Accueil  > Années 1950  > N°645 Novembre 1950  > Page 671 Tous droits réservés

Camping

Les animaux indésirables pour le campeur

Parmi les nombreux lecteurs qui m'ont écrit au cours de l'été, l'un d'eux m'a posé la question suivante : « J'ai envie de faire du camping, mais ma femme a peur des « bêtes » ; y a-t-il vraiment un danger pouvant provenir d'animaux sauvages (sic) » ? La question est intéressante en elle-même, car nombre de futures campeuses sont un peu inquiètes à ce sujet.

Rassurez-vous, ce danger n'existe pratiquement pas en France.

Il n'y a vraiment, pour le campeur, qu'un seul animal dangereux, c'est la vipère. Les autres sont seulement désagréables ou ennuyeux.

Mon ami Guérin, de la Faculté de pharmacie de Paris, ne m'en voudra pas si j'emprunte, à votre intention, quelques notes au très beau chapitre qu'il a consacré à la question dans le Manuel de camping de la Commission technique du Camping Club de France (1).

Les reptiles. — On rencontre en France un certain nombre de reptiles. Tout d'abord les lézards, bien connus de tous. Dans le même ordre des sauriens, citons l'orvet, lézard dépourvu de pattes, ce qui le fait souvent confondre avec un serpent. L'orvet n'est aucunement dangereux et presque apprivoisable ; on l'a surnommé serpent de verre, car son corps se casse avec une grande facilité.

Parmi les autres reptiles, citons les serpents. En France, on ne trouve guère que des couleuvres ou des vipères. Ainsi que chacun le sait, les vipères seules sont dangereuses. Car, si la couleuvre contient en elle du venin comme la vipère, elle n'a pas de crochet venimeux, donc ne peut inoculer son venin. Il n'en est pas de même de la vipère, qui peut l'inoculer par un crochet situé sous le maxillaire supérieur.

Il existe en France deux sortes de vipères, la vipère aspic et la péliade.

Comment reconnaître une vipère d'une couleuvre ? En premier lieu, la vipère est plus courte que la couleuvre (environ 0m,70 contre lm,20 à 1m,50). La tête de la vipère est triangulaire, celle de la couleuvre est ovale. Sur la tête, les couleuvres indigènes portent neuf plaques céphaliques ; l'aspic n'en a pas, la péliade n'en possède que trois. La pupille de la couleuvre est ronde, celle de la vipère verticale. Enfin, le corps de la couleuvre se termine par une queue régulièrement décroissante en épaisseur. Le corps de la vipère, assez gros par rapport à la taille, se termine brusquement par une queue fine.

Mais, me direz-vous, c'est très bien de savoir reconnaître une vipère d'une couleuvre, mais j'aimerais mieux ne rien rencontrer du tout. Rassurez-vous. Depuis plus de vingt ans que je campe, malgré des centaines de camps en forêt de Fontainebleau, réputée par ses vipères, je n'en ai rencontré que sept à huit fois. Et encore jamais au camp, mais en me promenant dans les rochers.

Il faut, certes, faire attention où l'on met ses pieds (ou ses mains) et empêcher, en cas de camping avec de jeunes enfants, que les gosses aillent gambader dans les bruyères ou les éboulis. On m'a dit que, si l'on est obligé de camper dans un lieu où les vipères sont fréquentes, le fait de poser par terre tout autour de la tente une simple corde (genre corde de rappel) suffisait, et que jamais un serpent ne passait dessus. Je n'ai pas expérimenté ce truc. Le mieux, surtout pour un chef de famille, est d'avoir une trousse à vaccin.

Mais, en cas de morsure, ne pas s'affoler. Serrer immédiatement le membre mordu entre la morsure et le cœur. Laver la blessure. Et sucer la plaie pour enlever le venin (ne pas avoir d'écorchure à la bouche pour le faire, le venin n'est toxique que mélangé au sang) ou bien laver la plaie à l'eau de Javel étendue ... et gagner immédiatement la ville la plus proche. L'injection du vaccin faite quatre heures après la morsure suffit dans les cas les plus graves.

Je me suis un peu étendu sur les vipères, car c'est vraiment le seul animal dangereux.

Certains poissons toutefois, possèdent des glandes à venin : la perche, par exemple, et, chez les poissons de mer, le diable, la rascasse et les vives. La piqûre des arêtes dorsales de ces dernières peuvent causer des maladies et des engourdissements souvent assez forts (traiter la piqûre avec un antiseptique).

Les insectes sont, à mon avis, les vrais ennemis du campeur. Mais, si leur piqûre est parfois douloureuse, elle n'est que bien rarement dangereuse. Il me suffira de citer les abeilles, les bourdons, les frelons, les fourmis et les mouches, les taons et les moustiques. Contre les moustiques, les onguents ou liquides à base d'essence de citronnelle ont des effets préventifs que j'ai souvent expérimentés. Notons en passant que le moustique est peut-être le seul animal qui attaque sans cesse l'homme sans avoir été provoqué ou dérangé. Heureusement, les moustiques de France n'inoculent pas la malaria.

Chez les arachnides, se trouvent les scorpions et les araignées. Les scorpions français ne sont pas dangereux. Seul le scorpion languedocien peut provoquer, chez les enfants, des accidents sérieux (même traitement que pour la morsure de vipère). Quant aux araignées, qui sont la terreur de beaucoup de dames, elles ne sont pas à craindre en France. Dans la même classe se trouve le trombidion soyeux, dont la larve est bien connue. C'est le rouget, ou aoûtat, bien désagréable, mais sans aucun danger.

Reste toute une série de petites bêtes détestées des néophytes campeuses : souris, mulots, campagnols, musaraignes, rats des champs, etc., etc. ...

N'ayez pas peur, mesdames ... Il est certain que ces petits rongeurs n'hésitent pas, la nuit, à venir autour des tentes pour se régaler des restes du repas, des reliefs de votre festin. Suspendez donc les provisions, laissez dehors de la vaisselle propre et éloignez les ordures de la tente. Ou, comme le faisait mon vieil ami Vibert, faites la part du feu ... et laissez-leur à quelque distance de la tente de quoi manger ; ils ne viendront plus chercher près de la tente des miettes de votre dîner.

Sachez que les animaux les plus embêtants pour les campeurs sont encore les animaux domestiques : vaches et bœufs, qui adorent venir près des tentes et ne détestent pas les tissus, et surtout les chiens et les chats, même si ce sont ceux de nos voisins campeurs. Ils ont une habileté machiavélique à venir croquer en un instant vos provisions du lendemain (j'en sais quelque chose).

Et n'oubliez pas qu'à part les insectes la plupart des animaux ont beaucoup plus peur de la grosse bête que nous sommes à leurs yeux, que nous pouvons avoir peur d'elles.

Jacques-J. BOUSQUET,

Président du Camping-Club de France.

(1) Manuel de camping, éditions J. Susse.

Le Chasseur Français N°645 Novembre 1950 Page 671