Depuis quelques années, une affection, jadis ignorée, est
venue fort à la mode : c'est la cellulite. A vrai dire, c'est souvent un
euphémisme qui sert à consoler les femmes ; les amas adipeux qui leur
envahissent les hanches et les jambes sont ainsi mis sur le compte d'une
maladie mystérieuse et non pas sur leur gourmandise et leur paresse physique.
Il faut reconnaître pourtant que l’adiposité prend souvent
chez elles, et parfois chez les hommes, une forme spéciale, qu'il faut appeler
cellulite parce que tout le tissu cellulaire épandu sous la peau s'en trouve
affecté. Elle est, à mon sens, une conséquence directe de la « sédentarité »,
c'est-à-dire du repos, et aussi du travail en position assise.
Cette sédentarité est de plus en plus imposée et de plus en
plus facile à adopter dans les conditions de la vie moderne. Un grand nombre de
professions, surtout féminines, se pratiquent assises, et les moyens de
transport, qui permettent aussi de s'asseoir, à moins qu'ils n'obligent à
rester debout sur place, n'apportent aucune compensation, comme autrefois la
marche, à cette immobilité professionnelle. II y a des femmes qui ne font pas
deux cents mètres à pied par jour. Cette suppression de la fonction naturelle
de leurs jambes détermine en celles-ci des troubles de circulation et de
nutrition, d'où résulte nécessairement la cellulite. Le. remède est dans la
reprise non seulement normale, mais assez poussée, de l'activité des membres
inférieurs.
On donne souvent des causes plus savantes, mais obscures, à
la cellulite ; on incrimine particulièrement des insuffisances et des troubles
glandulaires ; l'hypophyse, l’ovaire, la thyroïde, les surrénales sont tour à tour,
ou ensemble, tenues pour responsables. Mais le mauvais fonctionnement de ces
glandes, quand il accompagne la cellulite est lui-même un résultat de la
sédentarité.
Si nos membres inférieurs ont pour fonction essentielle de
nous transporter, ils ont aussi un rôle circulatoire de la plus haute
importance. Quand ils agissent pour nous faire marcher, courir, monter des escaliers,
leurs muscles, en se contractant puis se relâchant, compriment rythmiquement « le
tissu cellulaire » qui les recouvre et s'insinue entre eux. Ce tissu cellulaire
comprend, disséminés dans ses mailles de fibres élastiques, des veinules, des
artérioles, des capillaires, des cellules de graisse, des cellules lymphatiques,
et une grande quantité dé sang blanc, de lymphe. Tout ce mélange se trouve
brassé et foulé par les muscles au travail. Ainsi la lymphe, exsudée des
veines, se trouve bien mêlée; et chassée de place en place jusqu'à ce qu'elle
rentre dans ses vaisseaux propres, qui eux-mêmes subissent la poussée rythmée
des muscles. Alors rien ne s'immobilise, rien ne stagne dans ce tissu
cellulaire, ce « milieu intérieur » par lequel se font les échanges
nutritifs entre tous les organes.
Qu'arrive-t-il quand les muscles n'assurent plus la
circulation lymphatique en brassant énergiquement le tissu cellulaire ? D'abord
les cellules adipeuses grossissent et se multiplient, car la cellulite commence
toujours par de l'engraissement général ou local. Puis la lymphe stagne dans les
interstices du tissu, s'encombre de produits de déchets et, devenue toxique,
irrite et durcit les fibres élastiques. Tous les éléments du milieu interstitiel
se prennent en une sorte de gangue englobant fibres, cellules, vaisseaux,
lymphe et nerfs. Voilà constituée cette cellulite qui transforme les jambes en
poteaux, à peau luisante ou violacée, surcharge les genoux, les hanches, l’abdomen
de masses de graisse durcie, souvent douloureuses et toujours fort inesthétiques.
Contre la cellulite, on emploie bien des médications dont
l'efficacité est médiocre, souvent nulle, quand il s'agit bien de cette transformation
dégénérative du tissu cellulaire, et non d'un simple engraissement. Le massage
vigoureux et fréquent donne quelques résultats précisément parce que l'on
brasse tous les liquides stagnants et les cellules immobilisées. Mais le remède
logique, et qui peut réellement guérir, est le retour à la pratique de la culture
physique et des sports. Il ne faut pas, croire d'ailleurs que quelques mouvements
de gymnastique, un peu de marche, de natation ou de tennis rétabliront la
circulation lymphatique et les échanges nutritifs dans ces blocs de tissu
dégénéré. Il faut arriver, par entraînement progressif, à des séances d'exercice
énergiques, fréquentes et d'assez longue durée.
Il est facile de constater que les athlètes de classe,
coureurs à pied, sauteurs, joueurs de football, coureurs cyclistes, n'ont
jamais de cellulite, et qu'au contraire leurs jambes sont particulièrement musclées
et « galbées ». Mais il faut tenir compte de l'intensité de leurs pratiques
sportives et tâcher d'en approcher si l'on a la ferme volonté de se refaire des
jambes normales.
Les exercices de gymnastique méthodique sont fastidieux à
pratiquer à aussi forte dose. Mais il se trouve que la plupart des sports
intéressants mettent surtout en action les membres inférieurs ; il n'est que
d'y recourir, d'en prendre le goût pour que ce long et difficile traitement
cesse d'être une corvée.
D'abord, revenir à l'exercice le plus naturel, à la marche ;
ne pas perdre une occasion d’aller à pied où l'on doit aller, et y aller d'un
bon pas ; ne pas manquer de monter vaillamment les escaliers au lieu de prendre
l'ascenseur. Faire de belles excursions, à bonne allure, en ses. jours de
loisirs, par terrains accidentés de préférence. L'ascension des pentes
montagneuses est un exercice de premier ordre, et il n’est pas nécessaire, pour
s'y livrer, d'avoir de hautes cimes à sa portée. Enfin, la bicyclette, si elle
n'était inventée, devrait l'être pour traiter la cellulite.
Le pédalage impose à tous les muscles des membres inférieurs
des contractions rythmées, assez énergiques, répétées pendant des heures. Le
brassage du tissu cellulaire, la poussée circulatoire sur la lymphe et les vaisseaux
sanguins se trouvent réalisés de la façon la plus sûre et la plus durable.
D'autre part, le cyclisme se pratique aisément en tout lieu
; dès qu'on s'y est habitué, dès que l'on sait pédaler correctement, on y trouve
plaisir et distraction. Tout concourt ainsi à ce que la cellulite soit bien
combattue, et assez longtemps. Maladie de la sédentarité, elle guérit par un
sport qui exige l'activité continue des jambes, des cuisses et des reins ;
j'oserai dire que la bicyclette est « le remède spécifique » de la cellulite.
Dr Ruffier.
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