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Clochers, cloches et carillons

Les vieilles cloches célèbres ne manquent pas en France. Haguenau en possède une de 1267, Châlons en sa cathédrale de Notre-Dame de Vaux remonte à 1400, le bourdon de Reims à 1570.

Au Moyen âge, à l'époque des bâtisseurs de cathédrales, les grosses cloches étaient fondues sur place, par des artisans ambulants. Malgré des moyens empiriques, sur des chantiers rudimentaires et improvisés, les réalisations furent telles que, de nos jours encore, les spécialistes actuels se penchent sur ces antiques cloches pour leur demander leur secret.

La fonte actuelle est du domaine de la technique industrielle et ce sont des ingénieurs qui réalisent les plans comme la fonte, après calculs et dessins.

Cette réalisation n'est du reste pas d'un modernisme extraordinaire, et l'on a conservé la plus stricte tradition. On commence par tracer sur une planche la forme du contour intérieur que l'on doit donner à la masse et, en la faisant tourner sur un côté, on trace sa forme. La planche ayant été découpée, on recommence l'opération sur un bloc massif d'argile grossièrement modelé. Ce raclage de surface donne alors la forme interne. On recouvre celle-ci d'une fausse cloche en plâtre, destinée à être brisée après son séchage, et l'on coule sur le tout un « contre moule » d'argile nanti d'une armature de bois et de chiffons, pour assurer sa rigidité et sa solidité.

La fausse cloche de plâtre disparue, il reste alors à couler la véritable en bronze à sa place. On doit savoir que c'est l'alliage de bronze ou d'airain que le prêtre bénit avant et non après la coulée.

La cloche fondue, on procède à des essais sonores, et, si le résultat n'est pas satisfaisant, on la brise et renvoie les fragments à la fonte.

Il existe, musicalement parlant, cinq sons de cloches harmonisés entre eux, le second servant de base, le premier étant d'un octave en dessous et les trois derniers correspondant à la tierce, la quinte et l'octave supérieur.

Les cloches sont fondues en un alliage de 78 parties de cuivre et 22 d'étain, en Occident. En Orient, ce sont des alliages extrêmement compliqués, avec des métaux rares et précieux, dont les proportions sont fixées minutieusement selon des rites- religieux.

En Europe, les cloches sont réunies dans des clochers et des beffrois selon qu'il s'agit d'édifices religieux ou civils. Ils peuvent être indépendants de la bâtisse principale. En Orient, il n'existe pas de tels monuments et les cloches sont suspendues à des chevalets ou sous les porches des temples.

Elles ne sont jamais alors que tintées ou percutées de l'extérieur.

À l'origine, la cloche était un élément civil servant à appeler surtout les esclaves pour les repas. En Occident, les cloches ne servirent aux premiers chrétiens que fort tard, et portèrent cinq noms différents : glocca, campana, noia, signum, capula. Le nom de cloche provient de « glocca », et il figure pour la première fois dans la biographie de saint Boniface, lors de son transfert mortuaire à l'abbaye de Fualda. Cependant, on trouve également le substantif de « signum » dans l'oeuvre de saint Grégoire de Tours, en 575.

Le mot « campana » a donné « campanille », et provient de la région italienne de Campanie, où étaient, au Moyen âge, les meilleurs fondeurs de cloches.

Il ne faut pas croire que la cloche a été acceptée sans heurt par l'Église, car les clercs y voyaient une survivance d'usages païens. Il faut attendre l'an 1000 et Robert 1er pour que leur usage soit définitif. Charlemagne en 789 les avait interdites.

L'origine des cloches est inconnue, mais on a des preuves archéologiques de ce qu'elles remontent aux âges les plus lointains de la préhistoire.

Les actuelles cloches ne sont rien d'autres que les descendantes de fruits desséchés, de grosses calebasses nanties d'une tigelle en forme de battant servant à la percuter pardessus. Ce n'est que bien plus tard que ce battant fut suspendu à l'intérieur et que l'on mit en branle toute la masse. La même origine donna le hochet ou le grelot, suivant que le fruit sec était rempli de grenaille ou d'un unique gravier.

Les cloches orientales ne sont pas circulaires, et en forme augmentant de diamètre en descendant. Elles sont de section ovale et constante. On en possède dans les musées, et en particulier à Londres et à Paris, remontant au second millénaire avant Jésus-Christ.

Dans l'Église primitive, le soin des cloches était confié à un clerc, nanti d'un ordre mineur, le « portier ». Aujourd'hui, même le carillonneur semble un anachronisme, au moins dans les villes, car on a électrifié les cloches et même rendu les sonneries automatiques.

Au-dessus d'un groupe de quatre cloches, on parle de « carillon » et le mot vient du vieux français « quadrillonner », qui, à lui tout seul, suffit à son explication.

Ces carillons sont beaucoup plus récents que les clochers, car ils ne paraissent que dans les bas-reliefs de Chartres datant du IXe siècle. Mais les cloches de cette époque n'étaient jouées qu'au marteau.

Ce n'est qu'au milieu du XIIIe siècle, en Castille, que l'on trouve des assemblages rationnels et musicaux.

Depuis une cinquantaine d'années, on assiste à un renouveau des carillons, grâce à la mécanique et à l'électrification évitant fatigue et peine.

Le plus grand carillon est possédé par le Palais royal de Lisbonne, en même temps qu'un second du même Palais possède les cloches les plus célèbres dues aux fondeurs Hémony, les Stradivarius de l'airain sonore.

Blois et Châtellerault possèdent des carillons imposants, avec une cinquantaine d'éléments. Cependant, dans ce renouveau actuel des cloches, la France reste franchement en retard, car, en vingt-cinq ans, on a mis en place près de 300 carillons modernes dans le monde, dont 70 en Hollande, 60 en Belgique, 50 aux U. S. A. et une vingtaine en Allemagne. Cette dernière possède aussi un carillon unique au monde, dont les cloches sont en porcelaine de Saxe.

En s'inspirant des gongs orientaux, on a tenté de substituer aux cloches des éléments plus légers, mais les sons obtenus sont beaucoup moins fins.

Dans les orchestres où des jeux de carillons sont prévus aux partitions, on leur substitue des tuyaux de bronze de 1 à 3 mètres de long que l'on frappe au martelet métallique. C'est aussi la même solution, mais en beaucoup plus petit, que l'on adopte pour les carillons automatiques des pendules modernes qui rappellent Wesminster.

Comme musique, les menuets « sonnent » particulièrement bien, de même que les airs folkloriques et les opérettes. La musique sacrée utilise beaucoup les cloches et, grâce aux fabricants de disques, les amis des cloches ne cessent de devenir plus nombreux.

Janine CACCIAGUERRA.

Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 633