Tous les agronomes s'accordent pour reconnaître la nécessité
de maintenir dans le sol une proportion convenable d'humus si l'on veut
continuer à faire des récoltes satisfaisantes.
Les cultures arboricoles n'échappent pas à la règle commune,
et l'arboriculteur avisé doit se préoccuper, avant tout, de maintenir et, si
possible, d'accroître le stock d'humus contenu dans son sol.
On sait que, par leur décomposition, les matières organiques
fournissent de l'humus. Celles-ci peuvent avoir des origines différentes. L'une
des plus utilisées est encore le fumier de ferme, malheureusement
devenu, par suite de la motorisation qui s'étend à l'agriculture, rare et, de
ce fait, coûteux.
À défaut de fumier, on peut avoir recours à tous les déchets
ou débris organiques d'origine animale ou végétale. Leur valeur au point de vue
fertilisation est très variable ; les uns se décomposent rapidement, les
autres lentement.
Tous ont cependant le grave inconvénient de nécessiter des
frais de transport à pied d'oeuvre et d'épandage que l'arboriculteur ne peut
manquer de considérer comme un élément du prix de revient des produits qu'il
importe de comprimer au maximum.
Aussi a-t-on pensé, depuis longtemps déjà, à utiliser comme
source d'humus les engrais verts. À côté d'avantages incontestables, ces
derniers ont, comme toute chose, des inconvénients : le prix des semences
d'abord, fort élevé, surtout lorsqu'il s'agit de légumineuses ; la
concurrence que peuvent, au cours de leur végétation, faire les plantes aux
arbres en ce qui concerne l'eau et les substances fertilisantes contenues dans
le sol ; enfin la nécessité de posséder un outillage approprié pour permettre
l'enfouissement de l'engrais vert sans avoir recours à la charrue.
Ces inconvénients, reconnus par les premiers utilisateurs des
engrais verts, peuvent être très atténués :
a. Par un choix convenable de l'espèce cultivée ou
des espèces en mélange ;
b. Par un enfouissement effectué avant que la plante
ne nuise à l'arbre en prenant l'eau nécessaire à ce dernier, ou bien par l'irrigation
du verger ;
c. Par l'apport d'engrais chimiques susceptibles de
déterminer une croissance rapide de l'engrais vert ;
d. Par l'emploi d'un outillage approprié pour
l'enfouissement, et notamment des pulvériseurs à disques.
Choix de l'espèce.
— Il doit être déterminé en tenant compte des essences
fruitières en culture, des variétés, de l'époque des récoltes. La moutarde,
semée en fin d'été et enferrée au début de l'hiver, le trèfle incarnat, semé en
août et enfoui en avril, le mélange seigle-vesce d'hiver, semé en septembre et
enterré au début du printemps, conviennent plus ou moins bien suivant les
circonstances. Il semble cependant que le mélange seigle-vesce réunisse le plus
de suffrages à l'heure actuelle.
Maintien de l'humidité.
— La végétation de la plante devant fournir l'engrais
vert demande de l'eau, qui ne doit pas être enlevée au sol au moment où l'arbre
en a lui-même besoin. La transformation de la matière organique en humus après
l'enfouissement nécessite aussi de l'humidité. Dans tous les endroits où les
précipitations atmosphériques constituent la seule source d'humidité, il ne
faut donc pas attendre que les réserves d'eau du sol accumulées pendant l'hiver
se soient trop amenuisées pour enfouir l'engrais vert.
Cette considération a moins d'importance dans les vergers
irrigués ou arrosés, soit par des moyens individuels (Roussillon, Provence,
Limagne, basse vallée de l'Eyrieux), soit par des collectivités, syndicats ou
coopératives, encore malheureusement rares chez nous.
Croissance de l'engrais vert.
— L'engrais vert doit, pour remplir son rôle, être
assez développé pour apporter au sol, au moment de l'enfouissement, une masse
importante de matière organique. Or il est nécessaire de ne pas perdre de vue
que l'engrais vert ne peut se développer que s'il trouve dans la terre les
éléments fertilisants indispensables à sa croissance rapide. En apportant des
engrais chimiques à la plante qui doit fournir l'engrais vert, on les fournit à
l'humus, et donc aux arbres, sous la meilleure forme possible.
Le grand développement de l'engrais vert ne va d'ailleurs
pas sans présenter quelques inconvénients, et notamment celui de maintenir une
atmosphère humide susceptible de favoriser le développement des maladies
cryptogamiques. Aussi faut-il songer à augmenter l'aération dans le verger et,
pour cela, adopter des distances de plantation plus grandes que celles d'usage
courant jusqu'ici, lorsque l'on a l'intention de recourir aux engrais verts.
Mode d'enfouissement.
— La charrue, en retournant la couche superficielle,
sépare très nettement sol et sous-sol ; d'autre part, elle brise les
racines superficielles, qui, comme l'on sait, sont les plus actives, surtout
dans les vergers établis sur porte-greffes peu vigoureux, nombreux dans notre
pays. La charrue ne convient donc pas pour enfouir l'engrais vert au verger.
De bien meilleurs résultats sont obtenus avec les disques,
qui hachent l'engrais vert et le mélangent intimement à la terre sans former
une couche distincte de matière organique, qui pourrait devenir préjudiciable
en cas de sécheresse prolongée.
Les pulvériseurs à disques sont devenus d'usage
courant dans les vergers importants, et, s'il y a encore des progrès à réaliser
dans leur construction, on peut déjà noter un effort important des industriels
français pour les adapter à leur destination.
La couverture du sol, nouvelle solution au problème de
l'humus.
— Cette technique, que les Américains appellent « mulching »,
dérive de la constatation que la présence, sur le sol et dans les premières
couches superficielles de celui-ci, d'un écran protecteur a pour effet de le
garantir contre les pertes d'eau par évaporation.
L'écran protecteur étant formé de matières organiques, ce
premier avantage se double d'un autre, non moins appréciable : celui
d'apporter de l'humus, sur et dans la couche superficielle.
Le « mulch » peut être constitué par un engrais
vert grossièrement enfoui à l'aide du pulvériseur à disques, mais on peut aussi
le réaliser par apport de matières organiques : paille avariée, déchets
divers, feuilles, roseaux ou herbes de marais, herbes sèches, etc.
Ici reparaissent les inconvénients résultant du transport et
de l'épandage de ces matières. Mais ces inconvénients n'ont que peu de poids au
regard des nombreux avantages du « mulching ».
D'ailleurs, inconvénients et avantages ne peuvent dès à
présent être mis en balance, ce procédé étant d'application encore trop récente
chez nous. Aussi y reviendrons-nous dans une prochaine causerie.
E. DELPLACE.
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