Je crois utile de donner encore quelques détails sur cette
pêche, qui est celle que pratiqueront la plupart des débutants sur les côtes
sableuses.
Revenons sur les appâts.
L'arénicole est un appât universel qui nécessite des
hameçons assez forts. On l'enfilera par la tête et on le poussera jusqu'au
début de l'avançon ; il faut bien se garder de le piquer par le côté sous
peine de le voir se vider.
Quant à la seiche, il faut la découper en lanières pour les
gros voraces, et notamment le maigre, la verrue et les petits squales. La
meilleure partie est constituée par la tête, les tentacules et le tube
digestif, que l'on arrache d'un coup en vidant la seiche. Ensuite, la seiche
est ouverte transversalement et étalée. On sort soigneusement la peau et
découpe au couteau, dans le fouillis ainsi obtenu, de fines lanières en forme
de triangle allongé de 1cm,5 à la base et long de 8 centimètres. Le
morceau est enfilé sur l'hameçon et passé deux ou trois fois au travers (voir
figure ci-contre). Si l'on recherche de très gros poissons, on ajoute
derrière l'ardillon, qui les retiendra, deux morceaux plus petits. L'hameçon
est évidemment plus gros en ce cas. J'ai déjà dit que les morceaux de seiche
peuvent être mis à saler et garder leur efficacité trois ou quatre jours plus
tard.
La palourde (coque) et le lavagnon (donax) peuvent se
maintenir vivants dans un sac humide pendant deux ou trois jours. Ils tiennent
bien à l'hameçon. Il convient de les accrocher par la partie solide du « manteau »,
en évitant les parties noires du tube digestif.
Les meilleures heures sont situées entre les premières
heures du montant, la marée haute et les deux premières heures du descendant.
Il y a évidemment des exceptions, tels les poissons plats (turbot surtout), qui
préfèrent la marée basse.
Sur les côtes sableuses, on aura toujours intérêt à
s'installer dans les « trous », c'est-à-dire dans les endroits à
pente plus forte entourés de deux bancs de sable et où le plomb pourra être
lancé, dès les premières heures du montant, à 30 ou 40 mètres. La ligne une
fois lancée, on piquera verticalement le bambou dans le sable et l'on moulinera
jusqu'à ce qu'elle soit bien tendue. Il convient toutefois d'éviter les trous
fermés, c'est-à-dire ceux qui comportent au large un banc de sable qui le ferme
complètement et empêche, même à marée haute, les gros poissons de passer.
Le grelot est un accessoire indispensable si l'on pêche à
plus d'une ligne ; on le fixe à la partie haute de la canne au moyen d'une
petite tige ; mais il est encore plus indispensable pendant la pêche de
nuit.
Outre les heures de la marée, il y a des époques plus
particulièrement fructueuses ; sur les côtes de la Manche, cette époque
s'étend de juin à octobre ; sur les côtes de l'Atlantique, et notamment
dans le Sud-Ouest, on peut capturer l'hiver quelques bars, mais c'est surtout
de la fin mai jusqu'au 15 juillet que la pêche au maigre et à la verrue
permet de belles captures. Les pêches de 15, 20 ou 30 livres de poissons ne
sont point rares à ces époques. Le poisson arrive généralement par bancs, et
dans une séance de pêche de quatre à cinq heures, c'est le plus souvent en une
demi-heure que la pêche est réalisée. C'est surtout aux marées de grande
amplitude, qui ont lieu deux ou trois jours après la nouvelle ou la pleine
lune, que se font les bonnes pêches ; il faut que ces marées coïncident
avec une mer un peu agitée, une eau peu claire ; les mers trop fortes ne
valent rien, sauf pour la capture du bar et des petits bars mouchetés dits picats ;
quant aux mers trop belles, tout au plus permettent-elles la capture de
quelques poissons plats.
J'oubliais un accessoire indispensable dans la pêche
nocturne : c'est la lampe électrique, dont le pêcheur n'oubliera pas de se
munir pour remplacer ses esches ou démêler ses lignes.
Évidemment, je ne conseillerai pas au débutant de commencer
par la pêche de nuit, car les perruques et l'inconfort, même pendant la belle
saison, le dégoûteraient vite de ce nouveau sport. Qu'il commence donc de faire
son apprentissage de jour avec une ligne ou deux au maximum, et qu'il se place
à côté d'un pêcheur expérimenté ; il s'apercevra vite des remèdes à
apporter aux premières erreurs inévitables ; il verra qu'il y a intérêt à
munir son bas de ligne d'avançons en nylon assez gros, relativement raides et
courts (12 à 15cm.), afin d'éviter qu'ils ne se mêlent au bas de ligne. Il se
rendra compte qu'il ne faut pas placer son premier avançon trop près du plomb
et le dernier trop près de l'émerillon. Il se rendra également compte qu'il a
intérêt à profiter du moment où se retire la vague pour gagner quelques mètres
au lancer et à se retirer ensuite le plus tôt possible pour éviter la douche.
Il apprendra à sortir proprement un poisson de jolie taille sans s'affoler, la
canne haute, et en attendant la vague propice qui le laissera sur le sec.
Quelques ratés lui feront constater qu'il y a intérêt à tenir ce fil
constamment tendu pendant le moulinage.
Le débutant apprendra aussi à ses dépens à ne pas toucher
avant de les avoir assommés les quelques poissons dangereux qui peuvent mordre
à ses appâts, c'est-à-dire :
— les petits squales (émissoles, chiens de mer), dont
les dents sont aiguës ;
— le mylobate, cette grosse raie appelée terre ou
pastenague, ou bastampe, munie d'un stylet à venin dont la piqûre douloureuse
fera sentir son effet plusieurs heures et même un ou deux jours en forçant
souvent le pêcheur à s'aliter ;
— la petite vive, ou vive vipère dont la nageoire
dorsale, noire, vite hérissée de quelques épines aiguës, lui injectera un venin
brûlant qui cuira pendant 2 ou 3 heures.
On s'explique facilement l'engouement des pêcheurs pour ce
sport ; il est rare, en effet, d'être bredouille ; on a assez souvent
de belles émotions, dues aux squales qui cassent fréquemment, et, de toute
façon, on a passé d'agréables moments, étendu par un beau soleil sur la plage.
Un de mes amis a eu une de ces belles émotions causée par un ange de mer de 30
livres, qu'il a pu vaincre, à Hossegor, après trois quarts d'heure d'efforts,
l'an dernier.
Cette année, sur les côtes du Sud-Ouest, certains ont réussi
de belles captures ; il est vrai qu'il fallait rester des nuits entières
et être placé dans de bons trous. Pour le pêcheur moyen, les résultats les plus
favorables ont eu lieu début juin. Les maigres et verrues étaient plutôt petits
cette année. Les bars mouchetés, qui étaient très nombreux sur la côte cet été,
m'ont sauvé à plusieurs reprises de la bredouille. Je dois dire que, voyant que
la pêche au gros ne donnait pas, j'avais changé mes hameçons et j'avais renoncé
à pêcher avec de la seiche, que j'avais remplacée par des lavagnons. Il
convient de signaler que, cette année, les lavagnons ont été assez durs à faire
et que les vers roses (ophélia), si nombreux l'année précédente, étaient
complètement absents.
À noter, en juin, la capture de belles dorades de 2 à 3
livres.
Un mot sur la pêche d'hiver. Elle est souvent fructueuse,
grâce à la présence des turbots, des bars et des bars mouchetés. On ne peut
guère pêcher que par beau temps et en se contentant de séances de deux ou trois
heures.
LARTIGUE.
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