On donne le nom de syngamose à une affection parasitaire des
voies respiratoires provoquée par un ver appelé Syngamus trachealis.
Cette maladie est une assez nouvelle venue dans notre pays. Importée de
Belgique ou d'Angleterre, où elle est plus anciennement connue, son origine
semble être américaine, car elle a été signalée aux États-Unis voilà près d'un
siècle. Sa première apparition en France, il y a une cinquantaine d'années,
s'est produite dans de nombreuses faisanderies, d'où elle a gagné facilement le
poulailler, étant données l'habitude que l'on a d'employer les poules pour
couver les œufs de faisan et la facilité avec laquelle ce ver se propage dans
un terrain ou dans une eau infestée.
Ce ver fourchu, ainsi que le surnomment les faisandiers,
a reçu des naturalistes le nom de Syngamus trachealis. Ce nom de trachealis
indique bien l'habitude qu'a ce ver de s'attacher à la trachée ou tube
respiratoire des oiseaux, et l'appellation de Syngamus provient de deux
mots grecs qui signifient par leur assemblage unis ensemble.
Le syngame apparaît comme un petit ver cylindrique ayant
beaucoup de ressemblance avec le ver de vase employé par les pêcheurs à la
ligne et d'aspect rougeâtre d'ordinaire parce qu'il est gorgé de sang. Bifide à
l'une de ses extrémités, ce parasite double résulte de l'accolement permanent
d'un mâle et d'une femelle, la femelle, plus développée, présentant sur la
partie ventrale une dépression longitudinale dans laquelle le mâle se trouve
encastré partiellement. Il s'implante par son extrémité bifide sur la muqueuse
de la trachée, à la façon de la sangsue, par sa ventouse buccale chitineuse
armée de lancettes à l'intérieur, et se développe là en suçant le sang de sa
victime. Arrivé à son complet développement, le syngame meurt et se détache de
la trachée : il se trouve expulsé par l'oiseau malade dans un accès de
toux, en buvant la plupart du temps. Le corps du ver se décompose très
rapidement dans l'eau, où les œufs mis en liberté par la décomposition éclosent
sous la forme d'embryons microscopiques. C'est là qu'une autre volaille vient
boire, l'absorbe et lui offre un abri propice à parfaire son développement et à
recommencer dans la trachée l'oeuvre néfaste déjà pratiquée par ceux qui lui
ont donné le jour. Il arrive aussi qu'un ver rouge soit expulsé dans un accès
de toux et immédiatement avalé par un autre oiseau, ou que, son corps se
décomposant dans la terre ou le sable, ses œufs soient absorbés par les graines
ou le gravier, voire même par les lombrics (vers de terre).
Les détails qui précèdent, bien qu'un peu arides, étaient
cependant nécessaires à connaître, afin de comprendre les mesures de
prophylaxie et le traitement à opposer à la maladie.
Le syngame trachéal vit dans la trachée et les grosses
bronches de la plupart des gallinacés domestiques chez lesquels il atteint :
le mâle, 2 à 6 millimètres de longueur ; la femelle, de 15 à 20
millimètres. Faisan commun, poule, dindon, paon, etc., peuvent être atteints,
et, parmi les passereaux, les pies, les corbeaux, les étourneaux, etc.
Symptômes.
— Les oiseaux atteints de syngamose se reconnaissent à
une sorte de toux, sifflante et brusque, tenant de l'éternuement, qui affecte
plus ou moins les jeunes sujets. Ceux qui sont le plus gravement malades
bâillent et ouvrent le bec en allongeant le cou par un mouvement particulier,
indice de la gêne qu'ils éprouvent. Enfin les plus malades ont le bec rempli
d'une salive mousseuse dont ils ne peuvent se débarrasser. Le nom de gapes
(bâillements), donné à la syngamose en Angleterre et aux États-Unis, en
rappelle le signe principal.
