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La vallée du Sénégal

Aménagement hydraulique.

— De Dagana à Bakel, la région de la vallée est très peuplée et très productive. Par contre, de Dagana aux bouches du Sénégal, en raison de l'affaissement de collines et de l'invasion d'eau salée, cette région est plus abandonnée.

Les cultures vivrières ne peuvent qu'augmenter par suite de l'introduction du blé dans l'assolement du coton. Dans les terres basses, de belles rizières pourraient être aménagées. À Diorbinol, il a été obtenu 2.500 kilogrammes de paddy par hectare (variété Dissi). La vallée du Sénégal se trouvera donc exportatrice, non seulement de coton, mais également de céréales dont les régions de Dakar, Saint-Louis et Kaolack ont le plus grand besoin. Le seul Sénégal, pour sa consommation interne, importe encore (1949) 50.000 tonnes de riz d'Indochine, le plus souvent par bateaux étrangers et quelquefois même par Suez.

Dans l'élaboration d'un grand programme de mise en valeur, il convient donc surtout de considérer le débit du fleuve pendant la période de basses eaux (janvier à fin mars). À cette époque, qui correspond au maximum d'irrigation pour le blé et le coton, le débit est très faible. Les calculs ont démontré qu'au-dessus de 40.000 hectares irrigués il sera nécessaire de procéder à d'importants travaux de retenue d'eau dans le haut fleuve. C'est ainsi qu'on a envisagé le barrage du lac Magui et celui du Sénégal à la hauteur des chutes de Félon et de Gouina. En libérant périodiquement l'eau retenue, il devient possible de maintenir le débit du fleuve. Cela permet l'irrigation de 100.000 à 150.000 hectares et l'amélioration notable de la navigation dans le bief Podor-Matam.

D'autres travaux seront entrepris pour l'aménagement du port fluvial de Saint-Louis, afin de neutraliser la barre de l'estuaire pour l'arrivée des chalands du fleuve, les transports fluviaux étant de grand intérêt pour une exploitation.

De cette façon, on pourra disposer de 40.000 à 50.000 hectares supplémentaires par l'aménagement de la région du lac de Guiers et de Dior.

Il y a donc possibilité d'aménager sans travaux préalables 40.000 hectares de plaines ; de disposer de 50.000 hectares après travaux préparatoires et enfin de parvenir à 100.000 hectares par l'édification des barrages du Magui, du Félou et de Gouina.

Les 40.000 hectares se trouvent situés entre Tilleboubacar et Kaedi. Les plaines de 2.000 à 6.000 hectares se répartissent sur les deux rives du fleuve et du grand marigot du Doué. En particulier la plaine du Guédé est de 800 hectares. Celle du Démet : 6.000 ; celle de Cascas de 5.000.

Les 50.000 hectares d'un seul tenant sont situés dans la région de Richard Toll, en bordure du marigot de la Taoué et du lac de Guiers. L'aménagement de cette immense plaine implique au préalable un certain nombre de grands travaux, à savoir :

    1° Construction des barrages de Gor, de Dakar-Bango, Lebras, des marigots de Gorum, de diorage ;
    2° Édification d'une digue en bordure du Sénégal, de la fourche de Rosso à Richard Toll (18 kilomètres) ;
    3° Construction d'un barrage pont-route sur la Taourey avec vannes d'admission d'eau ;
    4° Rectification du cours de la Taourey.

Les plus importants de ces travaux sont réalisés pour d'autres fins que l'irrigation (constitutions de réservoirs d'eau douce pour Saint-Louis dans les marigots du Kessack et du Djeuss). Les Ponts et Chaussées ont construit la digue et le pont sur le Taourey. La rectification du cours de cette rivière est nécessaire pour permettre au lac de Guiers de se remplir plus rapidement au moment de la crue.

Production.

— En ce qui concerne la tranche de 100.000 hectares prévue dans l'aménagement de la vallée du Sénégal, elle comprendrait les plaines réparties tout le long du fleuve de Podor à Kakel, dont l'aménagement doit résulter de la construction d'importants barrages sur le haut fleuve.

Dans un projet de mise en valeur décennal :

Achèvement de la plaine du Guédé 800 ha.
Aménagement de la plaine de Démet 5.300 ==
    ==
de Richard Toll 50.000 ==
    ==
de Cascas 5.000 ==

Pour la discrimination des surfaces à cultiver et pour pouvoir estimer les tonnages de matières brutes à traiter, on peut prendre comme exemple les études faites sur la plaine type de Démet qui représente la tranche « A » des travaux de la vallée du Sénégal (5.300 ha.), à savoir :

Terre à coton 3.000 ha.
Terre à riz 1.500 ==
Réservé 700 ==

Prévision de production annuelle.

— Surfaces utilisées : coton : 1.000 hectares (1.500 tonnes de coton graines, 535 tonnes de coton fibre) ; mil : 1.000 hectares (1.000 tonnes graines) ; riz : 1.000 hectares (2.000 tonnes paddy). Pour « Richard Toll », les terres à coton sont plus élevées : 35.000 pour coton et 5.000 pour riz. Il faut ajouter 2.210 tonnes à huile de coton, le tourteau retournant au sol. Les balles de riz peuvent assurer le combustible pour actionner les usines et les installations de pompage.

Il y aurait donc à prévoir 5 à 6 usines d'égrenage de coton traitant 1.700 tonnes, 1 huilerie et 2 rizeries.

La station expérimentale de Diorbinol fonctionne. Les travaux sont terminés pour « Guédé », « Démet », etc. ; en cours pour « Guiers ».

La vallée doit produire du coton « longue soie ». Les éléments s'y trouvent réunis : eau, climat, M. O., et fertilité sur 600 kilomètres. Il faut remarquer que les « casiers » peuvent être traités séparément. Le système de métayage est préconisé. Les résultats d'une telle exploitation seront sans doute supérieurs à ceux de l'« Office du Niger », beaucoup plus onéreux, tout en étant plus éloigné des centres et surtout privé de la voie fluviale d'écoulement rapide.

N.B. — La culture du coton aurait déjà dû prendre un essor beaucoup plus grand dans la vallée du Sénégal, mais l'« Office du Niger » s'y était opposé en raison de sa propre production cotonnière. L'écoulement par voie d'eau ou bateaux plats serait préférable à celui effectué par la route et par voie ferrée après transbordement coûteux.

L'administration du Sénégal avait alors envisagé la monoculture : l'arachide pour le Sénégal et le coton pour le Soudan. Or les terres de Podor et de Richard Toll se prêtent très bien à la culture du coton. Du reste, le coton a été en partie abandonné dans la vallée du Niger pour faire place au riz, aliment essentiel de l'indigène.

A. GERONIMI DE SAINT-PÈRE.

Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 630