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Causerie médicale

Les hémorroïdes

Bien que ce terme ait étymologiquement le même sens qu'hémorragie, il n'est plus employé que pour désigner les varices de la région ano-rectale et, ce sujet étant susceptible d'intéresser un certain nombre de lecteurs, je lui consacre volontiers une causerie, sur la demande de l'un d'eux.

Selon leur siège, on distingue les hémorroïdes en hémorroïdes externes, apparentes à la région anale, entre la peau et le bord du sphincter, et en hémorroïdes internes, non visibles à la première inspection, situées sur la muqueuse rectale, au-dessus du sphincter anal.

Les hémorroïdes externes se présentent sous forme de tumeurs violacées ou rosées, arrondies, lisses, résistantes à la pression, plus ou moins abondantes, parfois isolées, pouvant aller jusqu'à fermer un bourrelet circulaire autour de l’orifice anal ; les hémorroïdes internes, qui peuvent coexister avec la forme précédente, ne sont habituellement constatées que par un toucher rectal, à moins qu'elles ne deviennent procidentes après une défécation, qu'elles soient réductibles ou non ; le toucher rectal ou l'examen à l'aide d'un spéculum spécial est indispensable pour en faire le diagnostic, car il faut éviter d'établir ce diagnostic d'après un simple écoulement de sang ; en se contentant de ce diagnostic de facilité — et de probabilité, — il est arrivé parfois de méconnaître une lésion plus grave comme une tumeur, peut-être encore curable.

Si les hémorroïdes ne se présentent qu'après des efforts de défécation, elles peuvent se réduire par la suite ou s'étrangler (on accuse alors un spasme du sphincter venant les enserrer comme dans une boutonnière) ; il arrive alors qu'elles peuvent se dessécher, se flétrir, prenant alors le nom de marisques, qui ne saignent plus tout en restant douloureuses et qui, si elles sont internes, peuvent donner lieu à un polype.

L'on a signalé des hémorroïdes chez l'enfant, mais cette affection appartient surtout à l'homme, à l'âge mûr et dans la vieillesse, à la femme pendant la grossesse.

Comme causes prédisposantes on compte l'hérédité, la vie sédentaire, surtout dans la station assise, le séjour trop prolongé en voiture, en chemin de fer, peut-être la compression due à une selle dure, chez les cavaliers ou les cyclistes ; on incrimine aussi les excès de table, la constipation habituelle, l'abus des purgatifs ou des lavements.

La première question qui se pose est de savoir si les hémorroïdes doivent être considérées comme une affection purement locale ou si elles sont symptomatiques d'une autre affection du rectum (rétrécissement, rectite. dysenterie, tumeur bénigne ou maligne), d'une tumeur abdominale du rein, de la rate, de la prostate, du pancréas, de l'utérus ou de l'ovaire chez la femme, et il faut aussi déceler, le cas échéant, une cirrhose hypertrophique ou atrophique du foie. II est évident qu'en pareils cas tout traitement simplement local resterait inefficace.

Il est des cas — ce ne sont pas les plus fréquents — où les hémorroïdes sont supportées sans causer de grande gêne, ni d'accidents ou de complications ; d'ordinaire leur présence donne lieu à des crises douloureuses plus ou moins violentes.

La crise hémorroïdaire, qui traduit l'inflammation des varicosités, que l'on peut considérer comme une sorte de phlébite, survient, soit d'une façon subite, même au cours de la nuit, soit après quelques prodromes, par une sensation de chaleur allant jusqu'à la cuisson, par une tension pénible, avec ou sans démangeaisons de la région ano-rectale.

Ces symptômes douloureux persistent pendant le repos au lit et s'exaspèrent par la marche, par la défécation ; la durée de cette crise est variable, il arrive parfois que la crise cesse, au moins provisoirement, à la suite d'un écoulement de sang.

Ces saignements surviennent surtout à la suite d'une défécation ; ils sont rarement inquiétants, mais on connaît pourtant des cas où leur abondance et leur répétition ont amené un état sérieux d'anémie ; on a même signalé des cas d'anémie progressive sérieuse sans que le malade ait accusé de véritables hémorragies ; le sang a pu remonter dans le rectum où il s'est transformé en une sorte de caillot noir que le malade rendait en allant à la selle sans se douter qu'il s'agissait de sang.

La suppuration d'une hémorroïde, transformée en abcès pouvant causer une fistule, est un accident rare.

La douleur, avons-nous dit, est surtout due à l'inflammation, mais il y a aussi une autre cause : l'existence d'une fissure ; la douleur ne se manifeste alors pas seulement pendant une selle, mais elle persiste après elle. Le prurit peut devenir si intense qu'il en devient insupportable et n'est plus calmé par les médicaments usuels, les calmants comme le bromure, la valériane, même pas par les petits lavements froids ; il faut alors recourir aux pommades anesthésiantes ou à l'irradiation par les rayons X.

Le traitement pose encore une question. Autrefois, certains, considérant les hémorroïdes comme une sorte d'émonctoire salutaire, quoique dû à une infirmité jugée incurable, estimaient que non seulement il ne fallait pas entreprendre de traitement, mais ils allaient jusqu'à provoquer la réapparition d'un flux hémorroïdaire, en cas de disparition chez des sujets qualifiés de pléthoriques ou de goutteux.

Cette question ne se pose plus qu'en cas d'hémorroïdes symptomatiques, où le traitement de la maladie causale prime tout traitement local.

Le traitement général peut se résumer dans l'observation d'une propreté rigoureuse de la région anale, d'une vie active et d'un régime sobre.

On recommande les lotions froides après les selles ; en cas de turgescence, mieux vaut recourir aux lavages, aux lavements tièdes, aux bains de siège chauds.

Le régime habituel doit être riche surtout en légumes verts et en fruits ; on en exclut les mets épicés, le gibier, l'alcool, les liqueurs ; il n'y a pas de raison à supprimer le vin, mais il faudra le choisir léger et en user avec modération.

Parmi les médicaments, on fera bien d'user des laxatifs doux, en évitant les purgatifs drastiques et violents ; on a conseillé certains médicaments, comme l'hamamélis, le capsicum annuum, le marron d'Inde, qui peuvent être utiles, sans qu'on puisse en attendre la guérison.

La pharmacopée et la spécialité pharmaceutique ne manquent pas d'onguents calmant la douleur locale, le prurit, et applicables sous forme de suppositoires ; le vieil onguent populéum a encore ses adeptes.

Lorsqu'on en arrive, et le cas est fréquent, de discuter le recours à une intervention chirurgicale, c'est au médecin traitant de juger, d'après l'état des lésions et l'état général du malade, à laquelle de ces formes il adressera ce malade.

L'emploi des cautères est complètement abandonné, et, si l'on veut employer la cautérisation, le chirurgien se servira soit du thermocautère, soit d'un appareillage électrique permettant la cautérisation, la diathermo-coagulation. Ces divers procédés, sans la supplanter définitivement, remplacent souvent l'intervention sanglante, qui consiste, généralement après dilatation forcée du sphincter sous anesthésie profonde, en l'excision des hémorroïdes, suivie d'une suture minutieuse de la muqueuse et de la peau.

Enfin, l'emploi d'injections sclérosantes (comme on le fait dans les veines variqueuses) a également ses indications.

Dr A. GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°648 Février 1951 Page 112