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La mouche au flotteur lesté

Toutes les cannes à lancer léger et extra-léger en bambou refendu sont excellentes pour la pêche au flotteur lesté (1), si elles ne sont pas trop rigides. Elles doivent être souples et puissantes. Mais on peut suppléer à ces armes de luxe par des scions de bambou, noir de préférence, judicieusement choisis, séchés, dressés et bricolés, comme bien des pêcheurs savent le faire, à frais insignifiants.

On fera un très bon anneau de tête avec une grosse perle en verre ou en porcelaine sertie par un fil de laiton. L'anneau de départ sera fait en gros fil d'aluminium ou de cuivre facile à travailler, à changer après usure produite par le frottement du crin. Les autres anneaux pourront être en acier doux (tringles de vieilles enveloppes, par exemple). La poignée sera faite de bouchons de liège percés et collés (colle forte plus quelques gouttes d'essence de térébenthine). Les colliers servant à fixer le moulinet seront obtenus en coupant en deux une boîte pharmaceutique en aluminium de longueur et de diamètre convenables. On se servira de ces colliers pour donner le diamètre définitif à la poignée avant de coller le dernier bouchon, qui sera arrondi et empêchera le collier de s'échapper.

La canne, de 1m,80 à 2 mètres environ, sera munie d'un anneau de départ, d'un anneau de tête et de trois anneaux serpentiformes intermédiaires. Théoriquement, la ligne des centres de ces anneaux doit être en ligne droite et passer par le centre du tambour du moulinet et le centre de l'anneau de tête. En outre, toujours théoriquement, les diamètres de ces anneaux devraient aller en diminuant du moulinet jusqu'à l'anneau de tête. On peut calculer le diamètre respectif de tous les anneaux en partant de leurs distances au moulinet et du diamètre du tambour. On trouvera de même la longueur de leur surélévation (voir fig. 1). Pratiquement, il suffit d'un anneau de départ de 3 à 4 centimètres de diamètre, surélevé de quelques centimètres, et de trois anneaux serpentiformes dont le diamètre diminue en se rapprochant de l'anneau de tête.

Si l'on veut respecter la théorie sans calcul, il suffira, pour connaître surélévations et diamètres, de monter le moulinet à sa place sur la canne, de poser le tout sur un parquet, de tracer les lignes ac-bc et de mesurer ensuite les inconnues cd-ef, etc. ... On obtiendra alors des mesures telles que la canne répondant à ces mesures serait encombrante et pas très élégante. Il est préférable de s'éloigner un peu de la théorie en diminuant ces dimensions et en modifiant quelque peu la place des anneaux. L'usure des anneaux en sera un peu plus rapide, ce qui est sans grande importance, surtout si on les bricole soi-même.

Un gros avantage de faire soi-même ces cannes (en dehors du plaisir que l'on y trouve, de la satisfaction éprouvée quand l'objet est fini, de l'économie réalisée qui permet d'acheter un meilleur moulinet), c'est que l'on peut faire, étant donné leur bon marché, des cannes de plusieurs puissances adaptées, par exemple, au lancer extra-léger seul ou, au contraire, à un lancer déjà lourd quand il s'agit de pêcher très loin. Nous trouverons un avantage analogue avec le flotteur.

Pour en finir avec la canne, sur laquelle il y aurait encore à dire, nous parlerons de sa longueur. Elle peut être très courte, elle peut être longue. Cela dépend de la rivière, de ses bords plus ou moins abordables, encombrés, encaissés. Si l'on peut pêcher en « wading », à une certaine distance du bord, la longueur n'intéresse que la précision du lancer (la précision du lancer est, en partie, fonction de la longueur de la canne) et la longueur du bas de ligne. La canne doit préférablement être légèrement plus longue que le bas de ligne. Le bas de ligne pouvant être de différentes longueurs, le choix de la longueur de la canne ne peut donc être fixé que par le pêcheur lui-même d'après ces divers éléments. À mon goût personnel, je préfère la canne plutôt longue, 2 mètres à 2m,20, à deux brins, qui répond généralement à tous les besoins, surtout quand on ne peut en avoir qu'une.

Lorsqu'on fabrique une canne à deux brins, il se pose la question de la virole. Employer les viroles dites « à la parisienne » ou choisir un scion assez long qui permette, en le coupant et en en supprimant une partie, de faire rentrer le scion dans le brin ; c'est affaire de coup d'œil et de tâtonnement. Le bambou a, en coupe, une forme caractéristique, celle du fer à cheval. Le pêcheur profitera de cette particularité pour, dans l'assemblage, faire coïncider les deux parties droites et les deux parties courbes, ce qui empêchera le scion de tourner. Dans ce cas, une bonne ligature en fil tanné, collé et verni, donnera à la canne solidité, souplesse et légèreté.

P. CARRÈRE.

(1) Voir Le Chasseur Français d'octobre 1950.

Le Chasseur Français N°645 Novembre 1950 Page 661