Accueil  > Années 1950  > N°646 Décembre 1950  > Page 733 Tous droits réservés

Yachts et yachting

Bélouga ou grondin ?

Nous avons déjà vu les caractéristiques du bélouga (1) et du grondin (2). Ces deux unités connaissent un grand succès et leur nombre croît sans cesse, car ce sont les deux plus petits yachts de croisière habitables qui conviennent pour deux ou trois équipiers, et le prix de revient en est relativement abordable. Les plans ont été étudiés et dessinés pour être utilisés par des amateurs ; ils sont édités en série et vendus très bon marché, 3.500 francs pour le bélouga, et 5.500 francs pour le grondin. Rappelons que des plans similaires, étudiés par un architecte pour un seul client, coûteraient environ six fois plus. La différence des prix ci-dessus est due au fait que le dossier des plans du grondin comporte plusieurs versions au choix, soit un total d'une soixantaine de dessins. Construit par un amateur, un tel yacht revient à 150.000 ou 200.000 francs, suivant la qualité des bois et de la quincaillerie employés. Le bélouga sera d'un prix un peu plus élevé, et il demandera un nombre un peu plus grand d'heures de travail. Ces réserves faites, on voit que bélougas et grondins sont presque des frères jumeaux, surtout aux yeux inhabitués des débutants. C'est à eux que nous avons pensé en écrivant ces lignes, afin de les aider à résoudre un problème capital, celui du choix. Bélouga ou grondin ? La question qui nous est souvent posée, mal posée d'ailleurs, par les débutants embarrassés est la suivante :

« Quel est le meilleur de ces deux bateaux ? » Il est impossible d'y répondre exactement. Ne tenons pas compte de l'engouement des « mordus » et écoutons des avis raisonnables. Nous reconnaîtrons que chaque type a ses qualités propres et répond à des usages bien déterminés.

Le bélouga est le plus petit voilier dériveur habitable. Le plan en est excellent. C'est le bateau idéal pour le week-end de deux équipiers jeunes habitués au camping. Ce n'est pas un yacht à tout faire. Il a été dessiné pour naviguer dans les eaux abritées, et non pour la croisière en mer. Ce qui n'a pas empêché des plaisanciers de faire le tour de la Sicile avec leur bélouga. D'autres traversent la Manche chaque été et croisent le long des côtes anglaises. L'expérience a montré que le bélouga, conçu pour la rivière, se comportait fort bien en mer et montrait d'étonnantes qualités. Il ne faut pas en conclure que les bélougas sont des bateaux hauturiers, et ces performances tiennent à la science manœuvrière de leurs capitaines et aussi à une « fortune de mer » favorable.

Si le bélouga est dit habitable, il faut préciser qu'il n'offre qu'un simple abri provisoire contre la pluie et pour dormir. Nous invitons les débutants à reconstituer dans leur appartement les dimensions en grandeur vraie de la cabine ; entre les couchettes, il y a l'encombrant puits de dérive, qui ne laisse entre chaque siège et le puits qu'un espace de 0m,35, avec une hauteur maxima, sous barrots, de 1m,25. Qu'on essaie de faire sa toilette, de s'habiller, de cuisiner dans ces conditions.

Quant à ceux qui prévoient un troisième équipier dans le poste avant, nous leur conseillons de s'entraîner à des exercices de reptation sous une hauteur de 0m,85. Il est préférable d'emporter à bord le matériel de camping et de faire coucher le troisième, et même un éventuel quatrième équipier, à terre sous la tente. Ceci dit, le bélouga est un excellent dériveur pour deux jeunes équipiers, et un enfant à la rigueur, désirant vivre complètement à bord, décidés à sacrifier leur confort à l'agrément de pouvoir passer de belles vacances en naviguant à la voile dans des eaux abritées, ou en longeant les côtes par beau temps, mais en restant toujours à proximité d'un port ou d'une plage, la dérive permettant l'échouage sur le sable, solution de prudence dès que le temps se gâte. Léger — tout armé il pèse moins d'une tonne, — sa mise à l'eau et au sec ne sont pas des opérations très onéreuses, et il peut être remorqué derrière une voiture pour le week-end et les vacances. Il n'a pas été conçu pour recevoir un moteur fixe. Il faudra donc se contenter d'un petit hors-bord pour les pannes de vent.

Le grondin s'appelait, au début, « doris de mer ». Contrairement au bélouga, il a été dessiné pour la mer. L'expérience a montré qu'il se comportait fort bien par mer houleuse, et il peut entreprendre de petites croisières côtières avec un bon coefficient de sécurité. Mais ce n'est pas un bateau de haute mer, et les conseils de prudence que nous avons donnés pour le bélouga s'appliquent également au grondin. De dimensions similaires, le grondin pèse une tonne et est plus lourd que le bélouga. Il a un franc-bord plus généreux, une coque plus puissante, mais il est plus lent, sous voile surtout, par faible brise. Tous deux sont à bouchain vif. La particularité du grondin est, nous l'avons vu, de permettre à son propriétaire de choisir entre plusieurs versions de dérive, de gréement et d'aménagement. Pour la croisière, on choisit généralement la quille fixe, car la dérive est un point toujours faible pour la mer. La cabine est sensiblement la même que celle du bélouga, et ce que nous avons dit au sujet de son habitabilité et du nombre des passagers s'applique également au grondin. Toutefois, la suppression du puits de dérive dans ce dernier améliore son confort. Le grondin, par contre, est déjà un peu lourd pour être facilement remorqué derrière une voiture de tourisme, et il faudra prendre un camion. On peut aussi reprocher au grondin à quille de perdre les avantages du dériveur et de ne pouvoir échouer sur une plage. Mais cet inconvénient est compensé par la possibilité de recevoir un moteur fixe. Le moteur de voiture est à déconseiller, à moins qu'il ne comporte un refroidissement d'huile, un réducteur de vitesse, une pompe à eau solidement installée, ainsi qu'un silencieux refroidi. Mais un moteur marin d'origine sera toujours préférable à toute transformation. Une puissance de 3 CV est suffisante. Cela représente un encombrement et une dépense, mais l'agrément et la sécurité en sont sensiblement augmentés. Les frais d'entretien du grondin sont à peu près les mêmes que pour le bélouga. Seuls les frais de mise à l'eau et au sec seront peut-être un peu plus élevés. En ce qui concerne enfin la construction, avantage au grondin, l'association qui régie la série pouvant procurer à ses adhérents des membrures préfabriquées, les agrès et la quincaillerie nécessaires. Signalons enfin, pour terminer, le précieux ouvrage d'un grondiniste expérimenté, M. Michel Gat, dont le livre, Construisez votre grondin (3), est bourré d'excellents conseils pratiques et guide pas à pas l'amateur-constructeur jusqu'à la réussite finale.

A. PIERRE.

(1) Voir Le Chasseur Français de mai 1947.
(2) Voir Le Chasseur Français de février 1947.
(3) Librairie du « Yacht », 55 rue de Châteaudun, Paris (IXe).

Le Chasseur Français N°646 Décembre 1950 Page 733