La situation de la petite vénerie se faisant de plus en plus
précaire, malheureusement pour l'avenir de nos races à deux fins, l'intérêt
semble se porter vers les chiens courants, destinés à la seule chasse à tir. On
a vu en effet, durant la dernière saison d'expositions, un grand nombre de
bassets artésiens normands et de bassets de Gascogne. Nous n'étions plus
habitués à telle affluence de bassets mi-tors. Ceci est signe des temps et
preuve de la clairvoyance des prévoyants de l'avenir.
Les polémiques suscitées autour des premiers ont
peut-être influé aussi sur l'orientation meilleure donnée, faisant disparaître
les sujets vraiment trop épais, dont il faut enregistrer l'éclipse. Ceux que
nous voyons ont conservé les antérieurs mi-tors, la croupe sphérique et la
longueur exigée par le standard, mais avec un corsage convenablement allégé et
une vivacité leur permettant l'accès de milieux interdits aux chiens trop
lourds et dénués de vitalité. Ajoutons que les têtes d'aspect normand, ornées
d'oreilles roulées de longueur non excessive, deviennent la règle. La formule
désirée par le club se fixe donc de plus en plus.
Nous avons par conséquent, avec le basset de Gascogne, deux
auxiliaires du chasseur à tir se comportant en chiens d'ordre et désignés pour
composer des équipages comprenant un certain nombre d'unités.
Toutefois, en vertu de leur méthode de chasse, l'amateur de
coups de fusil pratiquant en terrains accidentés pourvus de couverts épineux,
se servant presque toujours d'un petit nombre de chiens, voire d'un seul, devra
confier ses chances à d'autres bassets plus remuants, mieux adaptés à tel
milieu en vertu de leur anatomie et même de leur moral.
Bien qu'exilé des bancs, on sait que le basset imaginé
par le comte le Coulteux conserve ses fidèles, soucieux d'avoir un chien à
la fois collé et perçant, tel le briquet d'Artois dont il dérive. L'avenir nous
dira s'il y a lieu un jour de revenir aux conceptions de L. Verrier à son
égard, qui prit la peine d'en rédiger le standard. En attendant, la sagesse
enseigne de ne pas réveiller autour de l'objet d'échanges de vues sans
conclusion utile.
La Vendée demeure la terre d'élection du basset, en vérité
de bassets assez divers quoique apparentés et vêtus du même poil dur. Tout le
monde connaît celui qu'on appelle le grand basset vendéen à jambes droites,
jadis un peu trop grand et maintenant se contentant de la taille de 0m,40
environ. Lorsqu'on songea à en faire un chien pour le courre du lièvre, il fut
inévitablement trop poussé en hauteur avec tous les inconvénients que cela
présente, tant du point de vue fixité de la formule que de l'encombrement et de
bien autre chose. Dans la taille gravitant autour de 0m,40, mais
très peu outre, c'est un basset vite, perçant à souhait, remueur de gibier
comme tous les chiens de Vendée et conçu pour faire la joie du fusillot
solitaire, qui est légion et tient à ne pas s'encombrer d'un nombreux équipage.
Assez court et monté, ce n'est pas sans raison que certains cynologues le
considèrent à peine comme basset, mais plutôt comme nain physiologique de la
grande race de sa province. Cela n'intéresse l'utilisateur que pour lui
expliquer le pourquoi de certains phénomènes de réversion plus communs il y a
trente ans, à l'époque où, précisément, sévissait la mode du centimètre ambitieux
dont on faisait alors usage en Vendée.
Tel qu'il est maintenant, un chien précieux, chassant tout,
et demeure, pour son cousin le briquet, concurrent redoutable.
Il a un autre parent plus proche, soit le basset à jambes « le
plus souvent demi-torses » de 0m,34 à 0m,38,
beaucoup moins répandu et loin d'avoir même notoriété. Dirai-je que cela
s'explique ? Dans une certaine mesure, il fait double emploi avec nos
bassets à poil ras précités, surtout lorsqu'il est long et lourd, notoirement
basset, porteur des caractères tératogéniques du bassetisme véritable par
conséquent. C'est pourquoi on cherche à le faire droit, quoique aux membres
courts, sans pour autant avoir renoncé au volume et à la longueur du tronc.
