— Bien que le vin soit d'origine orientale et que son
inventeur fût Gemchid, un des plus anciens rois de la Perse, il n'est prohibé,
pour ainsi dire, à l'heure actuelle, que dans son pays natal. (Décidément, nul
n'est prophète dans son pays.) En vérité, Mahomet eut bien raison, dans le
Coran, d'interdire à ses disciples l'abus du vin, car son simple usage, sous le
climat méridional, entraîne des conséquences dont on se doute à peine dans les
pays du Nord.
Et ce que raconte en termes imagés l'auteur d'un vieux
manuscrit arabe n'est que « la vérité, toute la vérité, mais rien que la
vérité » :
« Lorsque Adam eut planté la vigne, Satan vint
l'arroser avec le sang d'un paon. Lorsqu'elle poussa des feuilles, il l'arrosa
du sang d'un singe. Lorsque les grappes parurent, il l'arrosa du sang d'un lion
et, lorsque le raisin fut mûr, il l'arrosa du sang d'un cochon. La vigne,
abreuvée du sang de ces quatre animaux, en a pris les différents caractères.
Ainsi, aux premiers verres de vin, le sang du buveur devient plus animé, sa
vivacité plus grande, ses couleurs plus vermeilles ; dans cet état, il a
l'éclat d'un paon. Les fumées de cette liqueur commencent-elles à lui monter à
la tête ? Il est gai, il saute, il gambade comme le singe. L'ivresse le
saisit-elle ? Il est un lion furieux. Est-elle à son comble ?
Semblable au quatrième animal, il tombe, se vautre, s'étend et s'endort. »
P. SALAUN.
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