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Les Nouvelles-Hébrides

L'archipel des Nouvelles-Hébrides représente une particularité en matière de juridiction et d'administration coloniale. C'est le seul condominium franco-britannique.

L'origine de cette condition particulière est due à la rivalité des missions religieuses anglaises et françaises, L'Église d'Angleterre et celle de Rome voulant toutes deux évangéliser les Canaques de ces îles.

Au début de l'occupation blanche, c'était à qui de ces missionnaires arriverait à soustraire à l'autre « les clients spirituels ». Sans vouloir porter atteinte au renom des anglicans, il s'est avéré que ces derniers allongeaient souvent frauduleusement la liste de leurs ressortissants, et ce dans l'intérêt de la nationalité. Ce procédé eut pour effet d'accorder à l'Angleterre beaucoup plus de sujets indigènes qu'elle n'y avait droit, et surtout disproportionnellement au nombre de sujets britanniques blancs résidant dans ces îles. D'où la constitution de cet étrange condominium. L'administration mixte est franco-anglaise, mais c'est un juge espagnol qui est chargé de départager les différends qui peuvent surgir entre lesdits administrateurs. Les Français relèvent du gouverneur de la Nouvelle-Calédonie à Nouméa. Ils sont au nombre de 850 environ, alors que les Anglais ne comptent que 40 citoyens. De plus, il y a 120 résidants étrangers européens, et les indigènes sont au nombre (très approximatif) de 40.000. Port-Vila, dans l'île Vaté, est le chef-lieu de l'archipel. La superficie totale est de 15.000 kilomètres carrés. Espirito-Santo, avec 5.000 kilomètres carrés, est la plus grande île. Il y a 40 îles et îlots répartis en trois groupes, à savoir : Bank et Torrès au nord ; Espirito-Santo, Malicolo, Aoba, Aurore, Pentecôte, Ambrym, Epi, Mai et Vaté au centre ; Erromango, Tanna et Anatom au sud.

En tant que production, ces îles possèdent un sol d'une fertilité prodigieuse, comparable à celle de Java. Les produits les plus recherchés peuvent y être obtenus, et parmi eux : cacao, café, coton, coprah et maïs donnent des résultats remarquables. La forêt vierge se déploie jusque sur les hauts sommets. Les essences précieuses y sont nombreuses, de même que celles propices au charpentage : chêne tigré, colin, gaïac, bois de rose, milnéa, bois de fer, teck. L'inventaire minier est loin d'être achevé. Jusqu'à présent, on a trouvé du soufre, très abondant dans les îles du nord. Les gisements de Vannua-Lava et Tanna représentent une teneur de 47 à 50 p. 100 (silice : 35 p. 100). Ces récifs marins offrent les nacres, les burgaus, les trochus, les écailles de tortue et les biches de mer.

Les mêmes firmes françaises qui se chargent des importations et exportations de la Nouvelle-Calédonie s'occupent également de celles des Nouvelles-Hébrides. En raison de l'absence de mise en valeur de ces terres, très peu de mouvement existe.

Port-Vila est le seul port un peu outillé pour l'embarquement. C'est l'escale de la ligne française Nouméa-Papeete. Le cabotage est irrégulier sur les îles. Il s'effectue par cotres à moteur et par grandes pirogues indigènes.

Les conditions d'attribution des terres comportaient la concession de 100 hectares au maximum sur les îlots mis à la disposition de l'État français par la Compagnie française immobilière des Nouvelles-Hébrides. L'octroi en était en principe onéreux, sauf pour les anciens combattants, les veuves et les pupilles de la nation. Le prix minimum était de 25 francs à l'hectare avant guerre.

Pour la colonisation, il semble y avoir deux solutions. 1° La colonisation individuelle ; 2° L'exploitation en société. De nombreuses îles sont libres de toute tutelle de propriété, la Compagnie immobilière n'ayant en option que les terres régulièrement reliées au chef-lieu. Dans ce deuxième cas, il faudrait donc envisager un investissement de capitaux assez important pour les exploitations totalement à charge, y compris l'achat d'un cargo pour le cabotage régulier des îles à exploiter à Port-Vila.

L'armateur audacieux et quelques colons courageux peuvent donc tirer profit de ces îles aussi riches qu'isolées.

A. GERONIMI DE SAINT-PÈRE.

Le Chasseur Français N°646 Décembre 1950 Page 756