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Libres opinions

Le triomphe du bon sens

    Par souci de discrétion, nous nous abstenons habituellement de reproduire dans les articles que nous publions les passages qui font allusion à notre journal en termes particulièrement élogieux. Nous préférons, en effet, laisser à nos lecteurs le soin d'apprécier eux-mêmes l’intérêt qui s'attache au Chasseur Français.

    Nous nous excusons de faire exception à cette règle dans l'article ci-dessous. Comme il constitue une synthèse des questions qui passionnent actuellement tous les chasseurs et que nous avons abondamment exposées dans ces colonnes, nous ne pouvions y faire des suppressions sans le rendre incompréhensible.

    Nous profitons de l'occasion pour remercier tous ceux qui nous ont écrit, souvent en termes qui nous ont beaucoup touchés, pour nous témoigner leur approbation et leur estime, ils se réjouiront en apprenant que Le Chasseur Français progresse à pas, de géants ; à l'heure actuelle, nous avons largement dépassé le cap des 600.000 abonnés, chiffre jusqu'à ce jour inconnu dans la presse française et très probablement dans la presse mondiale.

Non seulement Le Chasseur Français fournit chaque mois au lecteur des articles variés et d'un vif intérêt, mais aussi frappés au coin du plus pur bon sens, du vrai bon sens français ; et, étant donné, d'une part, la situation plutôt précaire dans laquelle se débat actuellement la chasse en France, de l'autre, la grande diffusion du journal, son influence peut et doit être considérable, d'une utilité incontestable : et je m'explique ...

Je prends deux récents numéros, ceux que je possède devant les yeux. Dans le n° 643 de septembre, page 517, j'y relève les observations pertinentes ci-après : un tableau de chasse impressionnant de nuisibles, dont 161 belettes, sur la nocivité desquelles on n'insistera jamais trop, en dépit de leur petite taille ! Puis ceci : « Or, j'insiste là-dessus, repeupler avant d'avoir liquidé puants, rapaces et coriaces, c'est repeupler pour eux ... » Plus loin, et toujours sous la signature autorisée d'Albert Ganeval, à propos de certains élevages : « Tout cela, c'est travail — j'allais dire expériences — de laboratoire nécessitant matériel coûteux, main-d'œuvre, temps, surveillance, toutes choses réservées aux privilégiés (de plus en plus rares) du rang ou de la fortune. » Et ces chiffres qui ont leur éloquence à propos d'un repeuplement … anémique !

Même salutaire avertissement, un peu plus loin, de la part de l'expert cynégétique Dannin à propos des lâchers de gibier, plus relevé de fautes grossières dans les tentatives de repeuplement, qui partent d'un bon naturel, mais qui manquent un peu trop d'acquis.

Si nous passons au numéro d'octobre, que lisons-nous cette fois ? Un article plein d'esprit de A. Roche, qui nous montre une grande — et glorieuse — armée des chasseurs malheureusement sans tête ! Et reprise de cette juste critique des deux permis, alors que les assemblées générales des fédérations, elles aussi, demandent à juste titre le retour au permis unique ! Non seulement l'État n'y perdrait rien, mais tout le monde y gagnerait, car, en augmentant de quelques simples francs le permis restreint, ses titulaires accepteraient avec le sourire cette minime augmentation qui leur permettrait de chasser désormais partout, tandis que les tenants du permis général seraient diminués ; faire rendre plus à l'impôt, faire payer moins au contribuable, le rêve qui, on le voit, peut être réalisé au mieux.

Avec beaucoup de tact, l'auteur aborde la question de la future, très ... future loi sur la chasse, et il n'hésite pas à écrire que, si de nouveaux aménagements s’avèrent indispensables, il faut prendre garde au bouleversement total. « Piano, pianissimo ! Craignons des règlements inapplicables ou amenant les pires déceptions. La chasse intéresse les chasseurs — vérité de M. de La Palisse, — mais aussi les possesseurs du sol sur lequel on recherche le gibier. Méfions-nous d'une loi basée sur des théories oubliant les réalités ! Que de déboires en perspective ! La majorité des petits propriétaires — surtout dans les régions méridionales (1) — veulent ne point être spoliés d'un droit auquel ils demeurent profondément attachés. Quoi de plus naturel ? … Que de couvées et de portées sauvées au printemps si on sait se faire un allié des possesseurs du sol ! Si la réglementation prend allure de brimade, les conséquences seront graves pour le gibier. Il y a tant de façons de torpiller une chasse sans se mettre dans un mauvais cas (2) … » Et si l'on veut se donner la peine de lire entre ces lignes de termes plutôt mesurés ... On devine en leur auteur un homme d'expérience et non un théoricien, un homme qui voit de loin le danger ; ce qu'il laisse entendre, c'est que la loi de 1941 devrait être modifiée du tout au tout, parce qu'autorisant maints abus, et celle de 1844 seulement amendée, ce qui est facile.

Notons enfin une intéressante étude sur la « fauconnerie » due à un auteur déjà cité, Albert Ganeval.

Le Chasseur Français, c'est véritablement l'organe du chasseur de la rue qui détient le bon sens français, et, grâce à son influence, ne laissons pas la politique mettre la main sur la chasse au bénéfice de quelques intérêts particuliers.

Jacques DAMBRUN.

(1) Et des propriétaires de tous les autres départements français aussi ...

(2) C'est là la thèse soutenue par l'unanimité des journaux et des revues, tant cynégétiques qu'agricoles, sans une note discordante, en dépit de communiqués plus au moins tendancieux.

Le Chasseur Français N°648 Février 1951 Page 78