Accueil  > Années 1950  > N°646 Décembre 1950  > Page 724 Tous droits réservés

La pêche en lac

Les pêcheurs qui ont la possibilité d'utiliser un bateau pour la pêche en lac (1) peuvent espérer des captures parfois sensationnelles, que n'auront jamais l'occasion de faire leurs confrères opérant du bord. C'est ainsi qu'au retour de leur expédition ils feront figure de sportifs très avertis dont la science halieutique atteint la perfection.

Il n'en est rien : ils auront tout simplement opéré dans les endroits les plus favorables, qu'aucun bruit ne vient troubler, et où le poisson, le gros surtout, se sentant — ou plutôt se croyant — en sécurité, est plus confiant et facile à berner ; les résultats sont, évidemment, plus fructueux. Aussi, quand la chose sera possible et que votre ambition vous fait espérer de grosses pêches, n'hésitez pas : péchez en barque.

Que ce soit un bateau pneumatique facilement dégonflable, donc plus transportable, ou une barque de location, évitez d'employer une embarcation trop étroite ; je sais bien qu'elle serait plus maniable, mais il n'est nul besoin de faire de la vitesse et, par contre, étant donnés les mouvements continuels que vous devez accomplir dans la lutte contre une forte pièce, vous vous exposeriez inutilement à chavirer, ce qui n'arrangerait pas la situation : perte du gros poisson, du matériel, et risque de noyade. Ceci dit, mettons-nous au travail, face au soleil et dos au vent.

Dans la pêche à la mouche ou à l'insecte, avec une grande canne, nous opérerons comme il a été dit le mois dernier, mais nous pourrons nous rapprocher plus aisément des « ronds » sur l'eau produits par les moucheronnages.

Pas de bruit, surtout, avec les rames ou les pagaies, encore moins avec les pieds dans le fond de la barque ; si vous n'êtes pas à même de ramer correctement, prenez un aide avec vous.

Supposons que vous n'ayez pas la patience ou la force de tenir une canne en main plusieurs heures de suite et que, cependant, vous seriez bien aise de rapporter de beaux poissons à la maison ou à l'hôtel — ne serait-se que pour épater la galerie, j'ai vu le cas assez fréquemment, — péchez aux petits trimmers. Ils ne diffèrent que par leurs dimensions des gros engins destinés à prendre le brochet, la nuit, dans les étangs privés.

Une bonde en liège pour tonneau est percée en son centre et un nylon de 15 centièmes, en 50 centimètres de longueur, y est fixé (longueur variable avec la profondeur), un plomb n° 6 à 20 centimètres de l'hameçon n° 6 à 10, et c'est tout, le plomb étant facultatif. Comme appâts : insectes, vers, larves, vifs, pâtes, etc., selon le poisson espéré.

Vous confectionnez plusieurs de ces engins et vous allez les poser dans les endroits que vous supposez favorables et où vous avez constaté la présence de beaux poissons. Évitez la proximité des joncs et des roseaux. Laissez plusieurs mètres entre chaque engin pour éviter un emmêlement lors de la fuite d'une capture.

Éloignez-vous et arrêtez votre bateau à une trentaine de mètres de là. Soudain, un bouchon plonge et fuit ; parfois, il s'enfonce, mais ne tarde pas à remonter. Poursuivez le prisonnier et cueillez-le à l'épuisette, s'il est gros. La poursuite est parfois longue : la victime va au fond, mais, sollicitée par la force ascensionnelle du bouchon qui lui maintient la gueule ouverte, elle s'asphyxie assez vite et remonte en surface, où la traction cesse. Et si vous êtes sur un banc de poissons, parfois trois ou quatre lièges partent en même temps ; je vous souhaite bonne chance, alors.

J'ai pratiqué cette pêche en mer dans les baies où les gros mulets, pourtant roublards et farouches, viennent chercher leur nourriture et se font prendre ainsi que des débutants.

Attention, cependant : renseignez-vous auprès du garde du lac, ce procédé meurtrier étant interdit en certaines régions.

Il est certain que de plus amples explications seraient fort utiles, mais je dois écourter, par nécessité, cette causerie. J'y reviendrai peut-être un jour.

Lorsque vous explorez un étang parsemé de-ci de-là de vastes plaques de végétation, quelle qu'elle soit, n'oubliez pas de faire le tour de ce fouillis, en posant un beau vif au ras des tiges ou dans les éclaircies ; vous aurez plus de chances qu'en opérant du bord. La dandinette fera merveille, même en été, quoique cette pêche soit surtout fructueuse en hiver, dès les premières gelées blanches. Il est bien entendu qu'à ce moment la pêche des salmonidés est prohibée.

Nous arrivons à la pêche en barque, la plus facile, puisqu'on la pratique en se promenant : la pêche à la traîne.

Sur un grand dévidoir ou un fort moulinet vous enroulez au moins 50 mètres de cordonnet ; vous le faites suivre par un bas de ligne en fort nylon, vous mettez un émerillon puissant, 10 centimètres de soie d'acier fine et une cuiller quelconque, pourvu qu'elle tourne. Vous placez ce moulinet sur un fort bambou de 2 mètres environ fixé sur l'arrière du bateau. Selon la profondeur du lac, vous plombez à 2 mètres de la monture, avec 50, 100 grammes ou plus, et en route.

Ramant lentement, vous laissez dérouler le fil à mesure que vous gagnez vers les profondeurs et, lorsque vous avez derrière vous une vingtaine de mètres, au minimum, dévidés, ramez à cadence normale autour du lac. Certains confrères n'ont pas de bambou, mais tiennent le fil en même temps qu'une rame, ce qui donne à la cuiller des mouvements brusques de départs et de ralentis fort attirants.

La touche se sent à la main, ou se voit sur le scion selon la méthode employée ; un fort grelot placé en bout est souvent employé par les professionnels. En cas d'arrêt par une herbe, cessez de ramer et revenez en arrière, perpendiculairement au point d'accrochage ; vous vous dégagerez neuf fois sur dix.

Pour capturer votre prise, agissez prudemment ; avec le bambou, la chose est aisée, mais, dans le cas du fil tenu à la main, le pêcheur doit bien connaître son affaire. D'ailleurs, l'ensemble étant solide, il est rare d'avoir le dessous dans la bagarre.

Et, pour terminer, disons qu'une barque vous permettra d'aller amorcer un coin connu de vous seul, où vous pécherez le lendemain, à la ligne ordinaire, avec beaucoup de succès.

Si les cordeaux de fond sont autorisés, je vous conseille d'emporter un panier de belles dimensions pour y entasser : anguilles, carpes et tanches qui s'y seront accrochées pendant la nuit.

Marcel LAPOURRÉ,

Délégué du Fishing-Club de France.

(1) Voir Le Chasseur Français de novembre 1950.

Le Chasseur Français N°646 Décembre 1950 Page 724