Si toutes les productions agricoles sont sous la dépendance
des conditions météorologiques, la betterave l'est particulièrement, et les
rendements varient dans des proportions considérables selon que le temps a été
pluvieux ou sec au cours de sa végétation.
Elle sert à faire du sucre et de l'alcool et à nourrir le
bétail, et cette diversité d'usages justifie les types différents qu'on en a
obtenus : betteraves sucrières, de distillerie, demi-sucrières et
fourragères. En fait, on distingue actuellement les betteraves sucrières, qui
sont destinées à l'industrie, sucrerie ou distillerie, et les betteraves demi-sucrières,
qui servent à l'alimentation du bétail.
Plus riches en sucre, plus concentrées, les premières sont
plus petites et donnent à l'hectare une production en poids moindre que les
secondes, tout en fournissant autant, sinon plus, de matières nutritives. On
aurait pu se demander s'il n'aurait pas été préférable d'abandonner la
betterave fourragère (ou demi-sucrière) et de donner aux animaux des betteraves
sucrières. Les essais qui ont été faits n'ont pas confirmé cette manière de
voir. Si les chevaux croquent avec plaisir la betterave sucrière, les autres
animaux, les bovins notamment, semblent bien préférer la betterave fourragère.
La culture de cette dernière et particulièrement son arrachage sont en outre
moins difficiles et moins coûteux, et jusqu'à nouvel ordre il semble bien qu'il
y ait intérêt à maintenir un type de betterave adapté à la consommation
animale.
Il y a cependant un choix à exercer parmi les variétés du
type fourrager et on donnera la préférence aux plus denses et aux plus riches
en sucre, même si elles sont un peu plus petites que les autres. Les betteraves
énormes qu'on voit quelquefois dans les expositions agricoles sont très pauvres
en éléments nutritifs et ne constituent qu'une curiosité sans intérêt.
La betterave sucrière peut d'ailleurs contribuer pour une
large part à l'alimentation du bétail, car les sucriers rendent aux producteurs
les résidus de fabrication sous le nom de pulpes, extrêmement appréciées. À
l'arrachage, elle laisse sur le terrain feuilles et collets, dont la valeur
alimentaire est loin d'être négligeable. Donc, là où la production betteravière
sera susceptible d'être transformée en sucre ou en alcool, on aura généralement
avantage à cultiver la betterave sucrière et à nourrir le bétail avec les
pulpes et les résidus de récolte plutôt qu'à faire de la betterave fourragère.
La réussite d'une culture de betteraves est fonction du
temps, évidemment, mais aussi des soins qui lui sont apportés. Chacun sait que
la terre doit être soigneusement labourée, divisée et engraissée, et qu'il est
vain d'espérer une belle récolte en betteraves dans un champ mal préparé.
Il faut aussi se méfier des semis tardifs, qui peuvent, pour
peu que l'été soit précoce, compromettre toute la végétation, donc la récolte.
Évidemment il y a des risques à semer trop tôt, avant le 10 mars (sauf
dans les régions méridionales où on peut gagner quinze jours), à un moment où
la chaleur atmosphérique et celle du sol ne sont pas suffisantes pour assurer
une végétation normale, mais il faut éviter de tarder au delà du mois d'avril.
Si l'année se montre pluvieuse, les choses s'arrangeront, sinon la production
en souffrira inévitablement. La période la plus favorable ira donc du 15 mars
au 15 avril, plutôt plus tôt que plus tard. On a toujours tendance à se
laisser gagner de vitesse par le temps.
Un des graves inconvénients de la betterave est le démariage,
opération longue et coûteuse. Pour le supprimer, ce qui réaliserait une
économie considérable, on a cherché, et on cherche encore, à obtenir des
graines de betteraves ne contenant qu'un seul germe. Ces travaux ne sont pas
encore au point, mais dès à présent on livre dans le commerce des semences
provenant de la segmentation du glomérule. Pour en faciliter le semis, on les
polit et même on les enrobe dans une préparation à base d'argile et des
produits « activants ». Le semis reste assez délicat, mais on a mis
au point des semoirs spéciaux qui s'acquittent bien de leur tâche. Il faut
prendre la précaution de semer par temps nettement favorable, car, la densité
du semis étant moindre que par la méthode habituelle, une levée irrégulière
laisserait des vides difficiles à combler. Le démariage n'est pas supprimé, car
il y a un pourcentage important (20 à 30 p. 100) de semences bigermes, et
la densité du semis, par mesure de précaution et par suite de manquants
possibles, doit dépasser le nombre de pieds à conserver. Il est toutefois
grandement facilité.
Il y a dans ce procédé une économie de semence, mais il y a
perte à la segmentation des glomérules et un travail assez important et délicat
à effectuer. Il n'y a donc pas, lors du semis, économie d'argent. Le profit
réside dans la simplification du démariage. C'est d'ailleurs ce que l'on
recherchait.
La densité des semis de betteraves varie avec les régions,
la richesse du sol et le climat. En augmentant la densité on diminue le volume
des betteraves, mais on accroît leur richesse. Il ne faut cependant pas
exagérer, et une population trop nombreuse ne permet plus à la plante de
végéter normalement, ce qui nuit à son développement et à sa qualité.
Avec la betterave sucrière on compte 70.000 à 90.000 pieds à
l'hectare correspondant à un écartement de 0m,40 à 0m,42
sur 0m,30 à 0m,33.Avec la betterave fourragère, on ne
garde que 60.000 pieds environ, ce qui donne un écartement de 0m,40
à 0m,45 sur 0m,35 à 0m,38.
Le betterave couvre environ 1.100.000 hectares en France,
dont 300.000 hectares pour la betterave sucrière et 800.000 hectares pour la
betterave fourragère. C'est donc une production des plus intéressantes non
seulement, pour l’alimentation du bétail, mais pour assurer la plus grande
partie des besoins en sucre de la population (sans compter l'alcool). Elle
constitue également, la betterave sucrière notamment, un excellent précédent
pour le blé, et les deux productions : betterave sucrière et blé, sont
solidaires dans une large mesure. On ne peut donc que souhaiter voir se
développer et se perfectionner cette culture parfaitement adaptée à nos
climats.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
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