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Causerie médicale

Angines et amygdalites

Le terme d'angine avait d'abord le même sens qu'angoisse (ce qui fait comprendre le sens d' « angine de poitrine »). Ambroise Paré employait le terme de « détresse respiratoire » et Isaac Joubert, voulant un mot « plus scientifique », se servait de celui d'esquinancie (d'un mot grec signifiant collier de chien), « parce que le malade est si fort pressé et serré du gosier qu'il est contraint de sortir la langue, comme chien qu'on estrangle ».

On réserve aujourd'hui le nom d'angine à toute inflammation, aiguë ou chronique, de l'isthme du gosier, limité par la base de la langue, le voile du palais avec ses deux piliers entre lesquels se logent les amygdales ; en outre, toute l'arrière-gorge est tapissée de follicules lymphatiques, tous en connexion avec les ganglions du cou, notamment en dessous de l'angle de la mâchoire, qui s'engorgent en cas d'inflammation.

L'inflammation des amygdales ou de la muqueuse qui les environne peut être due à des microbes spécifiques, ceux de la tuberculose, de la syphilis (l'accident primitif de l'amygdale s'accompagne exceptionnellement de fièvre) ou de la diphtérie ; il s'agit surtout d'angine « blanche », et l'examen microscopique fournit alors des renseignements précieux ; ajoutons cependant que, si la présence de fausses membranes, ayant tendance à envahir la luette et tout le voile du palais, fait soupçonner une atteinte de diphtérie, il est indiqué de procéder aussitôt à une injection de sérum antidiphtérique, avant même d'avoir la réponse du laboratoire.

Dans le cas, plus fréquent, d'angine rouge (ou plus scientifiquement « érythémateuse »), l'examen microscopique est d'un moindre secours, ces angines étant le plus souvent dues à des germes habituels de la bouche et de la gorge devenus plus virulents.

Il faut, cependant, se souvenir que certaines affections s'accompagnent d'une angine rouge ou débutent par celle-ci ; tel est le cas de la rougeole, de la scarlatine et aussi d'une crise de rhumatisme aigu. Si l'examen attentif du malade a permis d'éliminer ces affections, on se trouve en présence d'une angine érythémateuse, qualifiée de « catarrhale aiguë », accompagnée de congestion de la muqueuse du pharynx et de troubles sécrétoires (exagération ou suppression de la salivation).

Le début est brusque avec des signes généraux : malaise général, courbatures, parfois sueurs abondantes et fièvre atteignant 39° ou même davantage chez les enfants. Le malade accuse une sensation de chaleur, avec des picotements, de la sécheresse de la gorge et une douleur pour la déglutition (le malade reste souvent la bouche ouverte, laissant couler sa salive pour éviter de l'avaler) ; cette dysphagie est surtout marquée pour les liquides froids ; les nuits sont mauvaises, avec frissons, et tous ces symptômes sont accentués le matin au réveil par le fait que le malade a dormi la bouche ouverte ; le voile du palais et la luette sont plus congestionnés ou même œdématiés, les ganglions cervicaux sont engorgés ; la langue est saburrale, le malade n'a pas d'appétit ; la douleur s'étend parfois à l'oreille correspondante, qui est en rapport avec le pharynx par la trompe d'Eustache.

L'évolution n'est pas très longue et ne dépasse guère sept à huit jours s'il ne survient pas de complication ; parmi celles-ci, on signale parfois une atteinte des reins avec albuminurie plus ou moins passagère et des douleurs articulaires, même en dehors des cas d'angine rhumatismale.

Localement, l'amygdalite phlegmoneuse, c'est-à-dire la formation d'un abcès, peut être considérée comme une complication, et parfois la suppuration s'étend au tissu cellulaire voisin, produisant alors un phlegmon rétro-pharyngien.

Aussi longtemps que persistent la fièvre et la rougeur de la gorge, le malade sera maintenu au lit, relativement isolé ; les personnes qui lui donneront des soins auront soin de se laver soigneusement chaque fois la bouche et les mains, et on évitera tout contact avec des enfants. On a signalé de véritables épidémies d'angine, épidémies de famille ou d'école.

Comme causes prédisposantes, il faut signaler l'influence du froid humide, surtout au printemps : on a encore incriminé, chez l'adulte, l'abus du tabac, de l'alcool, le surmenage vocal (chanteurs n'ayant pas appris à « poser leur voix », orateurs, etc. ...).

Comme régime, le malade recevra des aliments liquides ou pâteux : lait, pâtes, purées, crèmes ou compotes de fruits ; ces aliments, choisis en grande partie d'après les goûts du malade, seront donnés un peu chauds.

Le malade se trouve soulagé par l'application d'une compresse chaude appliquée autour du cou, recouverte d'un imperméable, d'une petite couche d'ouate et maintenue par une bande ; ce pansement sera renouvelé environ toutes les trois à quatre heures.

Localement, on emploiera les gargarismes ou les bains de bouche, les lavages, les collutoires.

Pour les lavages, on se servira d'un bock à injections placé légèrement au-dessus du malade ; comme solutions, on évitera les antiseptiques irritants ; le mieux est d'employer la liqueur de Labarraque (deux cuillerées à soupe par litre d'eau tiède) ou le borate de soude (solution à 4 p. 100). Quand la douleur est très vive, on emploiera la décoction de feuilles de coca, de racines de guimauve, avec ou sans têtes de pavots, ou de bois de réglisse (en général à 10 p. 100 environ) ; les mêmes solutions serviront pour les gargarismes si le malade sait les faire. On peut aussi user de ces solutions en pulvérisations. Entre temps, on prendra quatre ou cinq fois par jour une pastille de chlorate de potasse.

Si les amygdales sont recouvertes d'un enduit pultacé ou si elles présentent des ulcérations, on les attouchera avec un collutoire formé d'un petit bourdonnet d'ouate monté sur un stylet ; un des plus efficaces est le bleu de méthylène, pris à sec sur le coton imbibé légèrement de glycérine. On trouve aussi, en pharmacie, d'excellentes spécialités de collutoires antiseptiques sans être irritants. On instillera encore une huile antiseptique dans les narines.

Le traitement interne s'inspirera des indications : un peu de sulfate de soude si le malade est constipé, ce qui est fréquent ; de l'aspirine ou un de ses dérivés contre la douleur si elle est forte. Actuellement, en cas de symptômes sérieux d'infection ou de complication de suppuration (amygdalite phlegmoneuse, phlegmon ou abcès rétro-pharyngien), on s'adresse à un des antibiotiques comme la pénicilline, l'aspergilline ou tel autre.

Dr GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°645 Novembre 1950 Page 688