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Le scoutisme et l'écoute de la nature

Les clans naturalistes

Parmi ses techniques, le scoutisme propose aux jeunes l'étude de la nature, en vue de les ouvrir à cette « amitié à l'égard des animaux et des plantes » inscrite dans la loi de l'Éclaireur. Il cherche en même temps à développer chez eux un goût du risque et un esprit d'observation qui ont mené quelques-uns jusqu'aux recherches les plus aventureuses et aux découvertes les plus scientifiques. Citons, par exemple, les études de Paul-Émile Victor au pôle Nord, celles d'Henri Lhote au Sahara, celles de Pierre Fourré en Afrique équatoriale, les expéditions souterraines de Robert Barone et de son clan de spéléologie. Mais nous ne voulons pas parler aujourd'hui de ces spécialistes, dont l'activité dépasse maintenant le cadre du scoutisme. Nous voudrions évoquer seulement l'activité de ces simples « groupes d'études de la nature » proposés aux aînés et aux chefs, garçons et filles.

De ces groupes, il en existe principalement deux : le « Clan naturaliste », le premier en date, ayant une quinzaine d'années d'existence, clan fédéral groupant des membres des six associations du Scoutisme français, et la « Tribu de la Houlotte », créée pendant la guerre par les scouts de France, mais également ouverte à tous et mixte. Leurs activités sont très voisines dans leur forme et dans leur esprit. Nous parlerons plutôt du « Clan naturaliste », parce que nous le connaissons mieux dans le détail et que nous risquerions de nous répéter sans cesse, ou d'établir un parallèle monotone, en voulant traiter des deux à la fois.

Ses instructeurs se recrutent d'abord parmi les dirigeants du clan (un ingénieur des Eaux et Forêts, par exemple), ou parmi les membres les plus chevronnés ayant enfourché un « dada » et le poussant chaque année un peu plus loin. D'anciens scouts, établis dans la vie et possédant un « violon d'Ingres » naturaliste, acceptent d'enseigner leurs jeunes camarades : tel ce médecin de banlieue connaissant parfaitement les mœurs de la plupart des oiseaux de la région parisienne. Enfin le chef du clan fait aussi appel aux professeurs d'histoire naturelle qui sympathisent avec le clan.

Le rythme des réunions est, par mois, de deux cours théoriques, d'une sortie et d'une séance de travail pratique sur cette sortie. Des camps sont organisés aux vacances, ayant chacun un but précis. Le programme d'une année, suivant les possibilités offertes par la nature en chaque saison, tente de donner une « culture générale » au débutant, les plus « calés » trouvant toujours l'occasion de satisfaire leur passion personnelle. Ainsi, d'octobre à juillet, les apprentis naturalistes pénètrent dans le domaine des champignons, des mammifères de nos forêts, de la géologie, des arbres à feuilles caduques et des conifères, des insectes et des batraciens, des oiseaux, de la flore terrestre et aquatique, des serpents, des étoiles, etc.

Les méthodes scoutes s'adaptent très bien à ce genre de recherches. Le travail pratique s'y fait en équipes, mobiles suivant les centres d'intérêts. Des étapes sont établies. Pour être admis définitivement au clan, il faut présenter un carnet de notes intelligemment prises et complétées par des dessins et des documents, des comptes rendus témoignant de l'assiduité et du travail réellement accompli aux sorties ; réunir, suivant les saisons, une collection de fossiles, d'insectes, de plantes, de plumes d'oiseaux, etc. ... Pour obtenir l'insigne du clan, il faut présenter un travail général plus poussé, une étude particulière sur un sujet choisi par chacun, et surtout avoir prouvé des qualités pédagogiques.

En effet, le but de toute formation scoute est le « service », et le clan naturaliste n'y a pas failli. Ses instructeurs sont très prisés par les groupes d'éclaireurs, et souvent demandés pour une causerie ou une sortie d'étude de la nature. De plus, le clan travaille avec le Muséum d'Histoire naturelle du Jardin des Plantes et lui fournit nombre de matériaux utiles à ses laboratoires. Ses membres gardent ainsi le joyeux souvenir des pêches annuelles de tritons dans les mares des environs de Paris, et de la chaude et amicale émulation qui régnait entre eux pour la découverte du triton à crête ou marbré, spécimens à peu près uniques parmi les centaines de tritons communs ou palmés vivant dans chaque mare.

L'endurance physique et sa qualité corollaire, la bonne humeur, sont deux trames du clan naturaliste. Elles s'affirment le mieux dans ces sorties d'hiver où, pas toujours équipé pour la neige, l'on suit les traces des petits et gros mammifères à travers les fourrés blancs ; dans l'étude de la géologie du Bassin parisien, qui mène parfois à la chute verticale d'une falaise de gypse saccharoïde ; dans ces longues marches dans la brume ouatée d'une forêt pour comprendre le système d'exploitation des différentes parcelles ; dans l'insolation du printemps pendant la recherche patiente des fleurs si brèves ...

Par la découverte ainsi offerte à lui, chacun puise sa part de poésie au cœur du monde mystérieux et, dans l'harmonie de son propre développement et du rythme naturel, peut passer mieux aux autres le sourire de la joie scoute.

F. JOUBREL.

Le Chasseur Français N°645 Novembre 1950 Page 672