Accueil  > Années 1951  > N°647 Janvier 1951  > Page 30 Tous droits réservés

Le sport contre la cellulite

Depuis quelques années, une affection, jadis ignorée, est venue fort à la mode : c'est la cellulite. A vrai dire, c'est souvent un euphémisme qui sert à consoler les femmes ; les amas adipeux qui leur envahissent les hanches et les jambes sont ainsi mis sur le compte d'une maladie mystérieuse et non pas sur leur gourmandise et leur paresse physique.

Il faut reconnaître pourtant que l’adiposité prend souvent chez elles, et parfois chez les hommes, une forme spéciale, qu'il faut appeler cellulite parce que tout le tissu cellulaire épandu sous la peau s'en trouve affecté. Elle est, à mon sens, une conséquence directe de la « sédentarité », c'est-à-dire du repos, et aussi du travail en position assise.

Cette sédentarité est de plus en plus imposée et de plus en plus facile à adopter dans les conditions de la vie moderne. Un grand nombre de professions, surtout féminines, se pratiquent assises, et les moyens de transport, qui permettent aussi de s'asseoir, à moins qu'ils n'obligent à rester debout sur place, n'apportent aucune compensation, comme autrefois la marche, à cette immobilité professionnelle. II y a des femmes qui ne font pas deux cents mètres à pied par jour. Cette suppression de la fonction naturelle de leurs jambes détermine en celles-ci des troubles de circulation et de nutrition, d'où résulte nécessairement la cellulite. Le. remède est dans la reprise non seulement normale, mais assez poussée, de l'activité des membres inférieurs.

On donne souvent des causes plus savantes, mais obscures, à la cellulite ; on incrimine particulièrement des insuffisances et des troubles glandulaires ; l'hypophyse, l’ovaire, la thyroïde, les surrénales sont tour à tour, ou ensemble, tenues pour responsables. Mais le mauvais fonctionnement de ces glandes, quand il accompagne la cellulite est lui-même un résultat de la sédentarité.

Si nos membres inférieurs ont pour fonction essentielle de nous transporter, ils ont aussi un rôle circulatoire de la plus haute importance. Quand ils agissent pour nous faire marcher, courir, monter des escaliers, leurs muscles, en se contractant puis se relâchant, compriment rythmiquement « le tissu cellulaire » qui les recouvre et s'insinue entre eux. Ce tissu cellulaire comprend, disséminés dans ses mailles de fibres élastiques, des veinules, des artérioles, des capillaires, des cellules de graisse, des cellules lymphatiques, et une grande quantité dé sang blanc, de lymphe. Tout ce mélange se trouve brassé et foulé par les muscles au travail. Ainsi la lymphe, exsudée des veines, se trouve bien mêlée; et chassée de place en place jusqu'à ce qu'elle rentre dans ses vaisseaux propres, qui eux-mêmes subissent la poussée rythmée des muscles. Alors rien ne s'immobilise, rien ne stagne dans ce tissu cellulaire, ce « milieu intérieur » par lequel se font les échanges nutritifs entre tous les organes.

Qu'arrive-t-il quand les muscles n'assurent plus la circulation lymphatique en brassant énergiquement le tissu cellulaire ? D'abord les cellules adipeuses grossissent et se multiplient, car la cellulite commence toujours par de l'engraissement général ou local. Puis la lymphe stagne dans les interstices du tissu, s'encombre de produits de déchets et, devenue toxique, irrite et durcit les fibres élastiques. Tous les éléments du milieu interstitiel se prennent en une sorte de gangue englobant fibres, cellules, vaisseaux, lymphe et nerfs. Voilà constituée cette cellulite qui transforme les jambes en poteaux, à peau luisante ou violacée, surcharge les genoux, les hanches, l’abdomen de masses de graisse durcie, souvent douloureuses et toujours fort inesthétiques.

Contre la cellulite, on emploie bien des médications dont l'efficacité est médiocre, souvent nulle, quand il s'agit bien de cette transformation dégénérative du tissu cellulaire, et non d'un simple engraissement. Le massage vigoureux et fréquent donne quelques résultats précisément parce que l'on brasse tous les liquides stagnants et les cellules immobilisées. Mais le remède logique, et qui peut réellement guérir, est le retour à la pratique de la culture physique et des sports. Il ne faut pas, croire d'ailleurs que quelques mouvements de gymnastique, un peu de marche, de natation ou de tennis rétabliront la circulation lymphatique et les échanges nutritifs dans ces blocs de tissu dégénéré. Il faut arriver, par entraînement progressif, à des séances d'exercice énergiques, fréquentes et d'assez longue durée.

Il est facile de constater que les athlètes de classe, coureurs à pied, sauteurs, joueurs de football, coureurs cyclistes, n'ont jamais de cellulite, et qu'au contraire leurs jambes sont particulièrement musclées et « galbées ». Mais il faut tenir compte de l'intensité de leurs pratiques sportives et tâcher d'en approcher si l'on a la ferme volonté de se refaire des jambes normales.

Les exercices de gymnastique méthodique sont fastidieux à pratiquer à aussi forte dose. Mais il se trouve que la plupart des sports intéressants mettent surtout en action les membres inférieurs ; il n'est que d'y recourir, d'en prendre le goût pour que ce long et difficile traitement cesse d'être une corvée.

D'abord, revenir à l'exercice le plus naturel, à la marche ; ne pas perdre une occasion d’aller à pied où l'on doit aller, et y aller d'un bon pas ; ne pas manquer de monter vaillamment les escaliers au lieu de prendre l'ascenseur. Faire de belles excursions, à bonne allure, en ses. jours de loisirs, par terrains accidentés de préférence. L'ascension des pentes montagneuses est un exercice de premier ordre, et il n’est pas nécessaire, pour s'y livrer, d'avoir de hautes cimes à sa portée. Enfin, la bicyclette, si elle n'était inventée, devrait l'être pour traiter la cellulite.

Le pédalage impose à tous les muscles des membres inférieurs des contractions rythmées, assez énergiques, répétées pendant des heures. Le brassage du tissu cellulaire, la poussée circulatoire sur la lymphe et les vaisseaux sanguins se trouvent réalisés de la façon la plus sûre et la plus durable.

D'autre part, le cyclisme se pratique aisément en tout lieu ; dès qu'on s'y est habitué, dès que l'on sait pédaler correctement, on y trouve plaisir et distraction. Tout concourt ainsi à ce que la cellulite soit bien combattue, et assez longtemps. Maladie de la sédentarité, elle guérit par un sport qui exige l'activité continue des jambes, des cuisses et des reins ; j'oserai dire que la bicyclette est « le remède spécifique » de la cellulite.

Dr Ruffier.

Le Chasseur Français N°647 Janvier 1951 Page 30