Dans les premiers temps de l'affection, la faim est souvent
vorace ; mais, bien que les malades mangent deux à trois fois autant qu'un
sujet sain, ils vont toujours maigrissant. Vers la fin, l'appétit diminue, les
oiseaux sont tristes, somnolents, ont le plumage hérissé et présentent tous les
signes d'une cachexie qui, à défaut de l'asphyxie, détermine la mort. Celle-ci
survient parfois subitement, quand les vers sont nombreux dans la trachée.
D'ailleurs la guérison spontanée est exceptionnelle, surtout chez les jeunes
sujets.
Le syngame détermine souvent des épizooties très
meurtrières. C'est ainsi que Mégnin signale que, dans une faisanderie de Rambouillet,
on a compté jusqu'à 1.200 victimes par jour. En France, d'après les recherches
de Railliet, le rôle de propagateur du syngame reviendrait surtout à la pie.
Lors d'une épidémie localisée dans une grande faisanderie anglaise, Klee a
constaté que 50 p. 100 des corbeaux du voisinage hébergeaient le syngame
trachéal, et il les considère comme ayant importé la maladie. Ces constatations
doivent donc retenir l'attention des faisandiers en même temps qu'elles leur
indiquent la conduite à tenir à l'égard des pies et des corbeaux nichant sur
leurs domaines.
Lorsque la maladie est à son début et les symptômes peu
prononcés, le diagnostic peut être établi par l'examen microscopique des
mucosités apportées au bec par les quintes de toux : on y trouve des œufs
de syngame en abondance. Ces mucosités étant souvent dégluties, les œufs du
parasite se trouvent dans les excréments. Chez les poulets, on peut aussi
plumer la partie antérieure du cou et attirer ensuite la trachée dans un pli de
la peau, que l'on explore par transparence à la lumière du soleil ou d'une
lampe : cette manœuvre permet d'apercevoir les vers dans le conduit
aérien.
Prophylaxie.
— Dès qu'on s'aperçoit de la maladie, il faut isoler
les sujets malades ; faire émigrer sur un terrain vierge ceux qui sont
sains ; enterrer profondément, brûler même les cadavres d'animaux morts ;
désinfecter le sol des parquets des faisanderies ou des poulaillers en
l'arrosant avec une dissolution de 1 p. 1.000 d'acide sulfurique, ou
plutôt en y répandant du sel marin dénaturé à raison de 250 grammes par 100
mètres carrés. Il faut s'attacher surtout à obtenir, par la sécheresse du sol,
la mort des œufs de syngames ou des embryons déjà éclos ; enfin ajouter à
l'eau de boisson 1gr,3 de salicylate de soude par litre. Comme traitement
curatif, de nombreux procédés ont été préconisés. L'ail a été
employé avec beaucoup de succès par Mégnin ; il distribuait comme aliment
un mélange d'œufs durs, cœur de bœuf bouilli, mie de pain rassis, salade, le
tout haché, pilé et bien mélangé, avec de l'ail pilé, dans la proportion d'une
gousse pour six faisandeaux par jour. Il se félicite aussi de l'emploi de l’Asa
fætida en poudre avec parties égales de racine de gentiane pulvérisée, le
tout incorporé à la pâtée des faisans, dans la proportion de 0gr,50
par tête et par jour. C'est en s'éliminant par les voies respiratoires que les
principes volatils de l'ail et de l'Asa fætida vont agir comme toxiques
sur les vers rouges de la trachée.
Signalons enfin le traitement préconisé par le Dr
Ch. Arnault, qui consiste à injecter dans la trachée, au moyen d'une
seringue de Pravaz boutonnée, quelques gouttes de solution d'aniodol interne à
5 p. 100. Quelques minutes après une légère crise de suffocation, tout
rentrerait dans l'ordre, et, dès le lendemain, dans la plupart des cas, la toux
disparaîtrait, et la guérison serait complète.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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