père et mère décédés, il faut qu'ils aient été reconnus par eux. Les enfants naturels simples n'y ont aucun droit.

L'article 756 du Code civil est formel à ce sujet : « La loi n'accorde de droits aux enfants naturels sur les biens de leurs père et mère décédés que lorsqu'ils ont été légalement reconnus. Les enfants naturels légalement reconnus sont appelés en qualité d'héritiers à la succession de leur père ou de leur mère décédé. »

Mode de reconnaissance.

— La reconnaissance d'un enfant naturel peut être volontaire ou forcée ; mais le droit successoral de celui-ci est le même, quel que soit le mode de reconnaissance dont il ait fait l'objet.

La reconnaissance volontaire peut avoir lieu soit devant l'officier de l'état civil, soit devant notaire, soit devant un tribunal ou un juge.

La reconnaissance forcée s'obtient par décision de justice et peut donner lieu à deux actions : la recherche de la paternité naturelle ; la recherche de la maternité naturelle.

Pour apprécier le droit des enfants naturels reconnus à la succession de leurs père et mère décédés, il faut distinguer si ceux-ci n'ont pas disposé de leurs biens ou si, au contraire, ils ont fait un testament ou une donation.

I. — Les parents n'ont pas disposé de leurs biens.

Si les père et mère d'un enfant naturel n'ont pas disposé de leurs biens, soit par testament, soit par donation, le droit de cet enfant à la succession de ses parents est fixé par les articles 758 et suivants du Code civil.

Le droit successoral des enfants naturels varie suivant le degré de parenté et aussi le nombre des héritiers du défunt avec lesquels ils viennent en concours.

Existence d'enfants légitimes.

— Lorsque l'enfant naturel reconnu vient en concours avec des enfants légitimes du défunt, il a droit à la moitié de la part qu'il aurait eue s'il eût été lui-même légitime.

Pour déterminer cette part de l'enfant naturel reconnu, on effectue le calcul comme s'il était légitime et on prend ensuite la moitié de la part ainsi obtenue.

Au décès du père ou de la mère, la part de succession revenant à chacun de leurs enfants légitimes est de moitié s'il y a deux enfants légitimes, d'un tiers s'il y en a trois, d'un quart s'il y en a quatre, d'un cinquième s'il y en a cinq, d'un sixième s'il y en a six, d'un septième s'il y en a sept, etc.

Mais, lorsque le défunt laisse en outre un enfant naturel reconnu, la part de celui-ci sur la succession sera d'un quart si le défunt laisse deux enfants, dont l'enfant naturel, d'un sixième s'il y a trois enfants, dont un enfant naturel, d'un huitième s'il y a quatre enfants, d'un dixième s'il y a cinq enfants, d'un douzième s'il y a six enfants (toujours y compris l'enfant naturel).

Ascendants et frères et sœurs du défunt.

— Lorsque le défunt n'a pas d'enfants légitimes, mais laisse des ascendants ou des frères et sœurs ou des descendants légitimes de frères et sœurs, l'enfant naturel reconnu reçoit les trois quarts de la succession ; celle-ci lui serait revenue en totalité s'il avait été légitime.

Les ascendants et frères et sœurs du défunt se partagent le quart restant de la succession dans la même proportion que s'ils recevaient la succession totale par suite de l'inexistence des enfants du défunt.

Autres parents du défunt.

— Lorsque le défunt ne laisse ni descendants ni ascendants, ni frères et sœurs ou descendants légitimes des frères et sœurs, l'enfant naturel reconnu reçoit la totalité de la succession du défunt comme s'il avait été légitime.

Par conséquent, l'enfant naturel reconnu écarte de la succession les collatéraux ordinaires du défunt et il n'est pas infériorisé vis-à-vis d'eux en raison de sa qualité d'enfant naturel.

Observations.

— Il importe de mentionner l'exception aux règles précédentes que comporte l'article 337 du Code civil en ce qui concerne l'enfant naturel reconnu pendant le mariage de ses père ou mère.

D'après cet article, la reconnaissance faite pendant le mariage par l'un des époux au profit d'un enfant naturel qu'il aurait eu avant son mariage, d'un autre que de son époux, ne pourra nuire ni à celui-ci, ni aux enfants nés de ce mariage. Toutefois, elle produira son effet après la dissolution de ce mariage s'il n'existe pas d'enfants.

En cas de prédécès des enfants naturels, leurs enfants et descendants peuvent faire valoir leurs droits tels qu'ils viennent d'être définis ci-dessus.

