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Causerie vétérinaire

La conjonctivite du chien

La conjonctivite est l'inflammation de la conjonctive, c'est-à-dire de la muqueuse qui tapisse le globe de l'œil et la face interne des paupières. Elle est produite soit par des poussières irritantes, des contusions ou des blessures de l'œil (ronces, orties), par la difformité des paupières (entropion, cils mal dirigés), ou par les localisations de certaines maladies infectieuses, notamment de la maladie du jeune âge, de l'eczéma, de la gale, etc...

Les paupières sont tuméfiées, sensibles : la conjonctive est très rouge, fortement injectée ; les yeux, larmoyants, impressionnables à la lumière. Si cette inflammation n'est pas traitée de suite, elle peut devenir chronique et, dans ce cas, amener la chassie des paupières, affaiblir la vue, déterminer un écoulement de muco-pus avec chute des cils.

Tous les éleveurs se souviennent de l'aspect lamentable que présentent les chiens atteints de la maladie du jeune âge arrivée à un stade avancé : les yeux, retirés au fond des orbites, deviennent chassieux ; la conjonctive, enflammée, rouge violacé, sécrète un exsudât muco-purulent verdâtre, qui souille le bord des paupières et les accole la nuit ; souvent l'inflammation s'étend à la cornée, qui devient opaque, soit à son pourtour, soit dans toute sa surface. Le corps clignotant, ou troisième paupière, placé à l'angle interne de l'œil, peut aussi participer à l'inflammation chronique de la conjonctive, s'hypertrophier ou donner naissance à une petite tumeur, l'onglet, qui entretient la conjonctivite ; son amputation, dans ce cas, s'impose.

La conjonctivite chronique est souvent aussi le résultat d'une constitution lymphatique, d'une mauvaise hygiène, d'une alimentation déficiente ou trop uniforme, au riz ou au biscuit dans lesquels les vitamines manquent, de l'anémie d'une maladie de peau ancienne, etc. C'est alors une véritable affection catarrhale, d'autant plus difficile, à guérir que l'état général du sujet est plus mauvais.

Le traitement des conjonctivites comporte d'abord l'indication causale : examiner la conjonctive et les culs-de-sac conjonctivaux en écartant les paupières et en extraire les corps étrangers (épines, échardes, etc.), combattre l'entropion, la mauvaise direction des cils (le trichiasis) en les arrachant, traiter l'anémie ainsi qu'il sera exposé plus loin, l'inflammation des paupières (gale, eczéma), la maladie du jeune âge, etc...

Le traitement proprement dit des conjonctivites comporte plusieurs indications dont les principales sont :

1° Soustraire le malade à la lumière vive en l'enfermant dans un local obscur ou en lui appliquant un pansement opaque.

2° La nécessité d'une asepsie rigoureuse s'impose. Il est indispensable d'éviter de porter un coton d'un œil sur l'autre, de se servir d'un compte-gouttes qui traîne n'importe où, de tremper son doigt dans le pot de pommade. Pour le traitement des conjonctivites comme pour celui des kératites, certaines précautions s'imposent :

    a. Pour les lavages : utiliser un ballon-laveur ou des ampoules-laveuses. Être suffisamment aidé pour que l'œil et les culs-de-sac conjonctivaux soient complètement détergés. A cet effet, l'aide qui tiendra là tête exercera une pression sur l'angle interne de l'œil pour dégager le plus possible la conjonctive et pour découvrir le corps clignotant.

    b. Pour les instillations, se servir d'ampoules collyre ou de flacons spéciaux qui suppriment l'usage du compte-gouttes.

    c. Pour la pommade, donner la préférence au tube d'étain qui a sur le pot la grande supériorité d'éviter des manipulations malpropres.

3° La conjonctivite aiguë sera traitée par des lotions avec de l'eau bouillie ou une solution antiseptique faible et tiède (solution d'acide borique ou de borate de soude à 2-3 p. 100, de cyanure de mercure à 1 p. 4.000-5.000). L'essentiel est que ce lavage mécanique soit fait soigneusement. On évitera, notamment, d'irriter la muqueuse par le frottement du coton et aussi d'ensemencer l'œil indemne ou moins affecté, au moyen du coton souillé par l'œil malade ; ne jamais porter un tampon d'un œil sur l'autre. L'emploi du ballon-laveur (sorte de pipette qui permet de diriger le jet sur l'œil) supprime les inconvénients du coton.

Si le cas est plus grave, on emploiera l'un des collyres suivants :

a.

Tanin

1 gramme.

 

Eau distillée

100 grammes.

b.

Argyrol

0gr,50 à 1gr.

 

Eau distillée

25 grammes.

 

En instillations, deux à trois fois par jour.

Si la douleur est très vive, on appliquera sur l'œil des compresses trempées dans les solutions boriquées ou boratées chaudes indiquées ci-dessus, ou on instillera, toutes les deux ou trois heures, quelques gouttes d'une solution de chlorhydrate de cocaïne à 1 p. 100 ou 200.

4° On traitera la conjonctivite chronique accompagnée de suintement ou de suppuration par la pommade à l'oxyde jaune de mercure :

 

Oxyde Jaune de mercure

0gr,10.

 

Vaseline neutre

10 grammes.

Tous les jours, introduire entre les paupières gros comme un pois de pommade.

Dans les rares cas de conjonctivite rebelle, un collyre au nitrate d'argent pourra être utilement employé. Mais l'application doit en être réservée au vétérinaire, qui devra être appelé pour faire l'ablation du corps clignotant en cas d'hypertrophie de cet organe.

Un régime fortifiant sera ordonné aux sujets affaiblis, amaigris à la suite de maladie du jeune âge : le lait, la viande crue, les œufs crus et battus, l'huile de foie de morue suractivée, l'Aviorhone aux doses quotidiennes de 2 à 10 gouttes par jour combattront utilement l'anémie, tout en favorisant la guérison de la conjonctivite.

G. Morel,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°647 Janvier 1951 Page 20