Parmi les nombreux lecteurs qui m'ont écrit au cours de
l'été, l'un d'eux m'a posé la question suivante : « J'ai envie de
faire du camping, mais ma femme a peur des « bêtes » ; y a-t-il
vraiment un danger pouvant provenir d'animaux sauvages (sic) » ?
La question est intéressante en elle-même, car nombre de futures campeuses sont
un peu inquiètes à ce sujet.
Rassurez-vous, ce danger n'existe pratiquement pas en
France.
Il n'y a vraiment, pour le campeur, qu'un seul animal
dangereux, c'est la vipère. Les autres sont seulement désagréables ou ennuyeux.
Mon ami Guérin, de la Faculté de pharmacie de Paris, ne m'en
voudra pas si j'emprunte, à votre intention, quelques notes au très beau
chapitre qu'il a consacré à la question dans le Manuel de camping de la
Commission technique du Camping Club de France (1).
Les reptiles. — On rencontre en France un
certain nombre de reptiles. Tout d'abord les lézards, bien connus de tous. Dans
le même ordre des sauriens, citons l'orvet, lézard dépourvu de pattes, ce qui
le fait souvent confondre avec un serpent. L'orvet n'est aucunement dangereux
et presque apprivoisable ; on l'a surnommé serpent de verre, car son corps
se casse avec une grande facilité.
Parmi les autres reptiles, citons les serpents. En France,
on ne trouve guère que des couleuvres ou des vipères. Ainsi que chacun le sait,
les vipères seules sont dangereuses. Car, si la couleuvre contient en elle du
venin comme la vipère, elle n'a pas de crochet venimeux, donc ne peut
inoculer son venin. Il n'en est pas de même de la vipère, qui peut l'inoculer
par un crochet situé sous le maxillaire supérieur.
Il existe en France deux sortes de vipères, la vipère aspic
et la péliade.
Comment reconnaître une vipère d'une couleuvre ? En
premier lieu, la vipère est plus courte que la couleuvre (environ 0m,70
contre lm,20 à 1m,50). La tête de la vipère est
triangulaire, celle de la couleuvre est ovale. Sur la tête, les couleuvres
indigènes portent neuf plaques céphaliques ; l'aspic n'en a pas, la
péliade n'en possède que trois. La pupille de la couleuvre est ronde, celle de
la vipère verticale. Enfin, le corps de la couleuvre se termine par une queue
régulièrement décroissante en épaisseur. Le corps de la vipère, assez gros par
rapport à la taille, se termine brusquement par une queue fine.
Mais, me direz-vous, c'est très bien de savoir reconnaître
une vipère d'une couleuvre, mais j'aimerais mieux ne rien rencontrer du tout.
Rassurez-vous. Depuis plus de vingt ans que je campe, malgré des centaines de
camps en forêt de Fontainebleau, réputée par ses vipères, je n'en ai rencontré
que sept à huit fois. Et encore jamais au camp, mais en me promenant dans les
rochers.
Il faut, certes, faire attention où l'on met ses pieds (ou
ses mains) et empêcher, en cas de camping avec de jeunes enfants, que les
gosses aillent gambader dans les bruyères ou les éboulis. On m'a dit que, si
l'on est obligé de camper dans un lieu où les vipères sont fréquentes, le fait
de poser par terre tout autour de la tente une simple corde (genre corde de
rappel) suffisait, et que jamais un serpent ne passait dessus. Je n'ai pas
expérimenté ce truc. Le mieux, surtout pour un chef de famille, est d'avoir une
trousse à vaccin.
Mais, en cas de morsure, ne pas s'affoler. Serrer
immédiatement le membre mordu entre la morsure et le cœur. Laver la blessure.
Et sucer la plaie pour enlever le venin (ne pas avoir d'écorchure à la bouche
pour le faire, le venin n'est toxique que mélangé au sang) ou bien laver la
plaie à l'eau de Javel étendue ... et gagner immédiatement la ville la
plus proche. L'injection du vaccin faite quatre heures après la morsure suffit
dans les cas les plus graves.
Je me suis un peu étendu sur les vipères, car c'est vraiment
le seul animal dangereux.
Certains poissons toutefois, possèdent des glandes à
venin : la perche, par exemple, et, chez les poissons de mer, le diable,
la rascasse et les vives. La piqûre des arêtes dorsales de ces dernières peuvent
causer des maladies et des engourdissements souvent assez forts (traiter la
piqûre avec un antiseptique).
Les insectes sont, à mon avis, les vrais ennemis du
campeur. Mais, si leur piqûre est parfois douloureuse, elle n'est que bien
rarement dangereuse. Il me suffira de citer les abeilles, les bourdons, les
frelons, les fourmis et les mouches, les taons et les moustiques. Contre les
moustiques, les onguents ou liquides à base d'essence de citronnelle ont des
effets préventifs que j'ai souvent expérimentés. Notons en passant que le
moustique est peut-être le seul animal qui attaque sans cesse l'homme sans
avoir été provoqué ou dérangé. Heureusement, les moustiques de France
n'inoculent pas la malaria.
Chez les arachnides, se trouvent les scorpions et les
araignées. Les scorpions français ne sont pas dangereux. Seul le scorpion
languedocien peut provoquer, chez les enfants, des accidents sérieux (même
traitement que pour la morsure de vipère). Quant aux araignées, qui sont la
terreur de beaucoup de dames, elles ne sont pas à craindre en France. Dans la
même classe se trouve le trombidion soyeux, dont la larve est bien connue.
C'est le rouget, ou aoûtat, bien désagréable, mais sans aucun danger.
Reste toute une série de petites bêtes détestées des
néophytes campeuses : souris, mulots, campagnols, musaraignes, rats des
champs, etc., etc. ...
N'ayez pas peur, mesdames ... Il est certain que ces
petits rongeurs n'hésitent pas, la nuit, à venir autour des tentes pour
se régaler des restes du repas, des reliefs de votre festin. Suspendez donc les
provisions, laissez dehors de la vaisselle propre et éloignez les ordures de la
tente. Ou, comme le faisait mon vieil ami Vibert, faites la part du feu ...
et laissez-leur à quelque distance de la tente de quoi manger ; ils ne
viendront plus chercher près de la tente des miettes de votre dîner.
Sachez que les animaux les plus embêtants pour les campeurs
sont encore les animaux domestiques : vaches et bœufs, qui adorent
venir près des tentes et ne détestent pas les tissus, et surtout les chiens et
les chats, même si ce sont ceux de nos voisins campeurs. Ils ont une habileté
machiavélique à venir croquer en un instant vos provisions du lendemain (j'en
sais quelque chose).
Et n'oubliez pas qu'à part les insectes la plupart des
animaux ont beaucoup plus peur de la grosse bête que nous sommes à leurs yeux,
que nous pouvons avoir peur d'elles.
Jacques-J. BOUSQUET,
Président du Camping-Club de France.
(1) Manuel de camping, éditions J. Susse.
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