II. — Les parents ont disposé de leurs biens.

Les père et mère peuvent, ainsi que le Code civil les y autorise, avoir disposé de leurs biens en tout ou en partie, par voie de donation, de testament, et modifier ainsi, dans une certaine mesure, la dévolution successorale dont il vient d'être question.

Ce droit de disposition des parents peut avoir pour conséquence d'attribuer aux enfants naturels une part d'héritage moindre que celle résultant de la seule application des règles du Code civil que nous venons d'indiquer sans toutefois pouvoir être inférieure à un certain minimum que l'on appelle réserve ou part réservataire.

Ce même droit de disposition des parents peut avoir, au contraire, pour conséquence de transmettre aux enfants naturels une part supérieure à celle que nous venons d'examiner.

1° De la réserve des enfants naturels.

— La réserve ou part réservataire des enfants naturels varie d'abord suivant la qualité des héritiers du défunt avec lesquels ils viennent en concours à la succession.

Enfants légitimes du défunt.

— La part d'héritage que les père et mère doivent réserver à leur enfant naturel reconnu venant en concours avec des enfants légitimes est de la moitié de celle qu'aurait celui-ci s'il était légitime.

Or la réserve d'un enfant légitime est de la moitié de la succession s'il est le seul enfant ; la réserve est des deux tiers de la succession s'il y a deux enfants légitimes ; elle est des trois quarts de la succession s'il y a trois enfants légitimes ou davantage.

Par suite, la réserve d'un enfant naturel reconnu est d'un sixième de la succession s'il vient en concours avec un enfant légitime, d'un huitième de la succession s'il y a deux enfants légitimes et d'un seizième de la succession s'il y a trois enfants légitimes.

Pour bien comprendre ce calcul, il importe de remarquer que, si, par exemple, le défunt laisse un enfant légitime et un enfant naturel reconnu, la réserve qui aurait été du tiers de la succession pour chacun des deux enfants, s'ils avaient été légitimes, n'est que de la moitié de ce tiers, soit un sixième de la succession pour l'enfant naturel.

Ascendants du défunt.

— Lorsque le défunt (père ou mère) ne laisse pas d'enfants légitimes, mais seulement des enfants naturels et des ascendants dans une ligne ou dans les deux lignes paternelle et maternelle, la réserve des enfants naturels et des ascendants est de la moitié de la succession s'il y a un enfant naturel, des deux tiers de la succession s'il y a deux enfants naturels, des trois quarts s'il y a trois enfants naturels ou plus.

Sur cette réserve, les ascendants recueillent jusqu'à concurrence d'un huitième de la succession ; le surplus revient à l'enfant naturel ou par parts égales aux enfants naturels.

Frères et sœurs du défunt.

— Si le défunt ne laisse comme héritiers que des frères et sœurs, l'enfant naturel a droit à une réserve égale aux trois quarts de celle qu'il aurait eue s'il avait été légitime.

Or, s'il avait été légitime, il aurait pu prétendre à une réserve de la moitié de la succession.

Étant enfant naturel, il ne peut donc revendiquer que les trois quarts de cette moitié, soit les trois huitièmes de la succession.

Autres parents du défunt.

— Lorsque le défunt laisse des collatéraux ordinaires, etc., comme héritiers, l'enfant naturel a droit à une réserve égale à celle de l'enfant légitime, c'est-à-dire de la moitié de la succession s'il est seul enfant du défunt.

2° Quotité disponible au profit des enfants naturels.

— Les père et mère d'un enfant naturel reconnu peuvent par testament, par donation, conférer à cet enfant un droit successoral plus étendu que celui résultant des seules dispositions du Code civil.

On sait que deux sortes d'héritiers peuvent, dans l'ordre, prétendre à une réserve sur les biens du défunt : les descendants et, à défaut, les ascendants.

La réserve des enfants légitimes est de la moitié de la succession s'il y a un enfant légitime, des deux tiers s'il y en a trois, des trois quarts s'il y en a quatre ou davantage.

L'enfant naturel reconnu peut donc recevoir par une libéralité du défunt, jusqu'à concurrence de tous les biens de la succession, déduction faite de cette réserve.

Les ascendants n'ont pas droit à la réserve lorsque le défunt laisse des enfants légitimes ; mais, si le défunt n'a que des enfants naturels, les ascendants peuvent prétendre à une part réservataire qui est du huitième de la succession, quel que soit leur nombre.

Le défunt peut donc, dans ce dernier cas, laisser valablement à l'enfant naturel par donation, par testament, jusqu'à concurrence de la totalité de sa succession, déduction faite de cette part réservataire.

Enfin, si le défunt n'a ni enfants ni ascendants, il peut laisser la totalité de ses biens à son enfant naturel reconnu.

L. CROUZATIER.

Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 624