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L'élagage des arbres

L'arbre est, sans contredit, l'un des éléments principaux de la décoration du jardin paysager.

Il existe, en effet, des arbres d'aspect très différent par leur stature, leur forme, la couleur du feuillage, sa plus ou moins grande abondance, sa plus ou moins grande légèreté, sa durée, etc. ...

À ce dernier point de vue, on peut répartir les arbres en deux groupes : ceux à feuilles caduques, c'est-à-dire qui perdent leur feuillage en hiver, et ceux à feuilles persistantes, encore appelés arbres verts car ils ont des feuilles en toutes saisons.

Les arbres d'agrément et d'alignement de nos parcs, pour donner tout leur effet, doivent être soumis à la taille. Celle-ci permet de redresser les défectuosités de la nature et d'obtenir une forme régulière qui soit en parfait accord avec les principes de la physiologie végétale. Une taille rationnelle prolonge, en effet, l'existence de l'arbre et contribue à le maintenir en bon état de vigueur et de santé jusqu'à un âge très avancé.

Mais, pour y parvenir, il faut intervenir fréquemment. Autrement dit, l'arbre doit être suivi, de façon que l'on n'ait jamais de fortes amputations à lui faire subir. Il est nécessaire de procéder par suppression progressive des branches qui se dirigent mal et font confusion dans la tête, sans attendre que ces branches prennent un trop grand développement.

Pour que la taille produise le résultat escompté, il est tout d'abord indispensable que la plantation des arbres ait été faite dans de bonnes conditions, c'est-à-dire que ces arbres aient été choisis selon l'emplacement qu'ils doivent occuper et distancés convenablement en tenant compte, à la fois, de la vigueur propre de l'essence considérée et de la qualité du terrain.

Au moment de la plantation on a, en effet, très fréquemment tendance à trop rapprocher les arbres afin de jouir, dit-on, plus vite de l'ombrage. C'est une erreur capitale de laquelle résultent à peu près toujours de grands inconvénients. Plantés trop serrés, les arbres arrivent à se toucher bien avant d'avoir atteint leur capacité maximum de développement. La lumière et l'air ne pouvant plus pénétrer entre eux, la végétation des ramifications inférieures s'interrompt pendant que les extrémités des branches verticales continuent à se développer avec vigueur. Dans ces branches verticales, la sève se porte avec force et fait développer de nouvelles pousses très vigoureuses, alors que les branches latérales continuent à s'affaiblir et périssent bientôt. La base de l'arbre se dégarnit ainsi progressivement de ses nombreux rameaux. Fort souvent, la carie s'empare des plus gros, que l'on est obligé d'enlever, et l'arbre continue toujours à s'élancer de telle façon qu'il est à peu près impossible de le gouverner. Aussi, sa forme devient, d'année en année, plus défectueuse.

Ainsi élevé et démembré par le bas, l'arbre arrive à ne plus fournir qu'un ombrage insignifiant. On prend alors souvent le parti de couper sans ménagement, assez près de leur base, toutes les grosses branches verticales, faisant un ravalement très radical et non sans danger parfois pour le végétal ainsi décapité. Si, en effet, certaines essences supportent parfaitement le ravalement, comme, par exemple, le platane, le robinier faux acacia, le peuplier blanc, chez quelques autres la cicatrisation des plaies est plus difficile ; c'est le cas notamment pour le sycomore, les tilleuls, l'orme, et surtout le marronnier. Elle est même parfois impossible sur des arbres peu vigoureux qui, alors, ne végètent plus que péniblement et finissent par périr au bout de quelques années.

Chez les essences qui supportent bien l'opération, des pousses vigoureuses se développent à proximité du point de taille ; elles prennent rapidement de la force au détriment de celles qui sont nées un peu plus bas. La différence s'accentue d'année en année, et il faut, au bout de quelque temps, procéder à un nouveau ravalement à la suite duquel l'arbre est réduit à l'état de squelette et ne fournit plus aucune ombre pendant une ou deux années.

Pour éviter cet inconvénient, il faut tout d'abord, en plantant, observer des distances suffisantes pour que les arbres à grand développement puissent s'établir solidement. Pour l'orme et le platane, il ne faut guère compter moins de 15 mètres en sol de moyenne qualité, tandis qu'il faut 18 mètres en sol riche. Pour le tilleul, le marronnier blanc, l'érable plane et le sycomore, qui prennent un développement un peu moindre, 10 à 12 mètres en terrain médiocre et 15 mètres en bon terrain sont des distances convenables.

Nous disions plus haut que les fortes plaies faites aux arbres par le retranchement de grosses branches sont souvent dangereuses et qu'on doit en faire le moins possible. Mais, quand des raisons majeures y obligent, voici de quelle manière on doit opérer : on se sert d'un instrument bien tranchant avec lequel on commence par faire une entaille au-dessous de la branche qu'on veut enlever et très près du tronc. Sans cette précaution, il arriverait, en effet, que la branche, se détachant par son propre poids avant son entière séparation, entraînerait avec elle une grande partie d'écorce du tronc, faisant une plaie beaucoup plus importante que de raison. Lorsque l'entaille est faite, on coupe au-dessus de la branche et toujours très près du tronc ; la branche se détache alors et il reste seulement à unir parfaitement la plaie et, pour qu'elle se cicatrise plus facilement, à la recouvrir immédiatement avec de l'onguent de Saint-Fiacre ou, mieux encore, avec un mastic à greffer (fig. 1).

Quand la coupure est mal faite, c'est-à-dire trop loin du tronc, il reste un onglet ou chicot (fig. 2). Alors la cicatrisation ne s'opère pas ; la carie s'empare du chicot, gagne le tronc, creuse en profondeur et descend le long de l'écorce, ruinant bientôt l'arbre et abrégeant considérablement sa durée.

C'est, d'ailleurs, ordinairement de cette façon que la plupart de nos beaux arbres finissent leur carrière, et le seul auteur de cette fin anticipée est, le plus souvent, celui qui les taille et qui, sans s'en douter, viole les règles les plus élémentaires de la végétation.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°645 Novembre 1950 Page 677