Cela ne change rien à son cas. Il devient alors une sorte de compromis entre
les deux variétés, se révélant malaisé à classer aux expositions lorsque
d'aventure sa taille peut faire hésiter à le ranger dans l'une ou l'autre.
Présumé dépasser 0m,38, et par conséquent devant concourir avec ceux
de la grande taille, il est dépaysé en pareille compagnie. Les formules
somatiques ne sont pas en effet comparables. J'oserai dire ne pas regretter la
disparition de cette variété lorsqu'elle atteint, si elle ne le dépasse, le
maximum de taille concédé. Elle ne peut avoir un avenir qu'en demeurant
strictement de taille réduite, soit 0m,35 au plus, en perdant du
poids et de la longueur, devenant en somme une image réduite du basset vendéen
droit de grande taille, légère et rapide à souhait et à jambes droites bien
entendu. Or ce modèle existe, je l'ai jugé en exposition, et sans doute est-ce
là simplement témoignage du retour à la vie du petit basset vendéen, qu'on
appelait autrefois « basset à lapin ». Sans être grand prophète, on
peut lui assurer un succès que le dit « petit basset vendéen » de
modèle lourd et plus ou moins tors ne connaît plus et n'a jamais beaucoup
connu. Le vraiment petit basset vendéen a figuré avec honneur aux épreuves de
chasse à courre aux lapins (rabbit hunting), et l'on s'étonne que les vertus
inattendues dont il a fait montre en ces concours n'aient pas ouvert les yeux.
On y a vu des chiens de change, par exemple, et voilà de quoi inspirer bien des
réflexions. Quelle réponse, en effet, à ceux qui vont disant les courants
vendéens peu enclins à la sagesse ! Mieux connu et produit en nombre, ce
petit chien ferait la joie du chasseur des régions pourvues de fourrés denses
et épineux où se complaît le lapin, sans compter le putois et autres
indésirables, qu'il attaque avec entrain. À défaut de l'objet, c'est au petit
beagle que nous avons recouru pour cet office. Un petit basset rapide, de
psychologie vendéenne, bien protégé par son poil dur, y serait mieux adapté, en
vertu aussi de ses initiatives et de son aptitude à la chasse solitaire ou en
paire. Il peut enfin se révéler très bon chien à lièvre, si j'en juge par
l'expérience que j'ai faite d'une lice achetée comme spécialiste du lapin, qui
était meilleure encore pour le lièvre. Leur train, aussi rapide que celui du
beagle, permettrait de s'en servir pour le tir du sanglier, comme le beagle
lui-même, qui a fait ses preuves, avec cet avantage de n'avoir pas à redouter
la casse.
En résumé, nos bassets à poil ras, officiellement classés
les uns et les autres chiens d'ordre, produits dans une formule assez sportive
pour pouvoir rendre service un peu partout et pas seulement dans les bois
clairs et bien percés, sont à l'ordre du jour. Cette orientation du modèle doit
contribuer à en étendre l'aire de dispersion. On ne saurait assez se féliciter
de les voir de plus en plus nombreux sur les bancs. Quant au basset vendéen de 0m,40,
bien connu et si justement apprécié du chasseur moyen comme du sportsman
fortuné, souhaitons-lui longue vie. Je fais un vœu enfin en faveur du petit
basset vendéen droit, dit « à lapin », qu'on semble trop oublier,
pourtant lui aussi assuré d'un succès certain lorsqu'on le saura possesseur
d'autres talents.
L'avenir est à la chasse à tir, le courre du lièvre devenant
de plus en plus impossible, parce que tout se ligue contre ce sport pour le
plus grand dommage de nos races de chiens à lièvres. Celles-ci se maintiendront
toutefois dans les régions méridionales, en vertu de leur adaptation au milieu,
et survivront heureusement. L'avenir des autres est menacé. Le succès affirmé des
chiens de taille réduite, tel le beagle, le renouveau du basset témoignent
assez des soucis de l'heure et des prévisions d'avenir. Quels que soient les
regrets éprouvés devant une évolution imposée par les circonstances et
l'opinion, on conviendra de la nécessité de tirer le parti le plus sage de la
situation créée par les événements en cultivant le chien de chasse à tir,
assuré, lui, de l'avenir.
R. DE KERMADEC.
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