Accueil  > Années 1950  > N°645 Novembre 1950  > Page 684 Tous droits réservés

Causerie vétérinaire

Syngamose

On donne le nom de syngamose à une affection parasitaire des voies respiratoires provoquée par un ver appelé Syngamus trachealis. Cette maladie est une assez nouvelle venue dans notre pays. Importée de Belgique ou d'Angleterre, où elle est plus anciennement connue, son origine semble être américaine, car elle a été signalée aux États-Unis voilà près d'un siècle. Sa première apparition en France, il y a une cinquantaine d'années, s'est produite dans de nombreuses faisanderies, d'où elle a gagné facilement le poulailler, étant données l'habitude que l'on a d'employer les poules pour couver les œufs de faisan et la facilité avec laquelle ce ver se propage dans un terrain ou dans une eau infestée.

Ce ver fourchu, ainsi que le surnomment les faisandiers, a reçu des naturalistes le nom de Syngamus trachealis. Ce nom de trachealis indique bien l'habitude qu'a ce ver de s'attacher à la trachée ou tube respiratoire des oiseaux, et l'appellation de Syngamus provient de deux mots grecs qui signifient par leur assemblage unis ensemble.

Le syngame apparaît comme un petit ver cylindrique ayant beaucoup de ressemblance avec le ver de vase employé par les pêcheurs à la ligne et d'aspect rougeâtre d'ordinaire parce qu'il est gorgé de sang. Bifide à l'une de ses extrémités, ce parasite double résulte de l'accolement permanent d'un mâle et d'une femelle, la femelle, plus développée, présentant sur la partie ventrale une dépression longitudinale dans laquelle le mâle se trouve encastré partiellement. Il s'implante par son extrémité bifide sur la muqueuse de la trachée, à la façon de la sangsue, par sa ventouse buccale chitineuse armée de lancettes à l'intérieur, et se développe là en suçant le sang de sa victime. Arrivé à son complet développement, le syngame meurt et se détache de la trachée : il se trouve expulsé par l'oiseau malade dans un accès de toux, en buvant la plupart du temps. Le corps du ver se décompose très rapidement dans l'eau, où les œufs mis en liberté par la décomposition éclosent sous la forme d'embryons microscopiques. C'est là qu'une autre volaille vient boire, l'absorbe et lui offre un abri propice à parfaire son développement et à recommencer dans la trachée l'oeuvre néfaste déjà pratiquée par ceux qui lui ont donné le jour. Il arrive aussi qu'un ver rouge soit expulsé dans un accès de toux et immédiatement avalé par un autre oiseau, ou que, son corps se décomposant dans la terre ou le sable, ses œufs soient absorbés par les graines ou le gravier, voire même par les lombrics (vers de terre).

Les détails qui précèdent, bien qu'un peu arides, étaient cependant nécessaires à connaître, afin de comprendre les mesures de prophylaxie et le traitement à opposer à la maladie.

Le syngame trachéal vit dans la trachée et les grosses bronches de la plupart des gallinacés domestiques chez lesquels il atteint : le mâle, 2 à 6 millimètres de longueur ; la femelle, de 15 à 20 millimètres. Faisan commun, poule, dindon, paon, etc., peuvent être atteints, et, parmi les passereaux, les pies, les corbeaux, les étourneaux, etc.

Symptômes.

— Les oiseaux atteints de syngamose se reconnaissent à une sorte de toux, sifflante et brusque, tenant de l'éternuement, qui affecte plus ou moins les jeunes sujets. Ceux qui sont le plus gravement malades bâillent et ouvrent le bec en allongeant le cou par un mouvement particulier, indice de la gêne qu'ils éprouvent. Enfin les plus malades ont le bec rempli d'une salive mousseuse dont ils ne peuvent se débarrasser. Le nom de gapes (bâillements), donné à la syngamose en Angleterre et aux États-Unis, en rappelle le signe principal.

Dans les premiers temps de l'affection, la faim est souvent vorace ; mais, bien que les malades mangent deux à trois fois autant qu'un sujet sain, ils vont toujours maigrissant. Vers la fin, l'appétit diminue, les oiseaux sont tristes, somnolents, ont le plumage hérissé et présentent tous les signes d'une cachexie qui, à défaut de l'asphyxie, détermine la mort. Celle-ci survient parfois subitement, quand les vers sont nombreux dans la trachée. D'ailleurs la guérison spontanée est exceptionnelle, surtout chez les jeunes sujets.

Le syngame détermine souvent des épizooties très meurtrières. C'est ainsi que Mégnin signale que, dans une faisanderie de Rambouillet, on a compté jusqu'à 1.200 victimes par jour. En France, d'après les recherches de Railliet, le rôle de propagateur du syngame reviendrait surtout à la pie. Lors d'une épidémie localisée dans une grande faisanderie anglaise, Klee a constaté que 50 p. 100 des corbeaux du voisinage hébergeaient le syngame trachéal, et il les considère comme ayant importé la maladie. Ces constatations doivent donc retenir l'attention des faisandiers en même temps qu'elles leur indiquent la conduite à tenir à l'égard des pies et des corbeaux nichant sur leurs domaines.

Lorsque la maladie est à son début et les symptômes peu prononcés, le diagnostic peut être établi par l'examen microscopique des mucosités apportées au bec par les quintes de toux : on y trouve des œufs de syngame en abondance. Ces mucosités étant souvent dégluties, les œufs du parasite se trouvent dans les excréments. Chez les poulets, on peut aussi plumer la partie antérieure du cou et attirer ensuite la trachée dans un pli de la peau, que l'on explore par transparence à la lumière du soleil ou d'une lampe : cette manœuvre permet d'apercevoir les vers dans le conduit aérien.

Prophylaxie.

— Dès qu'on s'aperçoit de la maladie, il faut isoler les sujets malades ; faire émigrer sur un terrain vierge ceux qui sont sains ; enterrer profondément, brûler même les cadavres d'animaux morts ; désinfecter le sol des parquets des faisanderies ou des poulaillers en l'arrosant avec une dissolution de 1 p. 1.000 d'acide sulfurique, ou plutôt en y répandant du sel marin dénaturé à raison de 250 grammes par 100 mètres carrés. Il faut s'attacher surtout à obtenir, par la sécheresse du sol, la mort des œufs de syngames ou des embryons déjà éclos ; enfin ajouter à l'eau de boisson 1gr,3 de salicylate de soude par litre. Comme traitement curatif, de nombreux procédés ont été préconisés. L'ail a été employé avec beaucoup de succès par Mégnin ; il distribuait comme aliment un mélange d'œufs durs, cœur de bœuf bouilli, mie de pain rassis, salade, le tout haché, pilé et bien mélangé, avec de l'ail pilé, dans la proportion d'une gousse pour six faisandeaux par jour. Il se félicite aussi de l'emploi de l’Asa fætida en poudre avec parties égales de racine de gentiane pulvérisée, le tout incorporé à la pâtée des faisans, dans la proportion de 0gr,50 par tête et par jour. C'est en s'éliminant par les voies respiratoires que les principes volatils de l'ail et de l'Asa fætida vont agir comme toxiques sur les vers rouges de la trachée.

Signalons enfin le traitement préconisé par le Dr Ch. Arnault, qui consiste à injecter dans la trachée, au moyen d'une seringue de Pravaz boutonnée, quelques gouttes de solution d'aniodol interne à 5 p. 100. Quelques minutes après une légère crise de suffocation, tout rentrerait dans l'ordre, et, dès le lendemain, dans la plupart des cas, la toux disparaîtrait, et la guérison serait complète.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°645 Novembre 1950 Page 684