Une plante sarclée est celle qui, pendant le cours de sa
végétation, reçoit des façons d'entretien qui ont pour objet de nettoyer le sol
; la destruction des plantes adventices est donc le but à atteindre et, d'une
manière générale, on pourrait souhaiter que toutes les cultures fussent
sarclées. Toutefois l'expression subit des restrictions ; le sarclage des
céréales est très exceptionnel et il ne vient guère à l'idée de sarcler des
cultures fourragères, bien qu'une exception soit ébauchée quelquefois lorsque
l'on veut maintenir rigoureusement propres des luzernes en vue de la production
de la graine et, encore, n'est-on pas très porté à le faire, craignant que
l'espacement des lignes en vue de biner réduise la production.
Dans l'agencement général des cultures, les plantes sarclées
tiennent donc d'une manière plus ou moins complète la place de la jachère,
celle-ci bien organisée tend, en effet, à détruire les mauvaises herbes à
mesure de leur apparition ; des tranches successives des réserves formidables
en semences sont amenées à évoluer, et il est certain qu'une jachère bien
employée donne des résultats directs intéressants ; la jachère ainsi ordonnée
constitue d'ailleurs le moyen le plus efficace de venir à bout des graminées
vivaces : des façons superficielles souvent répétées avec des outils appropriés
provoquent l'extraction des rhizomes, des souches puissantes et leur
dessiccation progressive. Les observations très pertinentes faites à la Ferme
extérieure de Grignon, en 1920, ont renouvelé l'opinion déjà acquise.
Mais la jachère coûte ; sans doute récupère-t-on une partie
des frais par le travail même du sol, par les actions d'ordre chimique et
biologique qui ne manquent pas de se développer, mais les frais généraux
continuent de courir et l'on s'est toujours félicité d'occuper la sole en
jachère par des plantes diverses ; celles-ci entraînent évidemment des frais de
fumure, d'ensemencement, d'entretien et de récolte, mais la richesse créée doit
couvrir les frais ; en même temps, les occupations procurées aux travailleurs
des champs leur donnent des salaires généralement plus élevés ; on a d'ailleurs
montré, depuis le début du XIXe siècle, combien l'introduction de la betterave
industrielle avait joué un rôle bienfaisant à cet égard.
Le principe d'une culture sarclée étant admis, il faut
effectuer un choix, car la variété des plantes acceptant, ou plus exactement, demandant
ce régime, donne lieu à discussion. Sur le plan théorique, la bonne culture
sarclée est celle qui peut être travaillée aisément ; à ce point de vue, on est
parti du travail à la main pour s'orienter très tôt vers les machines diverses
qui. travaillent un ou plusieurs intervalles à chaque passage, puis on est venu
plus récemment à espérer une aide par l'emploi de produits chimiques dits
sélectifs, de sorte que les progrès de la chimie aidant on entreverrait que les
travaux d'entretien viseront beaucoup plus à l'entretien du sol, afin que son
activité soit plus grande, qu'à la propreté du terrain.
A ce point de vue, d'ailleurs, les cultures sarclées ne se
comportent pas de la même manière. Un colza semé à l'automne demandera un léger
binage ; un simple hersage peut même suffire pour arracher les premières
mauvaises herbes, la puissance de la plante et sa couverture épaisse se
chargeant du reste. Une pomme de terre se défend bien jusqu'au moment où les
tiges commencent à s'affaisser et, à cet égard, il faudrait mettre sur le même
pied la pomme de terre arrachée en primeur alors que les touffes rapprochées
défendent la terre et les variétés tardives qui, jusqu'aux premières gelées,
sont aussi étouffantes qu'une culture de Vesces.
Les légumineuses cultivées pour l'alimentation an vert, pois
ou haricots, ont quitté le champ lorsque les feuilles sont encore couvrantes,
mais pour toutes les plantes citées, si les façons d'entretien n'ont pas
détruit d'une manière absolue les mauvaises herbes, dès que la maturité du
colza, de la pomme de terre, des pois, des haricots commence à se manifester
par une dessiccation des feuilles, par un affaissement des tiges, la moindre
pluie amène la germination des semences auxquelles il faut toujours songer même
en face de la terre la plus propre, et les champs peuvent être ainsi facilement
salis. D'autres travaux éloignent le cultivateur de ses cultures sarclées, tout
l'effort est donné du côté des céréales à récolter, des foins à faucher et à
faner, des vignes à traiter, et c'est là qu'apparaissent les défauts d'un
calendrier que l'on a cru bien organisé. Il faudrait distraire quelques heures
sur ce que réclament la moisson, la fenaison, le vignoble, mais on est pressé,
et la terre est salie pour plusieurs années. Un beau jour, la couche
superficielle garnie de petites semences que le premier labour enfouit plus ou
moins profondément revient à la surface, et l'on est surpris de voir sale un
champ que l'on croyait nettoyé.
Il est inouï de songer à la longévité des semences de la
plupart des plantes sauvages, la friche que l'on voit réapparaître après
quelques années d'inculture surprend l'observateur par une flore comprenant des
espèces que l'on ne connaissait plus. Il y a un autre phénomène qui est le
pendant de la « remontée des pierres » ; on ramasse des pierres et toujours on
en trouve, même sans approfondir le terrain par le labour ; en vérité, les
grains ténus qui composent les agrégats que la pluie, la neige, la gelée, le
vent démolissent, sont tellement fins qu'ils s'insinuent dans les espaces
lacunaires, la pierre ne descend pas et réapparaît en surface. Il en est de
même des plus petites semences qui sont toujours plus grosses que les très
fines particules du sol : enfouissement par les labours, ascension lente
permettent à la nature de nous donner des aspects qui séduisent l'amateur des
vives couleurs, mais désolent le praticien qui voit des convives inattendus
prendre leur part des éléments fertilisants et de l'eau sur lesquels on
comptait.
La betterave est une belle plante sarclée ; sans doute,
est-elle délicate dans ses premières semaines et ne passe-t-on jamais trop vite
la bineuse ou la binette qui frôle les jeunes feuilles, mais en peu de temps
les feuilles doivent couvrir la terre ; c'est d'autant mieux réussi que les
lignes sont plus serrées ; il faut d'ailleurs y penser dans la technique qui
tend à écarter les rayons pour mieux circuler en culture motorisée. Ainsi,
jusqu'au jour de la récolte, le champ de betteraves est défendu ; là encore, il
faut souhaiter une lutte efficace contre des maladies dévastatrices, telles que
la cercoporiose qui amène des trous dans le tapis protecteur. Voilà un aspect de
la question du choix des cultures sarclées ; d'autres problèmes se posent et
leur examen nous montrera comment se comporte le maïs, qui semble devenir une
plante à la mode.
L. Brétignière,
Ingénieur agricole.
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