Nous dressions ici, il y a un an, sous le titre : « L'année
noire », un tableau synoptique des désastres, défaites et régressions qui
avaient décimé le sport français dans les précédentes saisons. Une année s'est
à nouveau écoulée et nous pouvons mesurer aujourd'hui quel magistral
redressement notre pays a effectué au cours des derniers mois et comment il a
repris la première place du sport européen.
Si nous ouvrons ce bilan sur les sports de base, nous y
trouverons le plus vif sujet de satisfaction et le plus beau fleuron de notre
couronne. Les championnats d'Europe d'athlétisme et de natation se disputaient
simultanément à Bruxelles et à Vienne. Dans l'un et l'autre sport, dans l'une
et l'autre capitale, la France à pour la première fois conquis de haute lutte
le titre de champion d'Europe par équipe. Des victoires individuelles :
Bally, Marie, Heinrich à Bruxelles, Jany (100 et 400), Mady Moreau, Nicole Pélissard
à Vienne ont démontré que nous possédions à la fois et des grandes vedettes et
un lot homogène.
Aux championnats du monde de cyclisme — où nous nous
étions montrés sous un jour si décevant l'an dernier — c'est encore la
France qui sort en tête du classement internations, Verdeun en sprint amateurs,
Lesueur en demi-fond nous rapportent deux titres. En escrime, si la maladie de
d'Oriola nous coûté une couronne de champion du monde, nous obtenons une
magistrale compensation avec la victoire de Levavasseur au sabre. Il y avait
bien cinquante ans qu'un Français n'avait remporté le sabre. Et nous sortons seconds,
derrière l'Italie, au palmarès international.
En boxe, où nos amateurs demeurent les meilleurs d'Europe,
nous conservons plusieurs postulants au titre mondial : Villemain, Skéna,
Ray Famechon. L'accident de Dauthuille devant La Motta nous a privés de
l'héritage de Cerdan.
En cross-country et en cross cyclo-pédestre, nous n'avons
fait que maintenir une tradition vieille déjà de plusieurs lustres en affirmant
une fois encore notre suprématie tant au cross international qu'aux Sept
Nations.
Étendons cette investigation aux sports collectifs. Le rugby
est celui pour lequel nous semblons le plus doués. Nous y avons dominé, cette
année encore, nos rivaux britanniques. Nous semblons voués à la deuxième ou
troisième place du Tournoi des Cinq Nations en rugby à quinze. Et si notre
saison internationale de football nous a apporté quelques revers, le
comportement du onze des Girondins en Coupe Latine nous a été une belle source
de compensations. En basket-ball, nous n'avons jamais réédité notre exploit des
Jeux Olympiques, mais nous sommes parvenus à battre, cette saison, notre plus
dangereux adversaire : l'Italie.
Bien sûr, nous n'avons pas été sans enregistrer quelques
avatars et quelques déceptions : notre élimination en Coupe Davis par le
Danemark, l'accident de Milan qui priva nos rameurs de leur matériel aux
championnats d'Europe d'aviron, la défaite de Famechon devant Willie Pepp,
celle de Pratési devant Terry Allen, autant de sujets de polémique et
d'amertume ... Le sport français le plus atteint est certainement
l'automobile, tragiquement frappé par la disparition de ses deux grands
champions, J.-P. Wimille et Raymond Sommer, morts en course, à un an
d'intervalle.
Mais si nous considérons l'ensemble de ce tableau et si nous
nous livrons à une investigation parallèle chez les grands pays européens :
Angleterre, Italie, Union soviétique, nous verrons que la France arrive assez
nettement en tête d'un classement par addition de points selon la formule
olympique. L'Italie serait seconde à ce palmarès, devançant les Anglais et les
Russes, ces derniers continuant d'être une énigme et n'obtenant que rarement,
en confrontation internationale, les résultats homologués chez eux. Pour nous, qui
enregistrons fréquemment le phénomène contraire, si nous ne renouvelons pas les
erreurs de préparation et d'arrangement de 1948, nous pouvons être assurés de
résultats sans précédents dans notre histoire aux Jeux de Helsinki en 1952.
Gilbert PROUTEAU.
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