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Fantômes et réalités

Les plus anciens documents relatant les croyances anciennes démontrent qu'en tous temps et tous lieux les hommes ont toujours eu conscience de phénomènes surnaturels. De nos jours, même dans les élites intellectuelles, de pareilles croyances persistent. Actuellement, avec les méthodes scientifiques, une simple affirmation ne suffit pas pour justifier d'un fait. On exige des preuves contrôlables.

La plus classique de ces croyances en un monde invisible est celle des FANTOMES. Il ne saurait être question, ici, des explications que théosophes et spirites en donnent, au nom d'une croyance à forme religieuse. Pas davantage on ne saurait se contenter de les nier, en attribuant les témoignages formels de ceux qui les ont vus à une simple hallucination.

Normalement un fantôme se présente sous une apparence quelque peu nébuleuse, en forme de drapé, au milieu duquel se distingue avec plus ou moins de précision une forme rappelant la silhouette humaine. Généralement la forme semble provenir d'une brume ou d'une fumée imprécise qui petit à petit se concrétise. Après quelques vacillements, la forme affirmée donne l'impression de se déplacer, en frôlant le sol de ses pieds, puis d'avancer, en accrochant des lambeaux de son suaire aux obstacles de son chemin. Puis elle se dissout et disparaît.

Un fait d'observation est formel, les chiens et les chats, lorsque de telles visions surgissent à la campagne, ne manquent pas d'aboyer ou miauler et de se précipiter sur le « fantôme » ou de prendre la fuite. Il y a là une première note de « réalité ».

Dans la majorité des cas, il n'y a pas de fantôme, et, si l'on étudie le cas avec la sévérité de la critique scientifique, on remarque qu'il s'agit le plus souvent de vapeur d'eau se condensant sous forme d'un petit brouillard nuageux qu'un souffle d'air a déplacé.

Mais, à côté de ces cas, il y en a d'autres seulement explicables par des pouvoirs exceptionnels possédés par certaines gens, ceux-là mêmes que l'on qualifie de « visionnaires », soit sur un ton admiratif, soit selon le mode narquois.

La guerre a fait grandement progresser leur explication. Pendant longtemps, on a pensé que l'œil, comme organe de la vision, était achromatique, c'est-à-dire qu'il recevait en un seul point de la rétine les rayons lumineux, quelles qu'en soient les couleurs. Les travaux sur le camouflage des lumières et la visibilité des couleurs ont démontré que cette idée scientifique était fausse.

L'œil agit comme un prisme, en décomposant les lumières en couleurs élémentaires, et celles-ci sont concentrées sur la rétine, selon des profondeurs ou hauteurs correspondant à chacune d'elles. Le violet est concentré le plus en avant, et le rouge le plus en arrière. Le jaune seul est ponctuel de la rétine. Les autres couleurs se situent en des points intermédiaires.

C'est pour ces raisons que la couleur jaune a été rendue obligatoire pour les lampes électriques d'automobile. Également c'est selon le même principe que la défense passive faisait colorer en violet ou en bleu les ampoules des trains de la S. N. C. F.

Mais nombre d'animaux distinguent des couleurs invisibles aux humains. Une poule mise dans une cage noire, éclairée selon les couleurs de l'arc-en-ciel, ne picore que les grains éclairés. Or elle ne mange pas ceux qui sont répandus dans la zone du violet ou de l'indigo et consomme ceux situés dans l'infra-rouge. Il en est de même de certains humains. La preuve en est qu'ils signalent le passage d'un courant électrique lancé à leur insu dans des électro-aimants et prétendent voir un certain halo, qui reste invisible aux autres témoins.

Ces mêmes « médiums » affirment voir des sortes de halos autour de certaines personnes. Avec les progrès des plaques photographiques, impressionnées par ces mêmes halos, on ne peut plus parler d'hallucination ou de supercherie. Ce sont donc des réalités à expliquer scientifiquement.

On a donné à ces émanations le nom de « odiques » en reprenant le terme sanscrit du od s'appliquant à l'entité du fluide vital. Pour certains savants, ces émanations ne sont rien d'autre que des oxydations de sueurs, pour d'autres des radiations nerveuses. Dans les deux cas, quelles qu'en soient les origines, il reste que seuls certains humains peuvent en recevoir les impressions. Or ils possèdent des yeux identiques à tous les autres.

Pour tenter une explication, on peut supposer que leur gamme d'accommodation a une longueur identique à la normale, mais qu'elle est « décentrée », ce qui se traduit par une cécité totale envers certaines ondes normales, et une hypersensibilité envers d'autres, invisibles aux yeux usuels. S'il en était ainsi, les objets paraîtraient irisés selon leurs contours, et il n'en est rien.

Les émanations odiques varient d'autre part essentiellement selon leurs sources, toujours issues d'être vivants. Or l'intensité et même la couleur sont variables selon l'état de nervosité du propagateur. L'oeil du médium perçoit ces différences, mais tout le monde peut également les vérifier en regardant à travers un écran de glace avec une interposition d'alcool de dicyanine en solution. Ces émanations sont également susceptibles d'impressionner une plaque photographique, dans les mêmes conditions d'obscurité ou d'éclairage en rouge.

Cette obligation d'obscurité ou de pénombre avec lumière rouge peut s'expliquer par le fait que ces émanations odiques sont trop faibles pour impressionner un œil normal en blanc.

Mais une autre explication est celle de la phosphorescence des vers luisants, qui, contrairement à la lumière courante des procédés physiques, a pour particularité d'être froide, et nullement issue de réchauffement d'un corps. Il ne faut jamais oublier, en effet, que l'électricité n'est jamais lumineuse par elle-même, pas plus que la chaleur ou la lumière elle-même. Un gaz traversé par l'électricité ne devient luminescent que par ionisation, c'est-à-dire par désintégration de certains de ses éléments. Ce que l'on nomme la lumière est obscur en soi-même, et ce que l'on voit est l'expression d'un phénomène de désintégration par contact, et destruction de certaines matières recevant des photons.

La science actuelle retient qu'il n'existe pas de corps obscurs par eux-mêmes, quand ils sont vivants ou doués d'une certaine température. Il n'existe seulement, parmi les êtres vivants, que des yeux plus ou moins perfectionnés. Ceci explique que les émanations odiques sont bien des réalités, mais que rares sont les humains pouvant les apercevoir.

Il reste cependant à expliquer l'apparition des fantômes.

Dans l'état actuel de la science, leur existence n'est pas contestée. Ils existent sans discussions possibles, car, en même temps qu'ils étaient vus, ils mettaient en branle des appareils électriques enregistreurs de contrôle. Également ces « matérialisations » interceptaient les radiations infrarouges, exactement de la même manière que le passage d'un homme devant le trajet d'un projecteur ad hoc met en marche un escalier roulant du métro, ou ouvre une porte automatiquement à l'hôtel Ambassador de Paris.

Les dernières communications à l'Institut métapsychique sembleraient prouver que la mort d'un être vivant provoquerait une certaine désintégration de matière, qui occasionnerait une projection dans l'espace d'émanations odiques. Celles-ci subsisteraient un certain temps et deviendraient visibles dans certaines conditions.

Louis ANDRIEU.

Le Chasseur Français N°648 Février 1951 Page 121