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Causerie médicale

La tularémie

Sans être encore — heureusement — très fréquente, cette maladie commence à se manifester en Europe centrale et en France. Il y a donc intérêt à la connaître pour pouvoir la traiter dès son début, et pour prendre les précautions nécessaires pour s'en prémunir.

Il y a près de quarante ans que cette maladie, transmissible à l'homme, a été étudiée en Amérique sur des rongeurs sauvages : lièvres, écureuils ; aussi sur le sanglier, le renard ;

ces travaux ont été entrepris en Californie, à Tulare, et cette cité a donné son nom au microbe responsable et à la maladie.

La contamination est due, le plus habituellement, au contact ou plutôt à la manipulation d'un gibier malade, le plus souvent un lapin de garenne ; l'infection se fait presque toujours par une petite plaie des mains ou des doigts ; on cite aussi des cas où l'infection a pu se faire par la peau intacte, ou même par le contact avec la muqueuse oculaire ou par la bouche, ou consécutifs à l'ingestion d'un de ces gibiers, insuffisamment cuits. On a encore signalé, quoique plus rarement, la transmission par la morsure d'un animal ayant ingéré un animal malade ou même, comme pour certaines maladies, par la piqûre d'un insecte ayant vécu auparavant sur un animal infecté.

Dans sa forme la plus commune, dite « ulcéro-ganglionnaire », le début est brutal par les signes de toutes les fortes infections, avec fièvre et courbatures ; les lésions ulcéreuses, souvent très discrètes, siègent aux mains, aux doigts ; parfois ces ulcérations sont multiples ; en d'autres cas, on n'observe qu'une petite plaie unique.

Mêmes divergences pour l'atteinte des ganglions, au niveau du coude (à l'épitrochlée) ou de l'aisselle, ou aux deux endroits ; ces ganglions tuméfiés ne sont pas très nombreux, assez volumineux (pouvant atteindre le volume d'un œuf) ; la consistance est ferme et le ganglion est très douloureux spontanément et plus encore par le palper.

La maladie évolue en deux ou trois semaines; la fièvre diminue peu à peu, les ganglions peuvent suppurer, devenir fistuleux pendant deux ou trois semaines, avec un pus épais, jaunâtre, visqueux.

La convalescence est longue, s'accompagnant d'amaigrissement et d'asthénie.

Les autres formes sont dues à la différence des régions où s'est faite l'inoculation ; les signes généraux sont sensiblement les mêmes, mais le siège des ganglions pris sera différent ; dans la forme dite « oculo-ganglionnaire », on trouve de l'oedème des conjonctives et des paupières, parfois avec des ulcérations sur la conjonctive ; les ganglions se trouveront en avant de l'oreille, sous l'angle de la mâchoire ou au cou, dans la région carotidienne ; dans la forme « pharyngo-ganglionnaire », il s'ajoute des signes d'angine, quelquefois discrète, mais pouvant prendre une allure plus grave, faisant songer à une diphtérie maligne.

On a signalé aussi, quoique assez rarement, des éruptions cutanées et, parfois, des complications pulmonaires.

Pour préciser le diagnostic (lorsque, par exemple, on ignore les manipulations qui ont été à l'origine des accidents), il faut recourir aux examens de laboratoire : le sérodiagnostic, la tularino-réaction, la recherche du microbe causal et l'inoculation du pus à des animaux, comme la souris ou le cobaye.

L'emploi des antibiotiques actuels a permis d'abréger la durée de la maladie, d'éviter les fistulisations des ganglions suppurés ; les plus actifs usités actuellement sont la streptomycine (en injections sous-cutanées ou intra-musculaires), la chloromycétine et l'auréomycine, qui agissent même par voie buccale.

II ne faudrait pas que la crainte de cette infection, heureusement encore assez rare, éveillât une suspicion contre ces excellents gibiers que sont le lièvre et surtout le lapin de garenne.

Leurs préparations culinaires exigent toujours une longue cuisson, ce qui écarte le danger par leur ingestion. Au cours de leur manipulation, la seule précaution à prendre serai d’attoucher immédiatement avec un antiseptique (teinture d’iode ou mercurochrome) la moindre éraflure aux doigts ou à la main, si insignifiante qu'elle paraisse.

Dr A. Gottschalk.

Le Chasseur Français N°647 Janvier 1951 Page 48