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Au rucher

Transvasement direct

II arrive parfois d'avoir une ruche vulgaire, un panier, ou même une colonie logée dans un endroit quelconque que l'on désire transvaser dans une ruche à cadres.

Cette opération, un peu délicate à effectuer la première fois, est excellente pour se faire la main et obtenir rapidement la pratique de la manipulation des abeilles.

Pour mettre les chances de son côté, il sera nécessaire d'attendre avril pour faire ce travail. Dans ce mois, la population est moyenne, et il n'y a pas encore de miel liquide, ce qui augmenterait la difficulté, comme cela arriverait si on attendait un mois de plus.

Il y a plusieurs méthodes indirectes de transvasement que nous verrons par la suite, mais la méthode directe est la plus expéditive. Elle consiste à enlever les bâtisses de couvain d'ouvrières et à les placer dans les cadres de la nouvelle ruche, où elles seront maintenues à l'aide de ficelles.

Le premier travail est donc de préparer à l'avance les cadres destinés à recevoir les rayons découpés pour ne pas perdre de temps pendant le transvasement proprement dit. Quatre ou cinq grands cadres suffiront généralement. Clouer à moitié des pointes de tapissier dans le haut et le bas d'un côté du cadre, y passer une fine ficelle en zigzag et achever d'enfoncer les pointes pour fixer la ficelle. Tourner ensuite le cadre et clouer de l'autre côté quelques pointes à demi enfoncées. Mesurer la longueur de ficelle nécessaire sans la fixer.

Les autres cadres non préparés de cette façon sont munis de feuilles de cire gaufrée et placés aux deux extrémités de la ruche en laissant le milieu libre.

Le jour fixé, par beau temps, se munir de l'outillage voulu (marteau, couteau à désoperculer, deux paniers vides, etc.) ; commencer par enfumer sans exagération la ruche à transvaser. L'enlever et la porter plus loin à l'ombre ; à sa place, installer un des paniers vides, où les abeilles se grouperont au retour des champs.

Revenons à la ruche peuplée : la retourner et la fixer sens dessus dessous, soit en l'enterrant un peu, soit en la posant dans une hausse vide. Placer au-dessus le second panier vide légèrement soulevé d'un côté. Tapoter le bas avec des baguettes pour obliger l'essaim à monter dans le panier vide du haut. Inquiètes du bruit causé par le tapotement, les abeilles se gorgent de miel, et, à un moment donné, elles se dirigent en bloc vers le haut, abandonnant leur habitation. Lorsque la majorité du groupe est installée dans la ruche du haut, la soulever doucement, la poser à terre sur une étoffe noire. Enlever le plus possible d'abeilles de l'ancienne ruche et les faire tomber devant l'entrée, où elles iront rejoindre les autres. Au bout d'un moment, on peut vérifier s'il y a des œufs sur le drap noir, preuve que la reine est avec l'essaim. Si, d'ailleurs, les abeilles ne paraissent pas inquiètes et se groupent bien, c'est bon signe ; dans le cas contraire, il faudra poursuivre le tapotement plus longtemps.

Celui-ci terminé, porter au laboratoire la ruche à transvaser, la poser sur une table, enlever les baguettes soutenant les rayons et détacher ces derniers avec le couteau à désoperculer. Prendre alors un des cadres préparés, le mettre à plat, côté ficelle en dessous. Y placer des morceaux de rayons contenant du couvain d'ouvrières ; lorsqu'il est entièrement garni, passer les ficelles dans les pointes pour maintenir les morceaux de bâtisses et l'introduire ensuite dans la ruche à cadres. Garnir les autres cadres de la même façon. Faire attention pendant ce travail à ce que le couvain soit mis dans le même sens où il se trouvait auparavant et le disposer plutôt dans le milieu des cadres que sur les bords, où on garnira de préférence avec des morceaux de bâtisses vides. Lorsque tout le couvain d'ouvrières est utilisé, on peut garnir le reste des cadres préparés avec des rayons de miel ; le couvain de mâles est mis au rebut.

Dans la nouvelle ruche, la disposition des cadres est la suivante : au centre, le couvain, de chaque côté les rayons de miel, enfin, les cadres de cire gaufrée aux extrémités.

La ruche à cadres étant prête, la transporter très délicatement à son emplacement définitif, qui sera, en principe, le même que celui qu'occupait la colonie auparavant, en évitant les secousses, qui risqueraient de déplacer les morceaux de bâtisses, ce qu'on vérifiera d'abord avant d'y introduire les abeilles. Cette dernière manipulation se fera très simplement, en secouant brusquement le panier les contenant au-dessus des cadres. Il vaut mieux opérer ainsi, plutôt que de les introduire par l'entrée normale, du miel risquant de couler sur le plancher et pouvant les engluer. Les faire descendre sur les cadres à l'aide de l'enfumoir, après quoi remettre le plafond et le toit.

Restreindre l'entrée au passage de deux ou trois abeilles seulement pour faciliter la défense, la colonie n'étant pas encore organisée et l'odeur du miel risquant d'attirer les pillardes. Si possible, le transvasement se fera un après-midi ; de cette façon, les abeilles disposeront de toute une nuit pour arranger leur intérieur et pomper le miel ayant coulé. Deux jours après, on pourra agrandir l'entrée sans risques. Les déchets contenant du miel seront pressurés, et on redonnera cette nourriture aux abeilles sous forme de sirop.

Au bout de quelques jours, vérifier si les morceaux de rayons ne se sont pas déplacés dans les cadres ; il n'y a pas lieu de se préoccuper des ficelles, les ouvrières les enlèveront elles-mêmes. Nourrir si la miellée fait défaut.

Si ce travail est bien conduit, une telle ruche pourra donner une récolte l'année même, si la saison est favorable.

Roger GUILHOU,

Expert apicole.

Le Chasseur Français N°648 Février 1951 Page 107