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En Australie

Chasseurs de crocodiles

Un Français, René Henri, qui est à la tête d'un des plus grands salons de coiffure de Melbourne, a fondé le premier club pour la chasse aux crocodiles en Australie.

Après des expéditions préliminaires pendant trois hivers consécutifs au Queensland septentrional, ce Français audacieux a mis les résultats de ses expériences personnelles à la disposition de tous ceux qui voudraient chasser le crocodile dans les rivières tropicales austrasiennes.

Le club non seulement donne des renseignements, prépare des camps d'avant-garde dans les estuaires des forêts vierges, mais il permet à ses membres, trois jours seulement après avoir quitté Melbourne, d'exercer leur adresse sur les crocodiles à 3.200 kilomètres de là. Après trois jours de voyage, les chasseurs qui ont quitté l'hiver froid et humide de la grand-ville trouvent, dans l'extrême Nord, un bel hiver chaud et lumineux.

Les clubmen se rendent à Cairns (dernière grande ville sur la côte de Queensland septentrional, à la base de la péninsule de cap York) en avion. Là, un bateau diesel de 15 mètres de long les attend, et ils y trouvent une installation confortable pour un équipage et six passagers. Quatre camps d'avant-garde ont été établis sur les estuaires de la Sterkey, la Normany, la Kennedy et la Steward.

Le prix pour ces vacances sportives sera de £ A 3/3 par jour et par personne en groupes de 4, ou de £ A 2/2 par jour et par personne en groupes de six ou plus.

La première expédition, conduite par M. Henri et munie de jeeps et de remorques, s'est mise en route. Cette expédition traversera une des régions les moins connues d'Australie, entre le cap York et la baie de Princesse-Charlotte. Le pays abonde en étranges spectacles de la vie sauvage et en couleurs éclatantes. C'est un paradis pour les naturalistes, les photographes et les sportsmen. Outre les crocodiles, il y a des kangourous, des wallabies, des sangliers —descendants d'un petit troupeau débarqué par l'équipage du capitaine Cook, il y a cent quatre-vingts ans, — des émeus, des pélicans, des oies sauvages, pour signaler quelques-uns des animaux les plus connus.

Une grande partie de ce territoire n'est connue que des aborigènes et des pêcheurs de perles japonais, qui venaient sur ces côtes avant la guerre. Ici et là, on retrouve les pistes d'envol, souvenirs du temps où la Royal Australian Air Force bombardait la Nouvelle-Guinée et les archipels, occupés en partie par les Japonais.

Quoiqu'on puisse trouver des crocodiles à moins de 7 kilomètres de Cairns, les habitants n'ont jamais été très enthousiasmés par cette chasse. Faute de savoir les traiter, les précieuses peaux pourrissaient par la chaleur. C'était bien dommage, car chacune aurait pu se vendre £30. M Henri est maintenant spécialiste en peaux de crocodile autant qu'en cheveux de dames ! On est en train de mettre à l'essai de nouvelles techniques pour assurer la qualité des peaux salées.

Le crocodile, si on veut garder la peau, doit être tué d'une seule balle. L'unique point vulnérable représente à peine 13 centimètres carrés de la cuirasse du monstre, ce qui nécessite une véritable virtuosité de la part du chasseur. On ne peut jamais tirer quand il est dans l'eau. Mais le soleil lui plaît beaucoup et il dort sur les bords boueux, comme son cousin, le lézard. Il a l'ouïe fine, aussi est-il obligatoire d'agir sans bruit. Après avoir tiré sur un crocodile, on ne doit jamais s'en approcher avant que les yeux — tous les deux — soient fermés. Sinon, ce n'est pas encore la mort, et il peut très facilement essayer d'attaquer.

Leur camouflage est parfait, et il n'est jamais prudent d'avoir de l’eau au-dessus des chevilles. Deux fusils — par exemple l'un de 303 et l'autre de 30 de calibre — sont utiles, plus un télescope, et, bien entendu, un boy aborigène pour repérer le terrain et guider le chasseur.

L'été en Australie septentrionale est la saison des pluies. Les averses tropicales transforment les fleuves en torrents. Les eaux, refoulées par les marées, s'étendent sur le pays plat et forment des chaînes de lagunes sur des centaines de kilomètres. Celles-ci deviennent les repaires des crocodiles qui, pendant les saisons sèches, vivent aux dépens du bétail des immenses stations d'élevage. Les crocodiles adultes guettent sous l'eau l'arrivée des bestiaux. Souvent, quand une bête atteint la rive et penche sa tête vers l'eau, les grandes mâchoires d'un crocodile se referment sur son nez. Puis une lutte désespérée commence, qui se termine, généralement, lorsque le bœuf est entraîné dans l'eau, noyé.

Sur toute la péninsule du cap York, on estime qu'il n'y a que 1.200 Européens et 2.500 aborigènes. Beaucoup de ses beautés cachées, sa faune et sa flore si extraordinaires, se sont révélées, pour la première fois, aux membres du premier club pour la chasse aux crocodiles.

N. D.

Le Chasseur Français N°647 Janvier 1951 Page 7