Sans être une innovation, l'administration de substances
médicamenteuses par inhalation a pris une extension avec l'emploi des aérosols,
et, bien que je ne puisse que m'en tenir à quelques généralités sur cette
méthode, je lui consacre cette causerie, sur la demande d'un lecteur de notre
revue.
Un aérosol est une suspension dans l'air de très fines
particules à l'état colloïdal, possédant une charge électrique ; grâce à
cet état, à leur extrême finesse et à leur homogénéité, ces particules,
échappant, du moins pendant un certain temps, à l'action de la pesanteur,
donnent des suspensions stables.
L'emploi thérapeutique des aérosols part de la conception de
mettre un médicament actif en contact immédiat avec l'organe sur lequel il doit
agir, et, dans le cas actuellement le plus fréquent, c'est sur les voies
aériennes qu'on a l'intention d'agir.
Avec les pulvérisateurs jusqu'à présent en usage, on pouvait
projeter des gouttelettes fines, mais encore de dimensions appréciables, dans
les fosses nasales, sur la muqueuse de la gorge, sans pouvoir pénétrer plus
loin ; l'inhalation de vapeurs chargées de principes médicamenteux peut
encore agir sur le larynx.
Pour pénétrer plus profondément dans les bronches, il
fallait des suspensions plus stables, et on s'adressa d'abord à des fumées ;
les asthmatiques employèrent des poudres (à base de datura, de jusquiame, de
belladone, etc.), ou des cigarettes « antiasthmatiques » à mêmes
bases, en aspirant profondément ces fumées, que l'on peut considérer comme des
aérosols, bien que ce terme ne fût pas encore en usage.
Les véritables aérosols, produits par des microdisperseurs à
grand débit, constituent un véritable perfectionnement dans la méthode des
inhalations médicamenteuses.
L'appareil étant chargé de la solution médicamenteuse
employée (plus elle est diluée, plus petites seront les particules entraînées),
l'air, qui ne barbote plus dans la solution comme dans les anciens
pulvérisateurs, arrive sous très forte pression, par un système particulier de
tubulures, au contact d'un autre tube qui plonge dans cette solution et aspire
de très fines particules.
Les grands appareils sont alimentes soit par une bouteille
de gaz (air ou oxygène) fortement comprimé, soit par un compresseur électrique
à air.
On possède des appareils portatifs, dits « nébulisateurs »,
où la pression est donnée à la main, au moyen d'une poire en caoutchouc ;
les aérosols dus à ces appareils ont les mêmes qualités que ceux provenant des
grands appareils et n'en diffèrent que par un moindre débit, aussi emploie-t-on
ordinairement des solutions un peu plus concentrées. L'air, chargé des
particules actives, sort de l'appareil sous forme de « microbrouillard »,
bien qu'il soit sec et ne mouille plus le verre.
Comme la méthode a été tout d'abord employée dans les états
de dyspnée, comme, par exemple, dans le bronchospasme que constitue l'accès
d'asthme, on s'est principalement servi de solutions d'adrénaline ou, mieux,
d'un de ses dérivés, moins choquant et dépourvu d'effets secondaires, parfois
fâcheux.
Dès le début d'une crise, cet appareil, que le malade porte
habituellement sur lui, est approché de la bouche, et la poire est comprimée au
moment de chaque inspiration. Grâce à la stabilité de la suspension, les
particules actives qui forment cet aérosol arrivent jusqu'aux bronchioles et
même jusqu'aux alvéoles pulmonaires.
L'effet est généralement immédiat, et cinq ou six
inspirations suffisent à arrêter la crise.
Par cette voie respiratoire, le médicament agit beaucoup
plus rapidement que par voie perlinguale ou par injection sous-cutanée ou
intramusculaire ; il agit aussi à dose plus faible, et son action se
trouve localisée sur l'appareil broncho-pulmonaire, sans exercer d'action
secondaire sur tout autre organe.
Quand le médicament est indiqué par un traitement de fond,
on peut avoir recours, même pendant quelques semaines, à des séries régulières
d'inhalation ; on peut aussi, dans ces cas, utiliser la voie perlinguale,
qui consiste à prendre un comprimé dans la bouche, sans l'avaler, mais en le
conservant et en le laissant lentement fondre sous la langue.
L'emploi des aérosols n'est pas resté au traitement des
crises d'asthme et à celui des solutions adrénaliniques. On a encore employé,
associés aux liquides précédents ou en séries particulières, d'autres
médicaments, des vaccins et aussi des antibiotiques comme la pénicilline, l'aspergilline
et analogues ; on a signalé de bons résultats dans des cas de trachéite,
de bronchites diverses, dans l'emphysème, dans certaines affections pulmonaires
et aussi dans la coqueluche, même chez l'enfant.
Peut-être quelques-unes de ces applications sont encore à
l'état expérimental, comme le craint mon correspondant ; il y a pourtant
déjà un certain nombre d'observations suivies de résultats favorables. En tout
cas, on peut lui affirmer qu'il y a des médicaments (qu'il appartient au
médecin traitant de prescrire) qui, sous forme d'aérosols, permettent de mettre
fin rapidement à une crise de dyspnée, si pénible chez les très âgés.
Dr A. GOTTSCHALK.
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